Pourquoi Alfa Romeo pense que Norris devait être pénalisé

Frédéric Vasseur, directeur d'Alfa Romeo, estime que Lando Norris aurait dû recevoir une pénalité de cinq secondes pour avoir franchi la ligne blanche délimitant l'entrée des stands au Grand Prix de Russie.

Lando Norris, McLaren MCL35M

Lando Norris, McLaren MCL35M

Mark Sutton / Motorsport Images

L'incident de l'entrée au stand brouillonne de Lando Norris a été l'un des sujets les plus évoqués à la fin du Grand Prix de Russie, et beaucoup d'observateurs ont été surpris en apprenant que le pilote McLaren n'avait reçu qu'une réprimande au lieu des cinq secondes de pénalité habituelles pour une telle infraction. Ces cinq secondes avaient d'ailleurs une grande conséquence puisque si elles avaient été appliquées, elles auraient rétrogradé Norris à la neuvième place, derrière l'Alfa Romeo de Kimi Räikkönen et la Red Bull de Sergio Pérez.

Un rappel des faits s'impose : en se dirigeant vers la voie des stands pour compléter les deux derniers tours du Grand Prix de Russie avec les pneus intermédiaires, Norris a perdu le contrôle de sa McLaren et a glissé au-delà de la ligne blanche délimitant l'entrée des stands. Le pilote est ensuite parvenu à reprendre le contrôle de sa monoplace pour s'engouffrer dans la pitlane en franchissant de nouveau la ligne continue, et il a reconnu plus tard en interview qu'une pénalité était certaine. Alfa Romeo le pensait également, et l'équipe a même informé à Räikkönen à l'arrivée de la course que sa huitième place allait bientôt devenir la septième.

L'an passé, au Grand Prix de Toscane, Alfa Romeo et Räikkönen avaient été sanctionnés pour la même infraction, un franchissement de la ligne continue à l'entrée des stands, ce qui avait repoussé le Champion du monde 2007 à la neuvième place et lui avait fait perdre deux points. Par conséquent, il n'est pas surprenant qu'une simple réprimande pour l'infraction de Norris ait été accueillie avec surprise dans le camp Alfa Romeo, surtout par son directeur Frédéric Vasseur.

Ce verdict vient s'ajouter à une série de décisions rendues par la FIA ayant impacté l'écurie suisse et, selon Vasseur, manquant de cohérence. La série comprend la remise de la moitié des points au Grand Prix de Belgique malgré deux tours effectués derrière la voiture de sécurité, ce qui a donné à Williams un avantage de 17 points face à Alfa Romeo dans la bataille pour la huitième place du classement général, avec des millions de dollars à la clé.

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"Je suis très triste pour Lando parce qu'il a réalisé un week-end fantastique à Sotchi", confie Vasseur à Motorsport.com. "Mais ce n'est pas parce que vous aimez un gars et qu'il méritait de gagner qu'il faut changer la règle. La règle est très claire. Si vous franchissez la ligne, vous devez être pénalisé."

"Ça a été le cas à de nombreuses reprises, pour dix fois moins que [l'incident de Norris] avec [Yuki] Tsunoda à Spielberg, avec Räikkönen au Mugello l'an dernier. Et dans les mêmes conditions avec Lewis [Hamilton] à Hockenheim en 2019."

Pour être tout à fait exact, la pénalité de Lewis Hamilton au Grand Prix d'Allemagne 2019 concernait le passage du mauvais côté de la quille d'entrée au stand et non le franchissement de la ligne, mais la sanction avait été la même : cinq secondes de pénalité.

En remontant un peu plus dans le temps, les pénalités étaient bien plus sévères. Felipe Massa avait été dans l'obligation d'effectuer un drive through au Grand Prix du Brésil 2013 lorsqu'il avait franchi la ligne d'entrée des stands au moment d'effectuer un arrêt. Dans d'autres circonstances, "une entrée au stand tardive et la gêne d'un autre pilote", selon les commissaires, avait également valu un drive through à Sergio Pérez au Grand Prix de Monaco 2012.

Mais Norris n'est pas précurseur dans les réprimandes pour ce type d'infraction. Une fois encore, on retrouve Hamilton à Hockenheim, cette fois-ci en 2018. Lors de cette course, le pilote Mercedes se dirigeait au stand avant de franchir la ligne pour reprendre la piste. Les commissaires avaient alors réprimandé le Britannique et justifié leur décision en indiquant que "le pilote et l'équipe avaient candidement admis leur erreur et que la confusion au sein de l'équipe autour de la décision d'effectuer un arrêt au stand avait provoqué l'infraction."

Les commissaires avaient ajouté que "l'infraction avait eu lieu durant une période de Safety Car, qu'à aucun moment il n'y avait eu de situation dangereuse avec un autre pilote et que le changement de trajectoire avait été fait de manière sûre."

Au Grand Prix de Russie, les commissaires ont accordé à Norris le bénéfice du doute. "Nous ne considérons pas que le franchissement de la zone peinte était intentionnel ou prévisible dans ces circonstances", ont-ils précisé. Cependant, Vasseur martèle que la glissade de Norris au-delà de la zone d'entrée au stand mérite une pénalité.

