Remy Gardner, quand l'abnégation fait taire les doutes

L'éclosion de Remy Gardner au plus haut niveau a demandé plusieurs saisons, entourées d'un certain scepticisme sur son niveau. L'Australien est sorti renforcé de moments "horribles" et rejoint finalement le MotoGP fort d'un titre en Moto2.

Gardner feature

Arrivé en MotoGP auréolé de son titre en Moto2, Remy Gardner n'est pourtant pas le rookie le plus au centre de l'attention à quelques jours du lancement de la saison. Loin des débuts polémiques entourant Darryn Binder, promu directement depuis le Moto3 sans avoir souvent brillé dans la catégorie, ou de l'image de nouvelle pépite qui colle à Raúl Fernández, son coéquipier chez Ajo l'an passé et à nouveau chez Tech3 dans l'élite, le pilote australien a gravi les échelons pas à pas et su faire taire les doutes quant à ses capacités à décrocher de bons résultats.

Fils du Champion du monde 1987 de 500cc Wayne Gardner, ce qui lui vaut d'aborder le numéro 87 sur sa moto, Remy Gardner a pendant longtemps dû prouver qu'il était digne de la succession de son illustre père. Pour ce faire, il a d'abord quitté l'Australie pour l'Espagne à 13 ans et a pris la deuxième place de la catégorie Pré-Moto3, mais la confirmation a été plus difficile. Ses trois saisons en CEV n'ont été couronnées que par un podium et une neuvième place finale au championnat.

Après trois départs en Moto3 en 2014, la saison 2015 a été sa seule saison complète dans la catégorie, marquée par une unique arrivée dans les points, une dixième place à Phillip Island. En 2016, Gardner a rejoint le Moto2 mais seulement à partir de Barcelone, la première formation qu'il devait rejoindre ayant fermé ses portes avant le début de la saison.

Cette année-là, les résultats ont une nouvelle fois été modestes avec seulement deux entrées dans les points, mais Tech3, déjà, l'a recruté pour le faire rouler la machine conçue en interne en 2017. Après ces deux campagnes dans la formation de Bormes-les-Mimosas, Gardner n'avait que trois top 10 à son actif. La saison 2018 a en plus été marquée par une blessure sérieuse, une fracture des deux jambes à Brno.

En 2019, le natif de Sydney a enfin entamé son ascension. Désormais engagé sur une Kalex, il a goûté aux joies de la pole et du podium pour la première fois mais restait très irrégulier et n'a conclu la saison qu'au 15e rang. Malgré une course manquée en raison d'une blessure à la main, Gardner a confirmé en 2020 en prenant la sixième place du championnat, avec une première victoire à la clé en conclusion de la saison, qui a probablement été un déclic. Pour sa sixième saison en Moto2, il a été promu dans le team Ajo avec un plein soutien de KTM.

Gardner a été titré après 93 départs en Moto2

Gardner a été titré après 93 départs en Moto2

Gardner a vite brillé par sa régularité au premier plan, ne lâchant pas le top 4 dans les dix premiers rendez-vous de la saison, ce qui a mené à sa promotion en MotoGP après seulement quatre courses. Il a dû attendre deux Grands Prix de plus, au Mugello, pour gagner, mais a confirmé dans une série de trois succès, auxquels deux autres se sont ajoutés en fin d'année, ce qui lui a permis de décrocher le titre mondial face à Fernández et lui a ouvert les portes du MotoGP. Gardner aurait pu rejoindre la catégorie reine dès 2019, KTM ayant fait appel à lui quand la marque s'est séparée de Johann Zarco, mais il avait décliné l'offre, préférant poursuivre patiemment son apprentissage en Moto2.

D'une période "morose" au titre mondial

Gardner a ainsi su franchir toutes les étapes pour sortir de moments qui l'ont "détruit mentalement" et se hisser jusqu'au MotoGP avec un titre en poche. "Je ne pense pas que j'aie eu le parcours le plus conventionnel", confiait-il en juin 2021, quand sa titularisation chez Tech3 a été annoncée. "J'ai vécu plusieurs années difficiles. C'était horrible en Moto3. Je n'ai marqué des points qu'une seule fois sur toute l'année. En Moto2, je n'ai probablement pas eu le même matériel que les autres. C'était dur pour moi. Je pense que ces années difficiles m'ont rendu plus fort, mentalement et physiquement. On a des hauts et des bas."

