Aston Martin : les raisons d'un premier Grand Prix raté

Après un début de saison totalement raté à Bahreïn, Aston Martin doit vite se reprendre pour rejoindre le peloton.

Nico Hulkenberg, Aston Martin AMR22

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

Après une année 2021 décevante terminée à une anonyme septième place du classement des constructeurs, cette saison 2022 devait être celle de la renaissance pour Aston Martin. En effet, la nouvelle réglementation devait permettre à l'écurie de Silverstone de repartir de zéro, avec l'objectif de retrouver le haut du peloton.

Pourtant, à Bahreïn, l'écurie de Lawrence Stroll a donné l'impression d'avoir régressé. Il est vrai qu'elle n'a pas été aidée par le test positif au COVID de Sebastian Vettel, remplacé alors par Nico Hülkenberg, qui n'avait pas eu le temps de sa familiariser avec la voiture. Mais au-delà du changement de pilote dans le baquet, d'autres problèmes mènent la vie dure à l'écurie. Lance Stroll, qui a effectué tous les tests hivernaux, s'est retrouvé en grande difficulté. Qualifiés 17e et 19e, les pilotes Aston Martin n'ont pu faire mieux que 12e et 17e le dimanche.

Comme cela est le cas pour McLaren et Williams (qui ont également connu un premier week-end compliqué), la monoplace verte devrait être en mesure de faire beaucoup mieux. Mais dans le contexte de la F1 moderne, avec un plafond budgétaire, des limites de temps en soufflerie et des nouvelles monoplaces qui ne sont pas encore optimisées, la route paraît très longue et pleine d'obstacles.

Après treize ans passés loin de la F1, le nouveau team principal d'Aston Martin, Mike Krack, a connu un véritable baptême du feu à Bahreïn. "Bien sûr, toutes les écuries ont leurs problèmes", expliquait le Luxembourgeois après la course. "Nous n'étions pas sûrs à 100% de notre position dans la hiérarchie, pour être honnête. Nous avons travaillé lors de chaque session de tests, pendant les essais hivernaux, autour de ces problèmes. Je pense que nous n'étions pas les seuls. Donc, à ce stade, nous ne savions pas trop où nous en étions. Hier [samedi dernier], nous avons eu un premier aperçu, parce que tout dépend aussi de la manière dont vous effectuez vos relais, à quel moment de la journée, quels pneus vous utilisez, sur quel mode moteur vous êtes réglés. C'était une surprise, une mauvaise malheureusement."

Krack est également revenu sur la perte de Sebastian Vettel pour ce Grand Prix inaugural. "Cela est arrivé à un moment où vous n'avez vraiment pas besoin de ça, parce que nous n'avions aucune référence [avant les essais], et puis vous devez changer de pilote au dernier moment. Donc cela vous laisse avec une seule référence, ce qui est toujours un peu dangereux. C'est évidemment difficile pour Nico, de sauter dans la voiture sans aucune référence, étant donné qu'il n'avait pas fait les tests. Donc vous êtes un peu dans le doute. Ça ne nous a pas aidé, mais cela n'a rien à voir avec la performance de la voiture."

Mais alors, que s'est-il passé pour Aston Martin, et comment l'écurie peut-elle résoudre ses problèmes ? Tout d'abord, parmi toutes les autres équipes, celle de Silverstone est sans doute celle souffrant le plus de marsouinage. Les ingénieurs ont trouvé un moyen de le réduire, ce qui génère moins de rebonds. Cependant, la hauteur de caisse a dû être élevée, empêchant ainsi l'AMR22 de fonctionner dans la fenêtre pour laquelle elle a été conçue.

L'ingénieur en chef Andrew Green relevait après les qualifications que cette hauteur de caisse, qui était le meilleur équilibre entre performance et confort du pilote, coûtait tout de même environ 750 millièmes par tour à elle seule. "Andrew a raison, mais il y a également d'autres zones [qui font perdre du temps]", concédait Krack.

"Évidemment, vous roulez avec un compromis, et à un certain point vous vous demandez quel niveau de compromis devez-vous conserver. Au final, c'est un choix à faire. D'abord vous devez évaluer la fiabilité de la voiture, et vous ne pouvez pas couvrir une distance de course avec autant de marsouinage. Ce n'est pas un problème de design fondamental, c'est un problème que tout le monde a. Certains ont trouvé une solution rapidement. D'autres en ont obtenus plus tardivement, mais quand vous comparez aux premiers essais à Barcelone, je pense que le niveau de marsouinage que nous avons ici [à Bahreïn] est quasiment nul."

L'un des soucis rencontré par chaque écurie est l'impossibilité de traduire le marsouinage en soufflerie. En effet, les vitesses simulées dans les tunnels ne sont pas suffisantes pour faire apparaître ce phénomène : c'est donc le vendredi, durant les essais libres, que les écuries doivent tester et trouver des solutions. De ce fait, elles se concentrent moins sur le réglage optimal, mieux adapté au circuit visité.

