Comment le succès de Rins le remet au centre du jeu chez Honda
Trois jours après avoir demandé à Honda de prendre en compte son expertise dans le développement de la moto, Álex Rins a décroché un succès qui pourrait changer la donne au sein du constructeur.
Alex Rins, Team LCR Honda
Gold and Goose / Motorsport Images
Álex Rins a beau avoir souvent brillé à Austin, avec des victoires dans les trois catégories, peu de monde attendait une telle prestation de sa part cette année. Une qualification en première ligne lui a permis de prendre la deuxième place en course sprint, et il a bouclé le travail dimanche avec une victoire associant caractère, talent et performance.
Depuis le Grand Prix d'Argentine 2018, remporté par Cal Crutchlow également avec LCR, aucun autre pilote que Marc Márquez ne s'était imposé avec la Honda. L'équipe de Lucio Cecchinello a également décroché son 100e podium de la plus belle des manières au GP des Amériques. Et si l'on met les chiffres de côté, Rins a été performant au point de mettre la pression sur Pecco Bagnaia, dont la course s'est conclue sur une chute.
Une telle performance n'est jamais ignorée par un constructeur, d'autant plus quand il traverse la période de turbulences dans laquelle Honda est plongé. La marque n'avait plus connu le succès depuis le GP d'Émilie-Romagne 2021, remporté par Márquez, déjà en profitant d'une chute de Bagnaia. Les absences répétées du #93 pour blessure associées à l'apparent désarroi du département technique du HRC ont fait naître un certain sentiment d'anxiété dans le garage de l'équipe officielle, qui transparaissait jusqu'à son team satellite.
Trois jours avant sa victoire, Rins lui-même manifestait un certain agacement en confiant qu'il se sentait "inexploité" chez Honda, n'ayant pas reçu certaines évolutions. Le dénouement du week-end texan ne va pas seulement apaiser et revitaliser le constructeur japonais, mais aussi replacer le pilote LCR au centre du jeu.
"Il ne faut pas oublier qu'Álex est sous contrat avec le HRC, et que le HRC écoute tous ses pilotes", a confirmé Alberto Puig, team manager de l'équipe d'usine, dans une conversation téléphonique avec Motorsport.com. "Cela étant dit, quand on gagne, et encore plus de la façon dont il l'a fait dimanche, il est évident qu'on est encore plus écouté."
Après la cérémonie du podium, nous avons interrogé Shinichi Kokubu, grand responsable technique de Honda, pour lui demander si le succès de Rins aurait une influence sur son avenir à moyen et long terme.
"Cette année, nous avons revu notre stratégie, nous avons renforcé l'aspect opérationnel et l'aspect développement. Nous voulions donner des responsabilités précises à chaque pilote. Nous traversons une période de changement", a répondu Kokubu, en référence à l'arrivée de Ken Kawauchi comme directeur technique à la place de Takeo Yokoyama et au renforcement de l'équipe d'essais avec Ramon Aurín.
Álex Rins
On peut donc déduire que Rins va gagner en influence pour bénéficier d'un statut proche de celui de Cal Crutchlow lors de ses dernières saisons chez LCR. Après avoir signé un contrat directement avec le HRC en 2017, le Britannique a vu ses responsabilités grimper progressivement, jusqu'à devenir un rouage important dans le développement de la moto.
Ces deux dernières années, les synergies entre les trois entités (le team officiel, LCR et l'équipe d'essais) n'ont pas aussi bien fonctionné qu'à l'époque où en plus de Márquez, des pilotes comme Dani Pedrosa et Crutchlow visaient également la victoire. Les responsables de Tokyo espèrent retrouver une situation similaire.
"On pourrait faire un lien entre la victoire d'Álex et ses demandes jeudi, quand il se plaignait d'être inexploité", a précisé Cecchinello à Motorsport.com, après avoir déjà désamorcé la polémique. "En fait, ce n'est que partiellement vrai. Les pièces qu'il n'avait pas testées, nous les avions, mais c'est nous, avec Honda, qui avons mis le frein sur son désir de tester des éléments. Nous voulions éviter le risque de prendre la mauvaise voie."
Rins et Cecchinello font référence à un châssis que le pilote voulait tester en Argentine, ce qui lui a été refusé. Rins disposait de la version qu'il avait déjà au Portugal, première manche de la saison, et de celle jusque-là testée par Márquez, absent à cause de sa blessure à la main. L'ancien pilote Suzuki aurait aimé tester un troisième modèle, celui confié à Joan Mir, et Honda a refusé.
"Álex ne voulait pas attendre, mais nous oui", a précisé Cecchinello. "Nous avons mis en place un programme plus lent, avec deux châssis différents, afin que ce soir plus clair, fournir les meilleures informations à l'usine et avancer dans l'évolution de la moto. Cette victoire tend à nous laisser penser que le plan fonctionne."
"C'est une victoire totale, tant pour Álex que pour la marque. Cela faisait longtemps que Honda attendait une victoire aussi solide décrochée par quelqu'un d'autre que Marc Márquez. La victoire d'Austin était une leçon de pilotage d'Álex, donc bravo à lui. Mais il est également clair qu'il ne l'a pas décrochée seul, mais sur une moto remise en question depuis un moment."
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