"Quand j'ai eu le matériel, en 2019, je n'étais pas encore prêt à gagner des courses parce que je faisais tout le temps des erreurs. [En 2020], c'était ma première année devant. C'était une nouvelle expérience pour moi. Fin 2019, j'ai travaillé sur moi, avec l'équipe."

Remy Gardner

Remy Gardner

C'est donc après sept saisons dans le Championnat du monde, plus du double de Raúl Fernández, que Remy Gardner rejoint le MotoGP. Et une nouvelle fois, des obstacles se sont dressés sur son chemin. Il a été contraint à disputer les essais de pré-saison avec un poignet droit très douloureux en raison d'une chute à motocross qui l'a laissé avec un os fêlé. Contraint de limiter son roulage le dernier jour à Sepang, Gardner a été un peu moins gêné le week-end suivant à Mandalika grâce à un poignet qui a "plus ou moins bien tenu" mais il reconnaissait "s'inquiéter" de sa forme pour le début de la saison.

Dans ce contexte, ses 23e places en Malaisie comme en Indonésie sont bien difficiles à analyser, la blessure l'ayant empêché de pousser la KTM dans ses retranchements, notamment pour doser sa prise de risques sur l'avant : "J'ai peut-être un peu de marge pour le moment", confiait-il après la dernière journée à Mandalika. "Je ne peux pas être totalement sur l'angle et faire des sauvetages à ce stade, je manque de force dans le poignet pour le faire. Probablement pour être sur l'avant, piloter vraiment, vraiment à la limite, je n'y suis pas encore. Mais j'ai quand même été rapide. Mais oui, l'avant [me limite] probablement [à cause] du poignet."

Gardner devra donc découvrir cette limite dans les week-ends de course mais ne veut pas y voir un motif d'inquiétude : "Je pense qu'on doit trouver des réglages de base avec lesquels je serai plus à l'aise. C'est acceptable, je n'en suis pas très loin. Je pense que certaines pistes me conviendront mieux que d'autres. Je dois être plus à l'aise sur la moto."

Gardner devrait vite être débarrassé de toute gêne et affiche une volonté de briller bien plus rapidement qu'en Moto2 puisqu'il ambitionne d'être le meilleur des cinq rookies cette année : "Je pense que jouer ce titre est peut-être notre principal objectif. Ça sera dur, il y a pas mal de débutants qui arrivent et je les connais tous bien après ces années en Moto2. Oui, ça sera dur et il faudra travailler dur mais le but est d'essayer d'être rookie de l'année et d'avancer pas à pas. Ce sont des motos rapides, donc pas de blessure, rester calme et garder les pieds sur terre."

"J'aimerais au moins quelques bonnes arrivées dans les points et ça serait incroyable d'être dans le top 10 dans certaines courses", a ajouté un Gardner qui se veut maintenant en modèle d'abnégation après son parcours semé d'embuches : "Il y a quelques années, c'était assez morose pour moi, et j'espère pouvoir inspirer des jeunes à ne pas renoncer, à continuer à tout donner."

Les rookies 2022 :

Remy Gardner en quelques dates-clés :

  • 24 février 1998 : Naissance à Sydney.
  • 14 septembre 2014 : Premier départ en Moto3 en wild-card à Misano (27e).
  • 29 mars 2015 : Lancement de sa première saison complète en Moto3 à Losail (abandon).
  • 5 juin 2016 : Débuts en Moto2 au GP de Catalogne.
  • 31 mars 2019 : Premier podium (deuxième) en Argentine, deuxième GP de la saison.
  • 22 novembre 2020 : Première victoire à Portimão. Cinq suivront en 2020.
  • 28 mars 2021 : Première course avec Ajo à Losail, conclue à la deuxième place.
  • 2 juin 2021 : KTM le confirme chez Tech3 pour la saison 2022 du MotoGP.
  • 14 novembre 2021 : Devient Champion du monde du Moto2 malgré une modeste 10e place à Valence.
  • 18 novembre 2021 : Premier test MotoGP, à Jerez.
  • 6 mars 2022 : Premier Grand Prix MotoGP, à Losail.

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