Le mystère du contrat Williams 1991 de Jean Alesi jamais honoré

Jean Alesi a connu une carrière très romanesque en Formule 1, marquée par une unique victoire en Grand Prix. Son palmarès aurait pu être tout autre s'il avait obtenu le baquet Williams F1 pour lequel il avait signé un contrat en 1990.

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Quelques mois seulement après avoir fait ses débuts en Formule 1, Jean Alesi était l’un de ceux qui attiraient bien des regards sur le marché des pilotes. Mais parmi les grandes équipes qui souhaitaient obtenir sa signature, c’est Williams qui s’est montré le plus prompt, parvenant à lui faire signer un accord au début de l’année 1990 pour rejoindre l’équipe anglaise la saison suivante.

Si ce transfert avait finalement eu lieu, Alesi aurait piloté pour l’équipe au cours de l’une de ses périodes les plus dominatrices. Au lieu de cela, tandis que Nigel Mansell et Alain Prost se sont offert la couronne mondiale en 1992 et 1993, Alesi s’est retrouvé à piloter certaines des pires Ferrari de l’Histoire ! Comment tout cela s’est-il imbriqué d’une telle façon ? Aujourd’hui encore, même Alesi lui-même n’a pas encore toutes les réponses...

Jean Alesi, Tyrrell, avec son frère et manager en 1990

Photo de: Motorsport Images

Jean Alesi, Tyrrell, avec son frère et manager en 1990

La signature avec Williams

Alesi a explosé sur la scène F1 au milieu de l’année 1989, à l’occasion d’un remplacement remarqué de Michele Alboreto dans la superbe Tyrrell. Le vétéran italien avait été écarté de l’équipe. Alesi continuait en simultané à piloter en Formule 3000, l’équivalent de la F2 actuelle, où il remporta le titre. Au terme de la saison, la cote du Français était donc très élevée. Son nom était alors régulièrement associé à un futur lumineux dans la catégorie reine.

Williams exprima son intérêt pour le faire signer pour la saison 1991 dès cet hiver-là, et au début de l’année 1990, Alesi disposait ainsi d’un contrat signé avec la mythique équipe anglaise ! Néanmoins, ce deal incluait une clause disant que l’option sur ses services pouvait être levée à tout moment jusqu’en septembre. Lorsqu’Alesi s’enquit de ce point, il lui fut expliqué qu’il ne s’agissait que de termes juridiques et que l’annonce serait faite à l’occasion du Grand Prix de France, dans le courant de l’été 1990.

Le coup de téléphone de Ferrari

Mais c’est à ce moment-là que Ferrari appela. La mythique Scuderia souhaitait associer Alesi à Alain Prost, porteur du numéro 1, et le directeur d’équipe Cesare Fiorio fut stupéfait lorsqu’il apprit qu’Alesi ne pouvait pas rejoindre l'équipe italienne de son coeur du fait d’avoir déjà signé un contrat Williams. Le Français ne révéla pas à cette époque à Ferrari avec qui il avait signé mais Fiorio fit ses devoirs et le découvrit. Il lui affirma à la veille du Grand Prix de France que Williams ne ferait pas l’annonce car Frank Williams tentait de faire signer Ayrton Senna, alors pilote McLaren...

Alesi tenta de faire confirmer cette information à Williams ainsi que de faire annoncer son recrutement par l’équipe. Mais Williams lui demanda d’attendre un petit peu plus longtemps et de ne pas écouter ce qui provenait de chez Ferrari.

Au Grand Prix de Grande-Bretagne, Alesi fit de nouveau pression sur Williams pour que soit annoncée son arrivée dans le team pour la saison 1991, comme le disait son contrat. Le jeune pilote lui assura que si l’annonce n’était pas faite ce week-end-là, il ne piloterait pas pour le team. Williams ne broncha pas, amenant ainsi Alesi à accepter une approche faite par Piero Fusaro, le Président de Ferrari.

Cesare Fiorio discute avec Flavio Briatore et Jean Alesi dans la voie des stands

Photo de: Ercole Colombo

Cesare Fiorio discute avec Flavio Briatore et Jean Alesi dans la voie des stands

La négociation

Alesi alla chercher conseil auprès de l’ancien pilote Williams Nelson Piquet, connu pour son franc-parler et sa capacité à bien mener ses affaires personnelles. Le Brésilien, qui pilotait alors pour Benetton, lui conseilla d’accepter l’offre de Ferrari si Williams venait à ne pas annoncer le deal immédiatement après le GP de Grande-Bretagne.

