Huit motos, un avantage déloyal ? "N'accusez pas Ducati !"
Yamaha s'est senti "désavantagé" face aux huit Ducati cette année. Le clan italien assure de son côté que s'il dispose d'autant de motos, c'est parce que les autres constructeurs n'étaient pas prêts à les fournir.
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Ducati a remporté tous les honneurs en MotoGP en 2022, en s'appuyant sur quatre formations distinctes : les titres des pilotes et des équipes sont revenus au team officiel, emmené par Pecco Bagnaia, Pramac a été nommé meilleur team indépendant, Enea Bastianini meilleur pilote indépendant avec Gresini, Marco Bezzecchi Rookie de l'année en portant les couleurs de VR46, et le tout a contribué au sacre chez les constructeurs.
Cette mainmise avec un si grand nombre de partenaires est inédite en MotoGP et elle est le fruit d'une stratégie offensive, avec huit Desmosedici couvrant le tiers de la grille. Jusqu'en 2021, Ducati était déjà la marque la plus représentée avec six motos, celles de son équipe officielle, de Pramac et d'Avintia. Cette dernière, qui disposait de modèles 2019 vieillissants, a quitté la catégorie il y a un an mais Ducati s'est engagé avec deux autres équipes, la nouvelle venue VR46 ainsi que Gresini, qui s'est séparée d'Aprilia.
Ces accords n'ont pas simplement augmenté le nombre de Ducati au départ mais aussi créé une véritable armada de machines similaires : l'équipe d'usine, Pramac et Luca Marini disposaient du modèle 2022 et les trois autres pilotes de la version 2021 de la moto, dont le niveau encore très bon a été démontré par les trois succès de Bastianini, mais aussi les poles de Bezzecchi et Fabio di Giannantonio.
Ducati pouvait ainsi bénéficier de l'aide de nombreux pilotes, ce qui a ouvert des débats sur de potentielles consignes d'équipes, tout en s'appuyant sur un riche éventail de données quand chez Yamaha, Fabio Quartararo semblait parfois bien seul. Franco Morbidelli et Andrea Dovizioso, aligné chez RNF, étaient le plus souvent distancés, le second prenant même sa retraite après les deux tiers du championnat, tandis que Darryn Binder, arrivé du Moto3, manquait de références pour apporter une aide concrète. Il n'y a qu'en fin de saison, quand Cal Crutchlow a succédé à Dovizioso et testé des réglages directement destinés à aider Quartararo, que Yamaha a véritablement pu s'appuyer sur plus de données.
En arrivant à la fin du championnat, Maio Meregalli a estimé que pour le constructeur japonais, il était "difficile" de lutter face aux huit Ducati. "Fabio ne peut pas utiliser d'autres données pour s'améliorer", a résumé le team manager de l'équipe officielle dans le podcast du MotoGP. "Eux, ils ont beaucoup de données qu'ils peuvent partager et la plupart du temps, ils ont sept pilotes dans le top 10 donc pour eux, il est plus facile de progresser. C'est une chose qui nous fait défaut."
Les trois équipes satellite de Ducati ont apporté une aide précieuse en 2022
"Fabio est vraiment bon parce qu'il peut pousser la moto à la limite presque dès le premier jour. Disons qu'il peut déjà être à 90% dès le vendredi, après les EL2, mais il est très dur d'obtenir les dix derniers pour cent. Les autres ont peut-être des débuts difficiles mais ils peuvent partager [les informations] et progresser. La plupart du temps, ils font d'énormes progrès le samedi. C'est un gros avantage pour eux et un désavantage pour nous."
Aux yeux de Ducati cependant, Yamaha a sa part de responsabilité dans ce désavantage. Davide Tardozzi, l'homologue de Meregalli dans l'équipe officielle des Rouges, estime en effet que les autres constructeurs n'ont pas voulu faire les efforts nécessaires pour fournir des machines aux équipes indépendantes, même si Yamaha a mené des discussions avancées avec VR46 avant l'arrivée de la formation de Valentino Rossi en catégorie reine.
"Pourquoi les autres constructeurs n'ont pas proposé leurs motos ?" a questionné Tardozzi. "Il y a huit motos parce que les autres marques ne veulent pas donner de motos aux équipes. Ce n'est pas Ducati qui a forcé pour avoir les motos, les autres constructeurs n'en fournissent pas. D'autres ont demandé à Honda d'avoir une équipe supplémentaire, ils ont dit non ; ils ont demandé à Yamaha, ils ont dit non ; certains ont dit 'peut-être à l'avenir', Suzuki n'a jamais voulu et maintenant ils s'en vont. Pourquoi accuser Ducati parce qu'ils fournissent des motos aux équipes qui le demandent ? Pourquoi les autres constructeurs ne l'ont pas proposé ?"
Ducati a monopolisé six fois la première ligne cette année, et a réalisé des quintuplés en qualifications à Austin et au Mugello
L'Italien estime donc que Ducati ne doit pas être critiqué pour cette situation, mais surtout salué pour avoir appliqué une politique efficace : "On a une stratégie. Ducati aide les équipes satellites à avoir des pilotes jeunes et rapides. C'est une stratégie décidée il y a deux ans, on arrive au stade où l'on a une moto rapide et des pilotes rapides, mais c'est une stratégie. On a des équipes satellites pour avoir la meilleure situation pour elles : on suggère, on aide, certains pilotes sont liés à Ducati et placés dans les équipes d'usine. On cherche la meilleure situation pour eux. Pourquoi nous accuser parce qu'on a une bonne politique sportive ?"
"Je pense que Ducati a un bon programme pour les équipes satellites. Je ne comprends pas pourquoi des pilotes nous accusent d'avoir trop de motos. Pourquoi ne pas demander à son constructeur d'avoir plus de motos et de pilotes d'usine ? Demandez à votre constructeur, n'accusez pas Ducati !"
Meregalli partage-t-il ce constat ? Le dirigeant de Yamaha ne s'est pas prononcé sur le fond et a préféré répondre avec humour. "Je ne suis jamais d'accord avec ce que dit Davide !" a-t-il plaisanté. Toujours est-il que le fossé va encore se creuser en 2023 puisque Yamaha va perdre son équipe satellite, RNF ayant préféré s'associer à Aprilia. Il n'y aura donc que deux M1 sur la grille, quatre fois moins que les Ducati, une situation unique puisque Suzuki, seule autre marque qui aurait pu se contenter de deux motos, a finalement décidé de n'en aligner aucune.
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