Pourquoi Mercedes est plus fort et plus faible qu'il n'y paraît

Mercedes et Lewis Hamilton ont dominé la première journée du Grand Prix de Turquie 2021, sur la surface grandement améliorée du circuit d'Istanbul. Mais la position de l'équipe n'est pas tout à fait ce qu'elle semble être. Voici pourquoi.

Lewis Hamilton, Mercedes W12

Lewis Hamilton, Mercedes W12

Jerry Andre / Motorsport Images

Les pilotes de Formule 1 sont connus pour ne jamais être entièrement heureux. Il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Bien que cela ne s'applique peut-être pas à Daniel Ricciardo et son éternel sourire...

Le paddock est arrivé à l'Istanbul Park pour son retour au calendrier de la Formule 1 après neuf ans d'absence en 2020, impatient de goûter à l'une des meilleures et des plus célèbres créations d'Hermann Tilke. Et il a eu une horrible surprise.

La surface asphaltée refaite était saturée d'huiles glissantes car elle n'avait été achevée que trois semaines avant cet événement et n'avait pas eu le temps de sécher correctement. Cela signifie que même lors des séances d'essais du vendredi, qui se sont déroulées sur le sec avant les qualifications et la course sur le mouillé, lors desquelles Lance Stroll et Lewis Hamilton ont brillé, les conditions avaient été jugées plutôt épouvantables. "Pire que de la glace", selon Lando Norris.

Onze mois plus tard, les choses ont bien changé et les conditions ont considérablement évolué. Et pour le plus grand plaisir des pilotes, pour le mieux. Grâce au traitement que la piste a subi ces dernières semaines, les niveaux d'adhérence ont augmenté de façon spectaculaire. Les pneus Pirelli, également un peu plus tendres que les composés utilisés l'année dernière, fonctionnent réellement et se mettent généralement beaucoup mieux en température lorsqu'ils roulent sur des pierres désormais plus exposées.

"Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre lorsque j'ai pris la piste aujourd'hui", a déclaré Hamilton, également vainqueur ici en 2010. "Mais, bon sang, tellement plus de grip que nous n'en avons jamais eu auparavant. C'est intense comme il y a du grip, c'est génial. Cela en fait un circuit beaucoup, beaucoup plus agréable à piloter. Beaucoup plus comme il était avant."

La génération des voitures les plus rapides de l'Histoire la F1 (bien qu'elles ne soient pas aussi rapides qu'en 2020, en raison des modifications du fond plat imposées pour cette saison) a finalement trouvé l'adhérence souhaitée à Istanbul. Cela a permis de battre le record de la piste établi par Juan Pablo Montoya en 2005 de 0"592 par Hamilton lors des EL1, le Champion du monde passant ensuite de 1'24"178 à 1'23"804 pour dominer les EL2 (ci-dessous).

Classement par écurie en EL2

Pos. Équipe Pilote Chrono Écart
1 Mercedes Hamilton 1'23"804  
2 Ferrari Leclerc 1'23"970 +0"166
3 Red Bull Pérez 1'24"373 +0"569
4 McLaren Norris 1'24"525 +0"721
5 Alpine Alonso 1'24"660 +0"856
6 AlphaTauri Gasly 1'24"756 +0"952
7 Alfa Romeo Giovinazzi 1'24"796 +0"992
8 Aston Martin Vettel 1'25"229 +1"425
9 Williams Latifi 1'25"307 +1"503
10 Haas Schumacher 1'25"480 +1"676

Mercedes a terminé la journée en tête – une tendance inquiétante pour Red Bull, son rival pour le titre, après la supériorité (gâchée) des Flèches Noires à Monza et son avantage significatif à Sotchi.

L'équipe était en bonne position dès le départ parce que Mercedes "a commencé avec de très bons réglages" lors des EL1, selon Hamilton. La structure estime qu'elle a pu le faire parce qu'elle est arrivée en Turquie après avoir passé beaucoup de temps à travailler sur des simulations qui offraient un plus large éventail d'options – avec des niveaux d'appui et d'ajustement d'ailerons différents – que ce qui est habituellement le cas. Mercedes savait en effet qu'elle ne pouvait pas prévoir l'impact du nettoyage à l'eau sur les niveaux d'adhérence à Istanbul.