Aston Martin espère recevoir de nouvelles pièces dès ce week-end, mais leur acheminement vers le circuit risque d'être compliqué. "Ce sont ces voyages qui nous font mal actuellement", expliquait Krack. "Un double header, ou même triple puisque nous avions les essais hivernaux avant, puis nous allons en Australie. Il y a toutes ces difficultés logistiques, alors que si nous avions trois ou quatre manches en Europe, nous pourrions acheminer des pièces, encore et encore. C'est un défi de plus."

"Il faut anticiper les livraisons et les douanes", poursuivait Krack. "Alors qu'en Europe, vous pouvez simplement aller en soufflerie, développer et fabriquer les pièces, parce que vous ne devez pas oublier qu'il faut également concevoir ces choses. En plus, nous parlons avant tout du plancher, et en fabriquer ou apporter des modifications demande beaucoup de temps."

Aston Martin ne pourra pas changer de concept cette année

Lors du lancement de l'AMR22, Green expliquait qu'Aston Martin avait dessiné une voiture plutôt flexible et adaptable, afin d'éventuellement copier d'autres écuries si celles-ci avaient trouvé un système plus performant. Cependant, apporter des modifications profondes, voire changer de direction dans le développement, est loin d'être aisé. 

"En termes de concept, je pense que cela sera difficile", admettait Krack. "Mais il s'agit d'une équipe qui a fait cela pendant de nombreuses années. Elle sait où elle a dû apporter de la flexibilité dans le concept de base, donc vous pouvez l'ajuster, et d'autres domaines peuvent être moins orientés vers ce compromis. Je pense que nous avons toujours de nombreuses options."

Un autre défi avec ces nouvelles monoplaces : les équipes sont constamment en apprentissage. Même lorsque des pièces sont produites, d'autres directions de développement (qui s'avèrent plus efficientes) sont identifiées. Un jeu d'équilibriste très délicat. "C'est la partie critique", s'exprimait le team principal. "Car à chaque fois que la voiture roule, vous avez une nouvelle analyse, une nouvelle référence de données, mais parfois, ce point est différent de la direction de développement que vous aviez sélectionnée."

"Donc vous pouvez être partis dans un sens, et au final, vous devez changer, alors que les pièces ont déjà été construites. C'est du jonglage constant, avons-nous pris la bonne décisions ? Car avec le plafond budgétaire, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir cinq directions de développement à la fois. De ce fait, nous ne devons pas oublier que nous sommes toujours une petite équipe, nous ne pouvons pas partir dans tous les sens."

Cependant, un aspect important est hors de contrôle de l'équipe. À Bahreïn, les trois écuries clientes équipées du moteur Mercedes se sont retrouvées en queue de peloton. D'ailleurs, leurs six monoplaces occupaient les six dernières places à l'arrivée du Grand Prix inaugural. "C'est un aspect que nous avons repéré tôt", déclarait Krack. "Mais d'un autre côté, Mercedes a terminé 3e et 4e [dimanche], donc vous pouvez toujours avoir de bons résultats avec cette unité de puissance. D'abord, nous devons construire une bonne voiture, ou une voiture plus rapide, avant d'aller vers ce que vous observez. Ce que vous dites est juste, mais je pense que nos concurrents ont fait un plus grand pas en avant, et nous nous devons de les rattraper."

Le département technique de l'écurie a été renforcé depuis l'an dernier, et l'ancien ingénieur de chez Red Bull Dan Fallows rejoindra les rangs verts avant le Grand Prix d'Australie (son ancien contrat l'empêchant de rejoindre un concurrent dans l'immédiat). Il avait évidemment une idée de là où se situait la RB18 avant de quitter sa structure, mais pour Krack, son point fort est l'ensemble des compétences qu'il peut apporter.

"Je pense qu'avoir quelqu'un comme Dan est un très bon atout. Pas spécialement de par ses connaissances de chez Red Bull, mais pour sa personnalité et son expertise technique. Nous avons hâte de l'accueillir dans deux semaines. Nous ne devons pas le réduire à son ancien poste chez Red Bull, nous devons considérer qui il est et ses compétences techniques."

Pour Krack, le Grand Prix de Bahreïn n'était pas le départ qu'il espérait, et son seul motif de satisfaction est de voir d'autres écuries en difficulté, notamment McLaren, qui est menée par son ami et ancien collègue chez Porsche Andreas Seidl. Ce dernier a réalisé un grand coup en relevant son écurie ces dernières années, et Krack souhaite désormais réaliser la même chose.

"Cela prendra du temps", disait-il. "Mais je dois dire que l'écurie est très ouverte d'esprit. Dès le premier jour, j'ai eu de très bonnes conversations, nous sommes allés dans les détails techniques, ce qui est très important selon moi. Vous avez une compréhension de ce qu'il se passe, donc nous pouvons aller dans la bonne direction. Je mentirais si je disais que je savais tout. Mais ces deux dernières semaines ont été plutôt bonnes, je dirais. Ce que je peux vous dire, c'est que la courbe d'apprentissage n'est pas linéaire."

Lire aussi :

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article

Voir aussi :

Article précédent Schumacher pas inquiet des performances de Magnussen
Article suivant La visibilité à Djeddah toujours critique selon les pilotes Ferrari

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France