Mais Piquet apporta aussi au Français sa propre expérience et un pe de seil dans la négociation, s’invitant autour de la table des discussions avec Ferrari en soutenant des demandes additionnelles d’Alesi en son nom ! On trouvait parmi celles-ci un meilleur salaire et une Ferrari F40, que Jean Alesi a d'ailleurs dû se résoudre à vendre il y a quelques années pour soutenir la carrière en formules junior de son fils Giuliano. Surprise, l’équipe italienne accepta les termes révisés !

Nelson Piquet, Benetton Ford, discute avec Jean Alesi

Photo de: Motorsport Images

Nelson Piquet, Benetton Ford, discute avec Jean Alesi

Le coeur ou la raison ?

On aime à raconter que Jean Alesi a suivi son coeur en rejoingnant une équipe Ferrari alors à la peine en négligeant un deal dont le potentiel gagnant était bien plus avéré chez Williams. Mais c'est oublier que cet été-là, de gros doutes étaient sincèrement permis pour Alesi, qui en dépit du fait de disposer d'un contrat Williams, pouvait voir celui-ci s'envoler rapidement et le marché des transferts se transformer radicalement pendant qu'il attendait avec loyauté.

Lors du Grand Prix d’Allemagne, Alesi convoqua une conférence de presse pour répondre aux rumeurs concernant son futur, tandis que Tyrrell rencontrait de son côté des difficultés financières. Il affirma qu’en plus de Williams, Ferrari et Tyrrell, qui avaient tous présenté un intérêt prononcé pour ses services l’année suivante, McLaren se trouvait également sur la liste des teams souhaitant lui offrir un volant. Une information qui signifiait qu'Ayrton Senna envisageait de quitter l'équipe anglaise. Il expliqua à la presse qu’il traversait une période difficile dans sa vie et qu’il n’était pas habitué à ce genre de choses, se demandant même le destin stellaire de sa jeune carrière n'était pas allés trop haut, trop vite, au point de s'attirer plus d’attention qu’il n’était capable d’en gérer dans le monde pétillant de la F1 du début des années 1990.

Et pourtant, de l’attention, Jean Alesi allait bien en recevoir ! Car c’est bien le contrat Ferrari qui fut finalement choisi par le Français. Williams toucha une compensation financière…ainsi qu’une F1 Ferrari pilotée d’Alain Prost qui finira dans le musée du team anglais !

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Photo de: Sutton Images

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Mais pourquoi Williams n'a pas actionné son contrat avec Alesi ?

Alesi dit n’avoir aucun regret de ce choix de carrière. Il ne sait cependant toujours pas à ce jour pourquoi Williams a réellement tant tardé à valider l’annonce de son option. Ferrari affirme que Williams patientait pour signer Senna.et utilisait Alesi comme une garantie de plan B. Un scénario plausible, car Fiorio était bel et bien lui-même en discussions avec le Brésilien cet été-là. Il est ainsi possible que Senna ait mentionné à l’Italien qu’il avait reçu de l’intérêt de la part de Williams.

La seule explication qu’Alesi reçut de Williams à l’époque vint au moment où il signa son premier contrat. On lui affirma que le délai porté jusqu’en juillet était lié au fait que Renault, qui motorisait l’équipe et disposait d’une très grande influence au sein de Williams, souhaitait que le line-up pilotes soit annoncé sur le Grand Prix de France, la course à domicile de la Régie. Pour Frank Williams, il convenait de satisfaire une telle demande car Renault payait les salaires des pilotes et qu’au moment de la signature du contrat Williams par Alesi, Renault n’était pas au courant de ce deal... Mais Williams avait alors assuré que l’entente signée avec le Français lui donnait tout le temps qu’il fallait pour convaincre Renault de cette décision. Peut-être ce choix de Frank Williams ne fut pas matérialisé du fait du refus de Renault...

Une autre supposition plausible ? Les conséquences de l’annonce choc de Nigel Mansell lors du Grand Prix de Grande-Bretagne, lors duquel l’Anglais rendit publique sa décision de quitter la F1. Cette situation plaça Ferrari sous une pression encore plus grande pour trouver un équipier pour Prost et donna une occasion à Williams de convaincre Mansell de rester dans le sport avec le team de Grove, plaçant ainsi en seconde priorité la venue d’Alesi… L'Histoire entre Mansell et Williams sera d'ailleurs belle, le Britannique remportant le titre 1992 avec l'une des plus merveilleuses machines de l'Histoire, floquée du fameux Red Five...

Jean Alesi, Ferrari 643

Photo de: Motorsport Images

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