"Les indications des essais libres sont qu'il va être assez difficile pour Lewis de dépasser sur la piste. Mais nous étudions toutes les options qui s'offrent à nous en matière de stratégie et de réglages" Andrew Shovlin

Bien qu'elle ait été satisfaite de son début de journée, l'écurie Mercedes a continué à apporter des modifications aux réglages tout au long des EL1 et EL2.

Elle a modifié les choses "assez souvent au cours de la journée car la piste avait plus d'adhérence que ce à quoi nous nous attendions", selon le responsable de l'ingénierie de piste, Andrew Shovlin. Les ajustements ont permis de rester au top tout au long de la journée de vendredi, mais la structure a rencontré un problème de sous-virage en EL2 qu'elle devait corriger dans la nuit.

Chez Red Bull – qui a terminé avec une deuxième place pour Max Verstappen, avec 0"425 de retard, en EL1, et une quatrième, 0"569 plus lent que Hamilton avec Sergio Pérez lors des EL2 – le sous-virage était également un problème. Mais pas le seul.

"Oui, on a un peu de déséquilibre", a reconnu Christian Horner pour Sky Sports. "Je pense que le circuit est beaucoup plus adhérent qu'il ne l'était l'année dernière, et je crois que nous sommes un peu en dehors de la fenêtre avec Max au niveau des réglages, donc ça va être une nuit chargée, comme vous le savez, à travailler dur avec les ingénieurs et aussi à Milton Keynes."

Le problème d'équilibre rencontré par Verstappen impliquait qu'il semblait souffrir d'un sous-virage considérable (un problème qui affectait également ses rivaux plus bas dans la hiérarchie, comme Pierre Gasly chez AlphaTauri). Mais le Néerlandais a également eu des problèmes de survirage aléatoires, qualifiés de "bizarres", lors des EL2. Cela n'a pas non plus été aidé par le vent fort et imprévisible qui s'est levé lors de cette séance.

Verstappen a terminé la journée à 0"635 du meilleur temps de Hamilton, et à 0"066 de la référence de Pérez pour Red Bull. Et Mercedes a également dominé les longs relais à la fin de la deuxième séance d'une heure. Mais sa position n'est pas tout à fait ce qu'elle semble être.

Pour commencer, elle pourrait être un peu meilleure.

Les données consultées par Motorsport.com suggèrent que le meilleur tour de Hamilton lors des EL2 aurait pu être au moins 0"2 plus rapide s'il n'était pas allé trop au large au virage 9, à la fin de la première partie de la ligne droite au fond du circuit, qui alimente immédiatement le virage 10 et forme une séquence plutôt rapide.

Le Britannique a glissé après la corde du virage 9 et a donc perdu de l'élan pour le virage 10. Mais il a gagné 0"2 dans les derniers virages par rapport à Charles Leclerc, deuxième des EL2, pour finir avec 0"166 d'avance.

Toutefois, la position de Mercedes face à Red Bull est également susceptible d'être plus fragile qu'il n'y paraît – bien que dans un domaine différent. C'est notamment le cas sur un tour, puisqu'il est entendu que Verstappen était en retrait en matière de vitesse de pointe dans la ligne droite par rapport à Hamilton, à hauteur de 0"2 sur leurs tours les plus rapides respectifs en EL2. Cela pourrait être dû au fait que Red Bull a utilisé un niveau d'appui plus élevé, mais il est plus probable que ce soit le résultat d'un mode moteur inférieur – quelque chose que Red Bull pratique habituellement lors des essais du vendredi.

On peut donc s'attendre à ce que la RB16B soit plus proche de Mercedes lors des séances qui comptent, mais cela ne comble pas pour autant l'écart.

