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Quand Renault prend le risque de la réforme avant la révolution

En choisissant de procéder à d'importants changements en interne, aussi bien au niveau des hommes que des méthodes, Renault a pris le risque d'un bouleversement alors même qu'il faut préparer la révolution technique de 2021. Une réforme assumée par Cyril Abiteboul qui estime que les choses devaient changer à Enstone.

Le logo Renault sur la Renault F1 Team R.S.19

Le logo Renault sur la Renault F1 Team R.S.19

Erik Junius

La saison 2019 décevante de Renault a précipité des changements fondamentaux au sein de l'écurie française. Ceux-ci se sont notamment matérialisés par une organisation renouvelée mais également des méthodes de travail différentes qui ont été appliquées dans la conception et le développement de la R.S.20, comme l'a expliqué Cyril Abiteboul quand il lui a été rapporté qu'Esteban Ocon avait évoqué une monoplace sensiblement différente de celle de 2019.

"Il y a vraiment un changement dans la façon dont on travaille", a expliqué le directeur général de Renault F1 à plusieurs médias, dont Motorsport.com. "Par le passé à Enstone, et c'est ce qui m'a beaucoup frustré, quand on voyait un truc sur une voiture on le prenait sans chercher à trop comprendre. Là, je vous connais, vous allez dire que c'est le nez de la McLaren, le nosecap de Mercedes, le bargeboard de je ne sais pas quoi, etc. Or ce n'est pas ce qui s'est passé. On a cherché à comprendre la dynamique des flux, de l'aéro... On a fait les choses normalement, on a pris les choses dans le bon sens, et on est arrivés à ces solutions que vous verrez et que l'on voit sur d'autres voitures. Je ne vous annonce pas qu'elle est radicalement différente, il y a des solutions, mais notre méthode de travail a été radicalement différente."

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Poussé à aller plus loin sur le pourquoi d'une méthode de travail précédente s'appuyant sur la reprise de solutions chez d'autres écuries, le dirigeant français d'ajouter : "On a mis l'accent aussi sur cette notion d'objectif réaliste, sur le fait de travailler de manière un peu plus posée, un peu plus calme. Et je pense effectivement que vous ne mesurez pas à quel point les objectifs et la pression à court terme, ce qui est normal quand on fait de la Formule 1, peuvent avoir des répercussions négatives sur le moral mais aussi sur la façon de travailler de l'équipe."

"L'équipe a voulu travailler plus vite que la musique. Donc plutôt que de comprendre réellement la physique vraiment fondamentale qui nous faisait défaut, on cherchait à accélérer le process. Combien de fois on a essayé de le faire et, de manière générale, ça n'a pas fonctionné. J'ai tendance à regarder le projet dans son ensemble, à faire de l'introspection, et la pression qui a été mise, sur les résultats, sur un calendrier qui n'était pas réaliste, a conduit à avoir des stratégies de développement qui n'étaient pas les bonnes."

Une réalité qui a "explosé" à la face de Renault

Renault RS20

La Renault R.S.20 lors du shakedown à Barcelone

Pour autant, au vu de la saison 2018, il semblait clair que jouer régulièrement le podium n'était pas un objectif réalisable pour Enstone et que la pression ne pouvait pas venir que de là. Abiteboul le reconnaît et estime que le concours de plusieurs éléments a mis l'écurie sous tension. "On a été un peu pris entre la pression mise par l'arrivée de Ricciardo, la pression mise par le regain de forme de McLaren, qui ont conduit à une amplification de la façon de faire d'Enstone qui, déjà à la base, n'était pas suffisamment saine, pas suffisamment robuste. Quand ça va, ce n'est pas trop visible, c'est acceptable, mais quand ça commence à se tendre, c'est là que ça pousse à faire des grosses erreurs."

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"Finalement, la façon de travailler n'était pas plus mauvaise l'année dernière que les années d'avant, et les années d'avant on avait l'impression que les choses s'amélioraient, en passant de sixième à quatrième. C'est pour ça que l'année dernière, je ne la regrette pas. Elle nous a fait exploser la réalité à la face, la réalité qui était que l'on avait des fondamentaux qui n'étaient pas bons lorsque l'on est dans cette zone de pression. Il était grand temps d'être dans une situation de devoir faire les changements qui ont été faits."

"Ça va faire bizarre pour certaines personnes à Enstone"

Et pour initier et symboliser ces changements, différents responsables ont été changés avec l'idée d'envoyer un "message très clair" à l'ensemble de l'équipe. "Il y a eu trois personnes qui ont changé : directeur de l'ingénierie, directeur de l'aéro, directeur technique. Ce sont les trois personnes les plus influentes dans le leadership technique, en tout cas côté châssis. Quand on change les trois, on envoie un message très clair. Après, trois personnes ne font pas tout sinon on ne serait pas 1200. Mais le boulot de ces trois personnes est de donner un leadership très clair, des directions très claires et du pragmatisme aussi."

Dans ce leadership clair, Pat Fry jouera évidemment un rôle essentiel à la direction technique : "Je pense que Pat est quelqu'un de très pragmatique, qui sait extrêmement bien ce qui fait aller une voiture plus ou moins vite avec des notions physiques ultra-simples. Je veux pas en dire plus, mais en deux-trois questions il peut avoir cerné le problème. Je pense que ça va faire bizarre pour certaines personnes à Enstone, mais pour le bien."

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Alors que se profile la révolution réglementaire de 2021, qui va grandement remettre en question les fondements des concepts techniques de la Formule 1 actuelle, tout révolutionner en interne à ce moment-là, n'est-ce pas un risque ? "Oui. C'est pour ça qu'il ne faut pas chercher à tout changer ou à changer ce qui marche. Si la question est 'est-ce que ça aurait été mieux de le faire l'année d'avant ?' Oui, ça aurait été mieux. Mais d'une certaine façon, nous avons été critiqués pour avoir pris Daniel trop tôt, mais en même temps si nous n'avions pas eu Daniel nous n'aurions peut-être pas eu la pression qui est mise par le système de faire ces changements-là, donc est-ce que c'était trop tôt pour avoir Daniel ? Est-ce que nous avons fait ces changements-là trop tard ?"

"On voit que les choses arrivent quand elles arrivent, quand elles s'imposent à nous comme des évidences et c'est ce qui s'est passé l'année dernière. C'est devenu une évidence, il a fallu bouger. On a pris des décisions difficiles. Se séparer de Nick Chester, loyal serviteur au sens noble du terme d'Enstone pendant 25 ans, c'est difficile, c'est vraiment difficile. Trouver aussi un directeur technique disponible, c'est difficile. Il y a aussi des opportunités qui ont donné des occasions."

Propos recueillis par Léna Buffa 

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