Analyse

Pourquoi Vasseur est l'homme de la situation pour Ferrari

La confirmation du recrutement de Frédéric Vasseur à la tête de la Scuderia Ferrari marque un grand changement dans la direction de l'équipe, qui continue de courir après un titre mondial.

Frederic Vasseur, team principal d'Alfa Romeo Racing

Frederic Vasseur, team principal d'Alfa Romeo Racing

Carl Bingham / Motorsport Images

Au cours des dernières années, Stefano Domenicali, Marco Mattiacci, Maurizio Arrivabene et Mattia Binotto ont tous échoué à mettre fin à la période de vaches maigres de Ferrari, en quête d'un titre mondial depuis 2008. Aujourd'hui, la même mission a été confiée à Frédéric Vasseur. Il s'agit du plus grand défi à ce jour dans la longue et fructueuse carrière du Français, qui va devoir non seulement supporter la pression d'une équipe mais aussi d'une nation entière. Et il est l'homme de la situation.

Vasseur intégrera une équipe faisant face à une montagne russe d'émotions à l'issue d'une saison 2022 particulière. Bien qu'il ait manqué son rendez-vous face à Red Bull dans la lutte au championnat, le Cheval cabré a toutefois repris des couleurs en faisant son retour sur la plus haute marche du podium avec une voiture compétitive confiée à Charles Leclerc et Carlos Sainz. De quoi permettre aux employés de Maranello de faire preuve d'optimisme pour l'avenir.

Dans un récent entretien accordé au média américain CNBC, Benedetto Vigna, PDG de Ferrari, expliquait qu'il n'était "pas satisfait de la deuxième place, également parce que le deuxième est le premier des perdants", ce qui semblait minimiser les progrès réalisés par Ferrari depuis deux ans. L'année 2022 n'a certes pas été un grand cru pour Ferrari, mais cette saison demeure la meilleure de l'équipe italienne depuis 2018.

La séparation avec Binotto n'est pas sans risque. Non seulement Ferrari a perdu son directeur d'équipe mais aussi son responsable technique, puisque Binotto n'a jamais été remplacé lorsqu'il a quitté le poste de directeur technique. Et contrairement à ses précédents changements, Ferrari n'a pas identifié de successeur clair en interne, ce qui l'a poussé à zyeuter ailleurs et recruter Vasseur.

Mattia Binotto a quitté Ferrari après avoir travaillé à Maranello pendant près de 30 ans.

Mattia Binotto a quitté Ferrari après avoir travaillé à Maranello pendant près de 30 ans.

Le temps nécessaire pour se mettre à niveau et comprendre les rouages de la machine italienne, certainement la plus complexe de la F1, fait qu'il sera difficile pour Vasseur de connaître le succès dès sa première année à Maranello.

Une mentalité dont Ferrari a besoin

Mais c'est quelqu'un de réaliste, il n'arrivera pas chez Ferrari en s'attendant à tout gagner en un claquement de doigts. Et le Français aura une vision claire du fonctionnement souhaité de l'organisation. Il suffit de remonter le temps pour le comprendre : moins d'une heure après avoir pris les rênes de Sauber, en 2017, il avait déjà annulé le contrat passé avec Honda pour la fourniture de moteurs tant il était convaincu qu'il s'agissait là d'une mauvaise décision.

Ce côté clinique pourrait s'atténuer au sein d'une équipe de l'envergure de Ferrari, pourtant cela a permis à Vasseur de remettre Sauber (devenu Alfa Romeo) sur de bons rails. En 2022, l'écurie a obtenu son meilleur classement sous sa direction en prenant la sixième place du championnat constructeurs. Elle est aujourd'hui dans une bonne dynamique, et c'est en grande partie grâce à Vasseur.

Frédéric Vasseur

Frédéric Vasseur

Le directeur a très bien résumé son approche lors d'une interview avec Motorsport.com en fin de saison, avant que les premières rumeurs d'un transfert chez Ferrari ne voient le jour : "Au final, mon travail n'est pas de prêter autant d'attention aux points positifs, c'est d'essayer de comprendre où nous avons merdé (sic) et de nous améliorer !" Son honnêteté a fait rire, et son humour pourrait combler un vide de ce côté là chez Ferrari, mais cette déclaration montre le genre de personne qu'est Frédéric Vasseur : une envie perpétuelle de faire mieux et de ne pas être enivré par le succès.

