Pourquoi la bévue d'Espargaró est moins saugrenue qu'il n'y paraît
Aussi invraisemblable qu'elle puisse paraître, l'erreur d'Aleix Espargaró, qui a cru voir l'arrivée un tour trop tôt au GP de Catalogne, n'est pas un cas isolé et rappelle qu'il n'est pas si simple pour les pilotes de savoir à quel stade de la course ils se situent.
L'image a surpris, parfois fait sourire, mais elle a surtout été dévastatrice pour Aleix Espargaró. À un tour de l'arrivée du Grand Prix de Catalogne, le pilote Aprilia, qui avait la deuxième place en poche, a commencé à ralentir et à saluer la foule... pour finalement se rendre compte que la course n'était en fait pas terminée. Jorge Martín, Johann Zarco, Joan Mir et Luca Marini l'ont doublé et après avoir réalisé son erreur, Espargaró a pu reprendre l'avantage sur le pilote VR46 et se classer au cinquième rang.
La bévue lui a fait perdre neuf points et surtout un podium sur ses terres, à une dizaine de kilomètres de la ville qui l'a vu venir au monde. Inconsolable, Espargaró n'a cependant pas cherché à se dérober. Quand certains pilotes évitent de se présenter à la presse après des incidents bien moins embarrassants, le Catalan a pris ses responsabilités et évoqué une "erreur "inacceptable" aux conséquences peut-être lourdes dans l'optique du titre.
De nombreux pilotes ont été interrogés sur cette erreur et si elle a parfois pu les amuser, elle a aussi suscité la compassion, notamment chez Mir, l'un de ceux qui en a pourtant bénéficié. "Je vais peut-être lui offrir une bouteille de vin ou quelque chose pour cette position !" a déclaré le pilote Suzuki, avant de témoigner de son soutien. "Je suis désolé pour lui mais il va tirer les leçons de cette erreur. C'est arrivé à beaucoup de monde, on fait tous des erreurs, il fait un super travail et ça peut arriver. Il faut qu'il soit fier de ce qu'il fait."
Aleix Espargaró a perdu une deuxième place à domicile
Aleix Espargaró est d'ailleurs loin d'être le premier à commettre une telle erreur. Julián Simón a été piégé pour la même raison et sur le même circuit en 2009, ce qui l'a privé d'une victoire en 125cc, alors qu'Álex Rins a connu la même mésaventure à Brno en 2014, dans la catégorie Moto3.
Un dernier tour pas si simple à identifier
Ces incidents montrent que malgré la débauche de technologie en MotoGP, il n'est pas si simple pour les pilotes de se repérer pendant une course. Privés de communication directe avec leur équipe, les évaluations de radios menées en 2020 n'ayant pas été concluantes, ils s'appuient surtout sur le rudimentaire système de panneautage à chaque passage devant les stands. Les informations y sont sommaires, avec l'écart sur le principal rival et donc le nombre de tours restant à accomplir. C'est justement ce qui a piégé Espargaró à Barcelone.
Placé à la sortie du dernier virage, son panneau était difficilement visible et le pilote a donc préféré se reposer sur l'imposante tour de la piste, affichant les position des dix premiers mais également le nombre de tours à accomplir à son sommet. Son coéquipier Maverick Viñales a d'ailleurs confirmé qu'il était "plus simple de regarder la tour que son panneau" à Montmeló. Seul problème, l'édifice ne se basait pas sur la convention à laquelle les pilotes sont habitués : pendant que leur panneau indiquait "L1" (pour "one lap", soit un tour) à l'entame de la dernière boucle, la tour affichait le chiffre 0 pour montrer qu'il n'y en aurait pas d'autre, et Espargaró avait oublié ce décalage.
