Rossi n'a pas digéré 2015 : "Jamais personne n'a été aussi sale" que Márquez

Près de dix ans après les faits, Valentino Rossi revient en détail, et avec toujours autant d'amertume, sur sa rivalité avec Marc Márquez et une saison 2015 qui, selon lui, a montré le côté le plus sombre de son adversaire.

Valentino Rossi, Yamaha Factory Racing, Marc Marquez, Repsol Honda Team, en conférence de presse

Photo de: Motorsport.com

Invité ces derniers jours du podcast Mig Babol, lancé par l'ancien pilote Moto3 Andrea Migno, aujourd'hui coach à la VR46 Riders Academy, Valentino Rossi est revenu en détail sur la longue carrière qu'il a menée en Grand Prix, à travers les grands moments et ceux qui se sont révélés plus difficiles. Au gré de son récit, pendant près de 20 minutes, l'Italien a notamment relaté la saison 2015 de son point de vue, en s'arrêtant sur plusieurs moments clés de la lutte nourrie qu'il a lors livrée contre Marc Márquez.

Lui qui, jusqu'à la fin de sa carrière, a continué à évoquer un dixième titre qui lui aurait été volé, fait le récit d'un épisode qu'il n'a toujours pas digéré. Si les faits sont connus de tous, ayant formé l'une des pages les plus marquantes du MotoGP, c'est le point de vue exprimé par Rossi qui reste aujourd'hui intéressant, l'Italien montrant un ressentiment toujours aussi vif contre son meilleur ennemi, en le présentant sous un jour machiavélique.

Il commence : "Je savais que mes principaux adversaires au championnat seraient Márquez et Lorenzo. Et au Qatar, au premier virage, Marc a tiré tout droit." Mimant le "signe" qu'il y a perçu au plus profond de lui, Rossi poursuit : "Je suis très superstitieux, alors quand j'ai vu ça, je me suis dit que ça commençait bien."

Victorieux au Qatar puis troisième à Austin où Márquez avait triomphé, Rossi a enchaîné avec l'Argentine. "C'est là que l'histoire avec Márquez a commencé", poursuit-il. Et c'est peu de le dire, tant la rivalité entre les deux champions allait dès lors prendre une tournure explosive. "Je me suis dit que j'allais le rattraper", raconte Rossi au sujet de cette course, sachant que l'Espagnol, sur une monte pneumatique différente, s'était dans un premier temps détaché en tête. "Je suis arrivé sur lui, j'étais beaucoup plus rapide que lui. Donc, pour moi, même s'il s’agissait de Márquez, c'était une formalité de le dépasser désormais, il restait deux ou trois tours. J'ai pris son aspiration dans la ligne droite et je l'ai dépassé, bien dépassé, au freinage."

"Jusqu'à ce moment-là, on s'était toujours bien entendu, Marc et moi. Mais j'ai pris le virage à droite… et il est venu sur moi ! Il s'est dit que la seule possibilité qu'il avait, c'était de me rentrer dedans. J'étais devant et lui, il a essayé de me faire tomber, tout de suite", poursuit Rossi, qui ne doute donc aucunement de l'interprétation à faire de cet épisode : "Il a fait exprès de venir me percuter pour essayer de me faire tomber. Il ne voulait pas perdre."

"Donc, je me suis remis sur ma trajectoire, mais malheureusement on s'est touchés. Tu me le fais, eh bien je te le fais aussi… Et ensuite, il est tombé. Mais à partir de là, notre relation a explosé ! [...] Il a continué à faire semblant de bien s'entendre avec moi, à me cirer les pompes", note l'Italien, qui poursuit le récit d'une saison dès lors gangrénée par un rapport entaché.

Marc Marquez, Repsol Honda Team & Valentino Rossi, Yamaha Factory Racing

Valentino Rossi estime que tout a commencé au GP d'Argentine, avec un premier contact litigieux avec Marc Márquez.

