Davide Tardozzi, entre team manager passionné et "papa" chez Ducati
Davide Tardozzi, qui fête aujourd'hui ses 65 ans, est un de ces hommes de l'ombre dont on mesure sans doute mal l'importance. Bien plus que le team manager de l'équipe officielle Ducati, il est une vraie nounou pour les champions du monde, autant qu'un passionné qui vit les courses de manière viscérale.
C'est un peu le feu et la glace. Quand Gigi Dall'Igna intériorise son stress dans le stand Ducati − ce que faisait aussi Paolo Ciabatti, jusqu'ici directeur sportif −, Davide Tardozzi, lui, vit les choses à fond et exprime ses émotions sans aucune retenue. Sa nervosité irradie à des kilomètres à la ronde et fait de sa joie, quand la victoire arrive, une explosion incontrôlable !
Sa manière exaltée de célébrer les succès est particulièrement hilarante, au point de lui avoir apporté une notoriété nouvelle à grand renfort de gif et de clips qui font le buzz sur les réseaux sociaux. Peut-être parce qu'il fait tomber les barrières avec les fans, gesticulant comme chacun peut le faire devant sa télé au plus fort de l'excitation qu'offre le spectacle ?
Incapable de se contenir, le team manager de l'équipe officielle Ducati est la passion incarnée. Ses réactions ? Elles sont "instinctives", puisqu'il vit les Grands Prix "de manière absolument passionnelle". C'est ainsi qu'il décrit son rapport à la course, elle qui emplit littéralement sa vie. "Je sens physiquement si l'on gagne ou si l'on perd", explique-t-il dans un entretien pour Motorsport.com. "Je vais bien ou mal en fonction du résultat. Pour moi, il est vraiment très, très important de gagner."
Pour parler de lui, Paolo Ciabatti nous expliquait il y a quelques mois : "Il est romagnol, alors il a le sang chaud ; moi, je suis turinois, beaucoup plus posé. Nous avons donc deux manières très différentes de réagir. Je crois que nous vivons les choses de la même façon, mais j'intériorise plus les joies, et puis on essaye de partager les éventuels moments difficiles. C'est la passion qui nous guide, nous faisons ce travail depuis longtemps." Et Tardozzi de résumer : "Nous sommes complémentaires."
Cette complémentarité a enrichi le programme Ducati jusqu'à la saison dernière, les deux hommes travaillant de concert, chacun avec son caractère, chacun avec un champ d'action qui lui est propre. Si Paolo Ciabatti a désormais pris un autre chemin, remplacé par Mauro Grassilli qui va devoir se faire sa propre place dans le box et affirmer sa propre identité, Davide Tardozzi reste le repère de beaucoup de membres des troupes de Borgo Panigale.
À 65 ans aujourd'hui, il est le team manager de l'équipe d'usine Ducati, en charge de sa gestion sur les circuits et à la base, avec une palette de tâches allant de la logistique aux rapports avec l'IRTA. Mais au-delà de ce qu'annonce sa feuille de poste, il est une vraie nounou pour les pilotes. Non pas que ceux-ci ne seraient pas autonomes sans lui, mais dans un monde soumis à tant de pression et si concurrentiel, être rassuré est parfois une nécessité, et Davide Tardozzi est là pour ça.
"Il faut être très attentif à de petits détails, que remarque le pilote. Certaines petites attentions lui font croire, ou pas, qu'on croit encore en lui et il faut être très attentif à ces petits détails, parce qu'ils font la performance", analyse-t-il.
Il faut être très attentif à ces petits détails, parce qu'ils font la performance.
Dans le stand, il a l'œil partout, repère ce qui fonctionne ou non. Il fait en sorte d'y éviter toute tension, avec pour finalité de ne pas perturber le moins du monde les pilotes. En dehors du box, il va de l'un à l'autre, telle une abeille qui sauterait de fleur en fleur, et bichonne ses troupes. Il est attentif au moindre détail, avec un dévouement qui dépasse sans doute le cadre professionnel.
Quand la machine dérape, il est là, il prend chacun sous son aile et sait avoir les mots qui réconfortent, l'accolade qui éloigne la peur. S'il aurait été préférable que son aparté avec la compagne de Pecco Bagnaia, après le terrible accident de Barcelone l'an dernier, reste dans le cadre intime au lieu de s'étaler sur les écrans de télévision, celui-ci était parfaitement à son image.
"Tout le monde dans l'équipe l'appelle le papa. Il ne l'est pas uniquement pour les pilotes, mais aussi par rapport à toutes les exigences des mécaniciens, etc", explique Paolo Ciabatti. "L'harmonie à l'intérieur du box, où il y a peu de temps pour faire des choses qui doivent être très bien faites, avec trois ou quatre personnes qui doivent chacune savoir ce qu'est son travail pour ne pas s'emmêler les pinceaux et agir vite et bien, c'est quelque chose que le pilote ressent de façon presque animale."