La fameuse tour qui a piégé Aleix Espargaró à Barcelone
En commentant l'erreur du vainqueur du GP d'Argentine, de nombreux pilotes ont souligné qu'ils font surtout confiance au drapeau à damier, symbole universel d'une course arrivée à son terme, mais ce dernier peut également être difficile à distinguer à pleine vitesse. Et lorsqu'ils sont au cœur d'une bagarre, les pilotes ne savent pas toujours précisément où en est la course.
"On ne regarde pas tout le temps le décompte de tours mais à la fin on le voit, d'autant plus quand on n’est pas en groupe, on a le temps de voir combien de tours il reste", a expliqué Johann Zarco. "Parfois, quand on se bat, on ne voit pas le drapeau à damier, mais normalement on le voit. Dans notre cas, on savait que c’était le dernier tour, mais ça a été une grosse surprise [de voir Espargaró ralentir]."
Jorge Martín attend de son coté la fin de l'épreuve pour se concentrer sur le nombre de tours à accomplir. "Normalement, on ne regarde pas le nombre de tours sur le panneau dans les premiers tours, mais vers la fin on regarde, cinq, quatre, trois, deux, un, pour connaître le décompte et je savais qu'il restait un tour", a expliqué le Madrilène. "Mais, bien sûr, il faut regarder et sinon je regarde le drapeau à damier."
Le tableau de bord, un allié dont les pilotes doutent
Le système de panneautage n'est pas le seul que les pilotes peuvent utiliser. Les MotoGP sont désormais équipées d'un tableau de bord avec un écran indiquant quand une course est terminée mais les pilotes le regardent assez peu. "Le signal, c'est le drapeau à damier", a souligné Franco Morbidelli, néanmoins conscient des informations à sa disposition : "Après le drapeau à damier, il y a un encart jaune avec inscrit 'drapeau à damier' [sur le tableau de bord]."
Joan Mir préfère aussi se reposer sur le bon vieux drapeau à damier et ne sait même pas précisément quels sont les signaux affichés sur sa moto : "Normalement, je n'en suis pas sûr mais quand on finit la course il y a un feu rouge sur le tableau de bord. Pendant des essais libres, c'est certain. Je crois que c'est aussi le cas pour une course."
L'écran du tableau de bord indique des informations mais Mir préfère ne pas les prendre en compte : "Dans mon cas, ça compte le nombre de tours [au lieu d'un décompte] et c'est une chose que je ne regarde pas trop parce qu'il pourrait y avoir une erreur en comptabilisant le tour de chauffe. Je n'y fais pas attention. Je le regarde en milieu de course pour comprendre à peu près le nombre de tours [effectués] mais je ne lui fais jamais confiance."
Les panneaux présentés aux pilotes ne sont pas toujours faciles à lire
Entre des indications difficiles à percevoir et une technologie loin de procurer un véritable sentiment de sécurité, les pilotes restent donc sujets à des erreurs et selon Pol Espargaró, celle commise par son frère dimanche s'explique également par une implication totale sur la course elle-même. Totalement plongés sur leurs points de freinage et leur façon d'aborder les courbes, les pilotes peuvent entrer dans une bulle et rester insensibles aux signaux extérieurs.
"C'est lié à la concentration maximale qu'on a pendant la course. Quand on est trop concentrés, on ne voit pas son panneau ou les écrans autour du circuit, on essaye juste de viser chaque freinage, chaque virage en étant au maximum", a expliqué le cadet de la fratrie. "C'est sûr qu'il était très, très concentré car il faisait une course incroyable et ces choses peuvent arriver. Cette extrême concentration peut paraître opposée [à cette erreur] mais en fait c'est comme ça."
"On a une vitesse incroyable et, quand on est très concentrés, ce genre de choses peut arriver. Ça semble être une erreur majeure mais ça peut arriver. Au final il doit penser au fait qu'il était le deuxième pilote le plus rapide [à Barcelone], qu'il méritait la seconde place et qu'il est dans une forme incroyable. Je n'ai pas de doute quant au fait qu'il reviendra encore plus fort."
Avec Charlotte Guerdoux
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