Photo de: Repsol Media

À Assen, un autre contact allait survenir alors qu'ils se battaient pour la victoire dans la dernière chicane. "Il a encore foncé sur moi, il m'a fait sortir. Mais, moi, dès que j'ai senti qu'il arrivait sur moi, même si de toute façon je n'avais pas tellement le choix, je suis allé tout droit, j'ai coupé le esse et j'ai gagné", relate Rossi. "Je suis resté debout, je ne dirais pas par miracle, mais pas facilement, j'ai coupé le esse, j'ai gagné, point. Je suis arrivé au parc fermé et il était furieux, je ne l'avais jamais vu comme ça. 'Ah, c'est facile de gagner comme ça, en coupant !'. Je lui ai dit : 'Désolé, mais tu t'es jeté sur moi, qu'est-ce que je devais faire ?'"

"Pour moi, c'est OK si tu essayes d'entrer le plus fort possible mais dans le but de faire le virage. Si, en revanche, en arrivant de derrière, tu ne freines que pour me foncer dedans et que tu n'en as rien à faire du virage…" poursuit Rossi, convaincu que dans sa manœuvre, Márquez n'aurait pas pu passer correctement le virage. "Lui, il est passé dans la partie verte après m'avoir fait sortir. En me faisant sortir, il a beaucoup ralenti et malgré cela, il est allé dans la partie verte."

"À partir de là, c'était vraiment fini", ajoute Rossi. Sauf que si le conflit entre les deux pilotes avait déjà atteint un point de non-retour, il restait encore une moitié de saison à faire et l'escalade allait se poursuivre, y compris hors piste comme le révèle l'Italien.

"J'ai appris qu'ils faisaient le tour du paddock, en particulier Alzamora, en disant 'On ne gagnera plus le titre − parce qu'ensuite Márquez ne pouvait plus gagner, il ne restait que Lorenzo et moi −, mais lui non plus ne va pas le gagner'. Ils l'ont dit à des Espagnols, sauf que ceux-là en ont parlé à des amis espagnols qui sont venus me voir et ont commencé à me dire 'Fais attention, parce que tu verras, dans les dernières courses... Fais attention parce qu'il dit qu'il ne va pas le gagner, mais que toi non plus'. Et il y avait aussi Uccio [Salucci] qui n'arrêtait pas de me dire de faire attention à Márquez."

Cette fin de saison pressentie comme explosive a véritablement démarrés à Philipp Island. "En Australie, il était tellement au-dessus du lot qu'il a d'abord fait la course contre moi, il m'a fait perdre et il a même gagné !" observe Rossi, qui quelques jours plus tard allait accuser Márquez d'œuvrer à le faire perdre pour favoriser Lorenzo.

"On raconte simplement les faits. Si on faisait l'effort d'aller regarder les chronos, ça n'est pas une hypothèse, c'était clairement le cas", juge l'Italien, toujours sûr de son fait avec le recul. "Je lui suis tombé dessus en conférence en Malaisie, parce que je me suis dit que j'allais au moins essayer de dire du mal de lui, de dire devant tout le monde ce qu'il était en train de faire pour qu'il se dise peut-être qu'il allait laisser tomber."

Je ne voulais pas le faire tomber mais il est tombé. Au final, ça m'a fait perdre le championnat.

"Il faut se rappeler que Márquez n'avait plus rien à voir [avec le titre], c'est Lorenzo et moi qui nous battions pour le championnat. Et pour moi, c'est le cœur du truc : si tu te bats pour le titre, tu ne peux pas tout faire, non, mais bon… Tandis que si tu n'as plus rien à y faire et que tu n'es même pas le coéquipier de l'un des deux [pilotes en lice], tu dois avoir le respect de ne pas leur casser les couilles [sic]. Tu dois simplement faire ta course, essayer de gagner, point."