Néanmoins, la position de Red Bull est considérablement plus forte qu'il n'y paraît sur le papier tout simplement parce que Mercedes a choisi de doter Hamilton d'un quatrième moteur à combustion interne en 2021. Cela lui coûtera 10 places par rapport à ses qualifications et c'est le plus gros problème auquel Mercedes est confronté ce week-end.

"Je dois être en pole pour limiter les dégâts", a déclaré Hamilton après les EL2. "Ensuite, bien sûr, je dois comprendre la voiture pour être capable de faire au mieux lors des longs runs. Donc, [j'essaie] juste de trouver le bon équilibre [entre un réglage optimal sur un tour et un réglage qui facilite les dépassements en course]. Ce n'est pas vraiment différent des autres week-ends."

Mercedes a changé le moteur à combustion interne pour essayer d'éviter une coûteuse panne en course ou un abandon lié au moteur plus tard dans l'année. Elle gérait les problèmes de puissance lors de sa promenade vers les titres 2020, après avoir pu implémenter une évolution de fiabilité à la suite des problèmes rencontrés lors de la pré-saison pandémique et face auxquels elle a eu besoin des confinements initiaux liés au COVID-19 pour les surmonter. Mais le fait d'être dans une lutte pour le titre "à une seule équipe" l'an passé lui a permis de gérer ces problèmes de manière appropriée, à l'abri des regards.

Le défi permanent posé par Red Bull en 2021 fait que Mercedes ne peut pas simplement baisser la puissance, la saison étant également d'une longueur record avec 22 courses.

La combinaison globale des facteurs en jeu ce week-end met la pression sur Bottas pour qu'il offre la victoire à Mercedes (ou soit en position de la donner à Hamilton s'il revient)

L'équipe espère que Hamilton sera en mesure d'aller jusqu'à la fin de l'année en ne dépassant que d'un moteur à combustion interne le quota autorisé pour la saison, mais elle ne semble pas très confiante quant à la facilité avec laquelle le leader de la journée de vendredi pourra se frayer un chemin dans le peloton en Turquie dimanche.

"Les indications des essais libres sont qu'il va être assez difficile pour Lewis de dépasser sur la piste", a déclaré Shovlin. "Mais nous étudions toutes les options qui s'offrent à nous en matière de stratégie et de réglages de la voiture pour nous permettre de revenir dimanche."

Le problème pourrait bien être un vieux rival : Ferrari.

Classement de la moyenne sur pneus mediums :

Pos. Écurie Moyenne Tours
1 Mercedes 1'27"732 12
2 Red Bull 1'28"223 12
3 Ferrari 1'28"317 10
4 Aston Martin 1'28"855 14
5 Williams 1'28"932 12
6 Alfa Romeo 1'29"275 15
7 Haas 1'29"787 7

*McLaren, Alpine et Aston Martin non disponibles

Leclerc n'est peut-être pas aussi proche de Hamilton sur un tour qu'il le semble, Mercedes estimant que son mode moteur a été réglé pour délivrer environ 0"3 de plus sur la ligne droite lors de son tour le plus rapide des EL2, mais cela reste un très bon vendredi pour Ferrari.

En effet, Leclerc a également affiché une bonne moyenne sur les longs relais avec le crucial pneu medium (ci-dessus), notamment par rapport à Red Bull. Carlos Sainz était également plus lent de 0"452 en moyenne sur un relais beaucoup plus long (23 tours contre 10 pour Leclerc, donc probablement plus de carburant à bord pour un run qui a attiré l'attention des équipes rivales).

Si cela se maintient en course et que la durée de vie des pneus de Ferrari est plus proche de Silverstone que du Paul Ricard, cela constituera un défi pour la remontée de Hamilton. De plus, les courses récentes ont démontré qu'en 2021, une Mercedes ne peut pas facilement passer devant une McLaren...

La pénalité de Sainz sur la grille de départ, qui a relégué l'Espagnol à l'arrière du peloton, aidera au moins Hamilton. Sainz a déclaré qu'il regrettait un peu cette situation au vu du rythme de Ferrari vendredi, après avoir reçu un tout nouveau moteur avec l'amélioration du système hybride pour cette épreuve, évolution dont Leclerc a bénéficié à Sotchi.