Ce travail va bien au-delà des circuits, et Tardozzi l'a parfaitement compris, lui qui vit à une heure de route de la base de Pecco Bagnaia et va parfois assister à ses entraînements. "Il faut toujours être en contact avec les pilotes", estime-t-il. "Si on n'appelle pas un pilote entre une course et l'autre, c'est un manque d'intérêt. Ces petites choses sont donc très importantes. Ce qui nous semble superflu est très important pour eux. Et l'attitude mentale fait la performance, donc il faut absolument suivre ces choses-là."
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Davide Tardozzi avec Pecco Bagnaia, au GP de Saint-Marin 2021.
Il le sait, lui l'ancien pilote qui, depuis une trentaine d'années, est devenu une figure incontournable des programmes Ducati au plus haut niveau. Avant de raccrocher le casque, il a écumé les pistes, en Italie mais aussi au niveau international. C'est d'ailleurs lui qui s'est adjugé la première course du World Superbike, à la création du championnat en 1988, se classant ensuite troisième au général derrière le premier Champion du monde Fred Merkel et Fabrizio Pirovano. Avant cela, on l'avait vu au départ de quelques Grands Prix 250cc, mais c'est bien en Superbike qu'il allait trouver ses marques, et pas uniquement pour sa carrière de pilote.
Car après avoir couru pour Yamaha ou Bimota, son passage chez Ducati en 1990 allait tout changer. Il y aurait un titre de Champion d'Europe à la clé, mais surtout une reconversion réussie. Lorsqu'une lourde chute a fini par avoir raison de sa volonté de courir, c'est chez Ducati que Tardozzi a trouvé le salut. Jamais il n'a oublié ce que les courses qu'il a disputées lui ont enseigné, et il s'est évertué à devenir le soutien le plus utile pour tout pilote.
Après un rapide passage par les 500cc en 1997, il est revenu chez Ducati en 1998 au sein de l'équipe qui allait remporter le titre WorldSBK. C'était l'époque Carl Fogarty, le premier grand pilote à l'avoir marqué et avec lequel il a instauré un rapport très fort. C'est là aussi qu'il a connu Paolo Ciabatti et, l'année suivante, Ducati Corse voyait le jour avec le trio Tardozzi, Ciabatti et Claudio Domenicali. Ensemble, ils ont alors écrit les plus beaux chapitres de Ducati en Superbike, multiplié les succès pour leur équipe. C'est ensemble aussi qu'ils ont investi le paddock MotoGP, où ils n'avaient fait qu'une brève incursion lors du GP de Valence 2006, accompagnant Troy Bayliss dans un one-shot resté mémorable.
Bayliss-Tardozzi, c'est le duo inénarrable du Superbike. Ensemble, ils ont tout gagné, l'Italien expérimentant ces émotions puissantes qui ont fait du management la continuité parfaite à sa première carrière. Il n'était plus pilote mais, depuis le stand ou le muret, il vivait la course aussi intensément que s'il avait lui-même été au guidon. À la différence, sans doute, que Bayliss, qui a adopté son propre numéro de course, le #21, et avec qui il entretient depuis lors un rapport quasi-fraternel, pouvait aussi le faire tourner en bourrique.
Comme Paolo Ciabatti, Davide Tardozzi s'est éloigné quelques années, si bien que le passage de Valentino Rossi chez Ducati s'est fait sans eux. Mais lorsque le Turinois est revenu aux affaires, il savait pertinemment qui Borgo Panigale devait recruter pour relancer la machine. Alors, en 2014, Gigi Dall'Igna a rejoint la direction générale de Ducati Corse et Davide Tardozzi a pris la tête de l'équipe MotoGP.
Dix ans plus tard, le chemin parcouru est énorme, Ducati a désormais atteint le toit du monde en course moto, sans aucun signe de faiblesse pour le moment. Les années passent, les cheveux sont devenus gris. Gigi Dall'Igna se fait courtiser mais reste en poste ; Paolo Ciabatti, lui, s'éloigne pour apporter son expertise à un nouveau programme.
Et Davide Tardozzi ? S'il y a un mot proscrit de son vocabulaire, c'est la retraite. "Je m'amuse", se justifie-t-il. Y a-t-il de la place pour autre chose dans sa vie ? "Pas tant que ça…" admet-il, l'œil coupable. "Je suis très lié aux courses, je suis vraiment très focalisé sur ce que je fais. Beaucoup d'amitiés se sont nouées au sein du groupe, alors honnêtement, ici je suis bien. Je me sens à la maison. Je suis bien chez Ducati."
Rejoignez la communauté Motorsport
Commentez cet articlePartager ou sauvegarder cet article
Meilleurs commentaires
Abonnez-vous pour accéder aux articles de Motorsport.com avec votre bloqueur de publicité.
De la Formule 1 au MotoGP, nous couvrons les plus grands championnats depuis les circuits parce que nous aimons notre sport, tout comme vous. Afin de continuer à vous faire vivre les sports mécaniques de l'intérieur avec des experts du milieu, notre site Internet affiche de la publicité. Nous souhaitons néanmoins vous donner la possibilité de profiter du site sans publicité et sans tracking, avec votre logiciel adblocker.