"C'est même plus grave dans ces conditions", dit-il. "Lorsque Tsunoda a posé une roue sur la ligne blanche à Spielberg, ce n'était ni une question de sécurité ni un gain de temps parce qu'à la sortie des stands, on va tout droit. Mais il a été pénalisé. Et personne ne s'en est plaint ce jour-là, parce que la règle était claire. Vous mettez une roue sur la ligne, vous êtes pénalisé."

"La semaine dernière, l'avantage de Lando était énorme. Dans cette situation, soit vous prenez cinq secondes [de pénalité], soit vous faites un autre tour sur le mouillé avec les slicks et vous perdez peut-être 25 secondes."

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"Peut-être qu'une pénalité de cinq secondes n'est pas suffisante parce que je me souviens très bien qu'au moment où Lewis avait été pénalisé à Hockenheim, 99% du paddock s'était plaint en disant que c'était [une sanction] trop légère. Maintenant, je ne dirais pas que nous essayons de trouver des raisons mais des explications sur cet indicent, et nous avons l'air stupides. La règle est claire comme de l'eau de roche. Pour cette règle, on ne prend jamais en considération l'avantage potentiel ou les circonstances."

Vasseur voit la réprimande de Norris comme une surinterprétation des commissaires. "Selon moi, si nous ouvrons la porte à ce genre de discussions à chaque fois que quelqu'un pose une roue sur la ligne blanche, nous chercherons à trouver une bonne raison", explique-t-il. "Et nous irons voir les commissaires pour nous expliquer, pour montrer les données, ce sera sans fin. Cela m'effraie qu'au cours des derniers week-ends, nous avons eu bien trop de problèmes. Je me souviens qu'aux qualifications à Monza, un pilote [Nikita Mazepin, ndlr] a bloqué [Antonio] Giovinazzi et il n'a pas été pénalisé parce que son équipe ne l'avait pas prévenu. C'est ridicule."

"Personne ne prenait cela en considération auparavant. Nous avons fait exactement la même chose à Monaco il y a trois ans, Giovinazzi a été pénalisé et je ne me suis pas plaint parce nous avions foutu en l'air le tour de quelqu'un. Il est difficile de prendre en considération et d'essayer de comprendre les raisons derrière une erreur. C'est une toute nouvelle discussion."

Ce n'est pas la première fois qu'Alfa Romeo et Frédéric Vasseur sont échaudés à la suite d'une décision rendue par les commissaires. Plus tôt dans l'année, Kimi Räikkönen a reçu une pénalité de 30 secondes pour ne pas être entré dans les stands après un tête-à-queue dans le tour précédant le départ lancé. Si les commissaires ont reconnu que les règles étaient contradictoires, la pénalité a été appliquée malgré tout et le Finlandais est passé de la neuvième place à la treizième.

"Je pense que lorsque [les commissaires] ont pris la décision très sévère contre Kimi à Imola, ils n'ont pas pris en considération le début de l'histoire, qui venait aussi du directeur de course", poursuit Vasseur. "La règle est claire, la directeur de course est censé signaler le départ lancé après plusieurs tours, pas lorsque nous sommes encore dans la pitlane."

"Nous avons eu bien trop de polémiques au cours des six ou sept derniers Grands Prix. Je pense que nous devons nous en tenir aux règles, c'est tout. À Spa, ça a été un désastre. À Sotchi, un pilote [Fernando Alonso, ndlr] a escaladé le vibreur au virage 2 et n'est pas revenu en piste en suivant le chemin indiqué. Lorsque nous en avons parlé au directeur de course, il a dit que c'était OK et qu'il n'avait pas eu un avantage. Mais ce n'est pas conforme à la règle. Si vous allez au-delà du vibreur, vous devez aller [au fond de la zone de dégagement]. Les règles sont complexes mais même lorsqu'elles sont claires, on essaie de rendre les choses compliquées."

Vasseur admet qu'après tous les incidents ayant impacté son équipe cette saison, la saga Norris est la goutte faisant déborder le vase. "À un moment, ça commence à faire beaucoup", peste le directeur d'équipe. "Il y a eu des controverses lors des cinq ou six derniers évènements. Ce n'est pas bon pour le championnat, ce n'est pas bon pour mon équipe, ce n'est pas bon pour mes actionnaires. Mais surtout, nous avons l'air stupides."

Selon Vasseur, le règlement devrait être plus clair et laisser moins de place à l'interprétation. "Tant que nous avons une règle une place, respectons-la. Notre championnat est compliqué. Lorsque nous avons eu cette affaire à Imola, j'ai feuilleté le Règlement Sportif d'il y a 10 ans. Il y avait deux fois moins de pages ! J'ai eu une longue discussion avec quelques collègues et au final, je suis vraiment frustré. Tout le monde essaie de devenir de plus en plus professionnel, le niveau de chaque sujet dans le paddock s'élève, et ce genre de décision n'a aucun sens."

Il est rare qu'un directeur d'équipe agisse comme un entraîneur d'une équipe de football en contestant de manière publique les décisions de l'arbitre. Mais Vasseur n'a aucune gêne à le faire. "Je sais que je vais probablement retourner voir les commissaires, que j'aurai une amende pour mes propos et que je serai sûrement suspendu pour une course. J'espère que ce sera un bon moyen de rester avec ma famille ! Mais je me dois de réagir", conclut-il.

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