Pourquoi la fin de saison atypique du WRC était nécessaire

La saison 2020 du WRC a connu un dénouement inhabituel dans le cadre du Rallye de Monza. Même si elle était loin d'être idéale, cette épreuve a peut-être épargné au Championnat du monde de sérieux problèmes en offrant une vitrine lui permettant d'assurer la présence de plusieurs acteurs à long terme.

Sébastien Ogier, Julien Ingrassia, Toyota Gazoo Racing WRT Toyota Yaris WRC

Photo de: McKlein/LAT Images

Année après année, le Monza Rally Show a apporté un peu de couleur à la fin de saison, une période de l'année où l'hiver et la pluie encombrent nos pensées. L'épreuve offrait également par le passé une mini Race of Champions, en rassemblant des stars de différentes disciplines venant parfois d'un autre monde, avec notamment la participations de figures du MotoGP.

Monza s'annonçait toutefois différent cette année, en l'absence de la star Valentino Rossi et du public, ne devenant guère plus qu'une volonté d'en finir avec 2020. L'idée de voir des WRC s'affronter dans les spéciales boueuses d'une épreuve renommée Rallye de Monza ne suscitait qu'un intérêt mesuré mais s'il y a une certitude, c'est qu'elle est devenue l'une des plus importantes du Championnat du monde depuis plusieurs décennies.

Pourquoi une telle importance ? Sans Monza, le WRC aurait maintenu moins de 50% de son calendrier initial. En suivant les règlements de la FIA, la saison 2020 aurait été purement et simplement annulée. Un amendement évoquant un cas de force majeure restait possible mais sans Monza, le WRC aurait pu manquer à ses obligations envers les chaînes de télévision, ce qui lui aurait porté un coup très dur. Les diffuseurs de WRC n'apportent pas des revenus comparables à ceux de la Formule 1 – une personne impliquée dans la diffusion a qualifié les sommes de "clopinettes" –, mais le problème n'est pas là.

Le WRC appartient à Red Bull, qui souhaite que chaque rallye attire les regards autant que possible car sa marque apparaît dans les spéciales, dans les parcs d'assistance et sur les tenues de la majorité des pilotes. La boisson n'a pas sauvé le championnat par acte de philanthropie en 2012. Elle a investi avec l'ambition d'apparaître chez autant de téléspectateurs que possible, partout à travers le monde.

La plupart des compétions mondiales s'appuient sur une diffusion via des chaînes payantes pour générer des revenus. C'est avec des boissons pétillantes dont le WRC fait la promotion que Red Bull gagne de l'argent et cette stratégie semble très efficace. Des records d'audience ont été battus dans les trois manches du WRC disputées avant le confinement provoqué par la pandémie de coronavirus au printemps, avec une hausse de 15% pour atteindre 242 millions de téléspectateurs, à travers 2'679 heures de diffusion.

Les chiffres pour le reste de la saison 2020 n'ont pas été communiqués mais les données de 2019 sont étonnantes. Au total, 831 millions de téléspectateurs ont regardé le Championnat du monde des Rallyes l'an dernier. C'est un milliard de moins que la Formule 1, mais c'est plus qu'en réunissant les trois compétitions de sport automobile que le WRC devance.

La Formule E a en effet touché 411 millions de téléspectateurs en 2019. Le Championnat du monde d'Endurance a attiré 255 millions de personnes devant leur écran, en comptant deux éditions des 24 Heures du Mans, à la suite de la Super Saison s'étalant sur 2018 et 2019. Et la NASCAR a cumulé 119 millions de téléspectateurs aux États-Unis, répartis sur 40 événements.

Maintenir l'audience mondiale du WRC apparaît donc comme une nécessité pour son avenir, et la réponse apportée par Monza pourrait s'avérer inestimable. Après tout, personne ne peut imaginer qu'un retour à une "normalité d'un nouveau type" sera facile. Envisager que le calendrier 2021 tel qu'il est proposé actuellement se déroulera sans heurts semble impossible à l'heure où le COVID-19 représente toujours une menace pour la planète. Il est difficile de comprendre comment l'on pourrait passer en à peine six semaines du confinement nerveux de Monza à un Monte-Carlo qui s'étendrait avec majesté.

Pour les diffuseurs engagés dans ce futur incertain, une preuve devenait nécessaire et Monza l'a peut-être apportée, ce qui n'était pas couru d'avance. Le monde du WRC a dû s'exposer pour se produire en Lombardie, l'une des régions européennes les plus touchées par la crise du COVID-19, et où le nombre de décès est actuellement aussi élevé qu'au mois de mars.

Confiner les équipes et l'essentiel de la compétition dans le périmètre de Monza était une décision sensible, mais qui pouvait rebuter. Samedi, le plateau a pu se dégourdir les jambes dans des spéciales montagneuses, au cours desquelles les pilotes ont dû sélectionner les pneus adaptés aux conditions pendant que leurs équipes restaient coincées dans la "bulle" sur l'Autodromo.

L'image du commissaire brandissant le message écrit à la main "Neige possible dans les quatre derniers kilomètres" au départ de la 11e spéciale restera longtemps dans les mémoires − évidemment plus amèrement pour Elfyn Evans et son copilote, Scott Martin.

Son équipier et rival pour le championnat, Sébastien Ogier, a été sacré pour la septième fois de sa carrière, la première au volant d'une Toyota après les quatre couronnes conquises chez Volkswagen et les deux avec la Ford de M-Sport. Le Français n'est que le deuxième pilote de l'Histoire à réaliser la performance d'être sacré avec trois marques différentes, après Juha Kankkunen, titré avec Peugeot, en 1986, deux fois supplémentaires avec Lancia, au cours des saisons 1987 et 1991, et enfin une avec Toyota, comme Ogier, en 1993.

Ce dénouement n'aurait peut-être jamais été possible sans les efforts et la capacité d'adaptation de tous les acteurs du WRC. "Je pense que dans ce qui était peut-être l'année la plus difficile, avec l'espoir que nous n'en aurons pas de plus dure à traverser, nous avons tous fait un travail fantastique pour garantir la tenue de ces épreuves", a déclaré Richard Millener, le team manager de M-Sport. "Et oui, peut-être qu'elles n'ont pas été parfaites, que ce n'est pas ce que nous voulons et attendons d'une manche du WRC, mais je pense que nous devons être fiers de ce que nous avons accompli dans des conditions vraiment difficiles."

Les équipes d'usine sont en mesure de mieux anticiper leurs budgets que M-Sport, mais cela n'a pas rendu la gestion de leur saison plus facile pour autant. "Ce que tout le monde a fait pour finir la saison est incroyable quand on y pense", a déclaré un Andrea Adamo ému après que l'équipe qu'il dirige, Hyundai, a décroché un second titre des constructeurs consécutif. "Je sais par où nous sommes passés, j'ai eu des journées difficiles. Je ne vais pas me plaindre, mais il y a eu beaucoup de tensions, nous avons dû justifier notre implication."

Monza a fait partie des quatre rallyes organisés après le confinement du printemps et WRC Promoter, la FIA et les organisateurs doivent être félicités pour avoir déplacé des montagnes. Plus que tout, ces quatre épreuves se sont déroulées dans de bonnes conditions de sécurité. À tous les égards, la communauté du WRC peut être fière de ce qu'elle a collectivement accompli en 2020. Il n'y a plus qu'à espérer qu'elle en tirera les bénéfices dans un avenir plus paisible.

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