Cette approche devrait être utile à Ferrari. En 2022, lorsque des erreurs de l'équipe lui ont fait perdre des courses ou provoqué une grande frustration, on a souvent eu l'impression à travers les différentes déclarations que les regards étaient détournés et qu'il n'y avait aucun problème majeur à résoudre. Ferrari fait peut-être l'objet de plus d'attention médiatique mais ça ne veut pas dire que celle-ci était injustifiée.

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Une approche qui colle à celle de Leclerc

Et puis, l'histoire entre Frédéric Vasseur et Charles Leclerc ne doit pas être ignorée. Leclerc roulait pour ART Grand Prix, équipe cofondée par le Français, lors de sa campagne victorieuse en GP3 en 2016. Le Monégasque avait ensuite rejoint Sauber pour sa première saison de F1, en 2018, et prouvé à Ferrari qu'il méritait une place de titulaire dans la voiture rouge.

Interrogé lors de la cérémonie de remise de prix de la FIA, la semaine dernière, avant que l'arrivée de Vasseur ne soit confirmée, le pilote n'avait pas souhaité faire de commentaire sur sa préférence pour le remplaçant de Binotto. Motorsport.com avait alors cité le nom de Vasseur, ce à quoi Leclerc avait répondu : "J'ai travaillé avec Fred dès les catégories junior, où il a cru en moi, et ensuite nous avons toujours eu une bonne relation. Mais à part ça, cela ne devrait évidemment pas influencer les décisions. Il a toujours été très direct, très honnête. Et c'est quelque chose que j'apprécie chez Fred."

Le Monégasque avait également précisé que Ferrari était une équipe "très différente de toutes les autres". En d'autres termes, rien ne garantit à Vasseur un succès similaire à celui connu chez ART et Sauber. Mais il est toujours encourageant pour Ferrari que sa jeune star s'entende bien avec le nouveau patron.

Charles Leclerc et Frédéric Vasseur

Charles Leclerc et Frédéric Vasseur

Un défi à prendre à bras-le-corps

Ferrari sera la troisième équipe de F1 que Vasseur a dirigée. Passé chez Renault, en 2016, le Français est parti aussi vite qu'il y était arrivé en raison d'une divergence d'opinion avec Cyril Abiteboul, alors directeur général. "J'ai eu des difficultés pour m'adapter au système", expliquait-il en 2018 tout en insistant sur l'absence de regrets et d'amertume. "C'était beaucoup mieux pour moi de m'en aller et d'arrêter parce que j'avais d'autres projets dans ma vie. Et j'ai arrêté."

Cette pause lui a fait du bien, du moins jusqu'à ce que le virus de la F1 ne reprenne le dessus et le pousse à sauter sur l'opportunité Sauber, en quête d'un directeur après son rachat par le milliardaire suédois Finn Rausing. Impressionné par les plans de la formation pour l'avenir, Vasseur avait indiqué que l'atmosphère de Sauber correspondait "beaucoup plus à [ses] attentes et aux projets du début de [sa] carrière".

Diriger Ferrari n'est pas de tout repos, un directeur ne peut pas modifier l'équipe pour qu'elle corresponde à ses attentes de la même manière que dans une autre écurie. Pourtant, le fait que Vasseur quitte Sauber, une formation exsangue en 2017 mais ayant tellement redoré son blason qu'elle a été reprise par Audi, témoigne de la confiance qu'il a dans ses propres capacités.

Mais la réalité de ce grand défi ne se fera sentir que lorsque la situation se compliquera. Comme l'a récemment dit Toto Wolff, directeur de Mercedes F1, sur le podcast Beyond The Grid : "En représentant Ferrari, vous représentez le pays tout entier. Ils vous félicitent, ils vous critiquent, mais avec brutalité." Cette brutalité sera quelque chose de nouveau pour Vasseur. Mais si une personne est capable de gérer la pression d'une nation, de fans et des requins de la F1, c'est bien lui.

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