La combinaison globale des facteurs en jeu ce week-end met la pression sur Bottas pour qu'il offre la victoire à Mercedes (ou soit en position de la donner à Hamilton s'il revient).

Une source au sein de l'équipe a déclaré qu'elle était "méfiante" quant à son avantage de vendredi – l'équipe sait que Red Bull gagne toujours du terrain dans la nuit du vendredi au samedi – mais c'est toujours une bien meilleure position que de devoir combler un grand écart.

En 2021, Bottas n'a généralement pas été aussi proche de Hamilton qu'il l'était l'année dernière en matière de vitesse sur un tour – avec la progression de Red Bull impliquant également que Verstappen peut généralement être au milieu, voire devant, la paire Mercedes. Les six tête-à-queue de Bottas lors de la course turque l'année dernière sont également très frais dans la mémoire collective de la F1, qui s'en rappellera plus clairement encore si la pluie tombe ce samedi (la course devrait être sur le sec).

Bottas était 0"410 plus lent que Hamilton sur leurs meilleurs tours respectifs des EL2 vendredi, le Finlandais ayant également été en retrait de 0"288 en moyenne sur la même longueur de relais (12 tours).

Mais Mercedes attribue ce résultat au gain de performance apporté par le nouveau moteur de Hamilton, ainsi qu'au fait que Bottas était un peu plus mécontent de l'équilibre de la W12 à la suite des changements apportés lors des EL2. L'équipe s'attend à ce que l'écart entre ses pilotes se réduise lorsque Bottas aura retiré le "moteur du vendredi".

En supposant que Bottas s'élance en pole devant les Red Bull et que Hamilton se trouve en milieu de grille, les équipes de pointe optant pour une stratégie à un arrêt doivent être considérées comme la meilleure option et la plus probable à l'heure actuelle.

En effet, si le niveau d'adhérence de la piste retravaillée en 2021 est beaucoup plus élevé, cela ne signifie pas nécessairement que les pilotes seront confrontés à une forte dégradation des pneus. Et ce, malgré le fait qu'Istanbul soit très exigeant avec la charge sur les gommes – notamment dans le virage 1, rapide et en descente, et dans la séquence du virage 8, à plat et avec plusieurs cordes.

Même si les pierres de l'asphalte ont été davantage exposées par le nettoyage à l'eau, la surface n'est pas particulièrement abrasive. Cela explique probablement pourquoi Shovlin a été surpris par les faibles niveaux de dégradation des pneus observés aujourd'hui : "Nous nous attendions à ce qu'ils souffrent un peu plus étant donné les virages à haute énergie ici, mais ils semblent tenir le coup étonnamment bien."

Mercedes pourrait choisir d'être agressif et de faire rentrer Hamilton au stand une deuxième fois pour le garder à l'air libre et avec un avantage de durée de vie des pneus à utiliser en fin de course

En gardant cela à l'esprit, Bottas et les Red Bull devraient donc essayer de passer la Q2 sur les mediums pour commencer la course sur ce composé, puis prendre les durs lors d'un seul arrêt prévu. Logiquement, Hamilton devrait suivre un plan identique pour conserver une flexibilité stratégique sur le moment où son premier relais sera terminé.

Mais le tracé exigeant et les températures relativement fraîches de ce week-end pourraient entraîner du graining, ce qui s'est produit lors des relais ce vendredi. Si c'est le cas en course et que cela représente un défi considérable pour la gestion des pneus, Mercedes pourrait choisir d'être agressif et de faire rentrer Hamilton au stand une deuxième fois pour le garder à l'air libre et avec un avantage de durée de vie des pneus à utiliser à la fin de la course.

Si les pilotes de F1 ne sont généralement jamais entièrement satisfaits, la façon dont Verstappen est passé de la pénalité sur la grille de Sochi au podium résume bien ce cliché. Hamilton espère au moins un résultat similaire dans des circonstances similaires en Turquie cette fois-ci.

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