Quels qu'aient été les événements en coulisses, c'est bien en piste que les choses allaient se jouer, lorsque Rossi a été sanctionné pour avoir donné un coup de pied à Márquez dans la course de Sepang. "Il m'a 'abimé' et gêné pendant toute la course. Il a essayé de me faire tomber trois ou quatre fois, mais il ne m'a pas eu. Et dans le dernier droite, je suis allé tout près de lui, comme ce qu'on fait qu'on s'engueule sur la route. Je suis allé tout près de lui, collé à lui, et je l'ai regardé en face comme pour lui dire : 'Ça suffit, à quoi tu joues !' Sauf qu'ensuite on s'est touchés…"

Au GP de Malaisie, Valentino Rossi est reconnu coupable d'avoir fait tomber Marc Márquez et écope d'une lourde sanction pour la course suivante.

Au GP de Malaisie, Valentino Rossi est reconnu coupable d'avoir fait tomber Marc Márquez et écope d'une lourde sanction pour la course suivante.

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

"Moi, j'ai beaucoup de doutes sur ce contact", précise toutefois Rossi, "parce qu'il ne tombe jamais et là, par contre, je ne sais pas… En fait, sa poignée s'est coincée dans mon genou. Moi, je ne voulais pas le faire tomber mais il est tombé. Au final, ça m'a fait perdre le championnat parce qu'ils m'ont fait partir dernier [à Valence]."

Et Rossi de montrer à quel point cet épisode lui reste en travers, tant il est convaincu d'avoir alors été pris au piège. Car lorsqu'il relate la convocation à la direction de course, après la course de Sepang, il revit dans son souvenir un moment qu'il juge injuste et se dit persuadé que le clan Márquez était alors arrivé à ses fins.

"Mike Webb finit par me dire : 'Nous avons décidé qu'à Valence, tu partiras dernier'. Ça n'était jamais arrivé en MotoGP qu'on fasse partir quelqu'un dernier. D'après le règlement, j'aurais dû recevoir un ride through. S'ils décidaient que j'avais fait exprès de faire tomber Márquez, j'aurais dû faire un ride through dans la course [de la Malaisie], et au lieu d'être troisième, j'aurais fait cinquième. Au lieu de cela, ils ne m'ont pas donné de ride through et ils ont inventé que je devais partir dernier à Valence."

La perception de Rossi n'est pas tout à fait juste, puisque le règlement, dans sa version de 2015, prévoyait bien le recul de places sur la grille comme étant l'une des sanctions possibles en cas d'infraction à la règle de comportement responsable, parmi un total de huit pénalités d'une sévérité plus ou moins forte. Quoi qu'il en soit, il a perçu cette décision comme étant excessivement lourde à son égard et surtout entraînant des conséquences radicales sachant qu'il ne restait plus qu'une course à disputer.

"C'était comme me couper les jambes. J'avais perdu le championnat", explique Rossi, avant de révéler la manière dont cette décision lui a été annoncée. "Quand Mike Webb a dit que je devrais partir dernier à Valence, mon sang s'est glacé parce que je me suis dit que j'avais perdu. Mais ma première réaction a été de regarder Márquez", poursuit-il. "Il avait la tête baissée, on s'était engueulés et je lui avais dit qu'une chose comme ça, il la porterait avec lui pendant toute sa carrière, parce que c'est dégoûtant dans le sport de faire perdre quelqu'un d'autre. Donc il était tête basse, mais au moment où on m'a dit que je partirais dernier, Márquez a levé les yeux, il a regardé Alzamora [Rossi mime alors Márquez hochant la tête en souriant] comme pour dire 'on l'a fait'."

L'issue de ce championnat si troublé, tout le monde la connaît, ce fut un troisième titre MotoGP pour Jorge Lorenzo et une polémique qui allait durer des mois, si ce n'est des années. La manière dont l'Italien relate les faits aujourd'hui, avec près de dix ans de recul, ne fait que montrer si besoin était que la pilule n'est toujours pas passée et que le duel Rossi-Márquez restera à jamais ancré dans l'histoire comme l'une des rivalités les plus explosives du sport.

"Je dois dire que Marquez est un pilote très fort, hors catégorie", ajoute Rossi. "Il a toujours été plutôt borderline, très agressif. Mais cette fois-là, en 2015, il est vraiment allé au-delà. Parce qu'il y en a beaucoup qui sont comme ça, méchants dans le sport, agressifs, à la limite d'être sales, je pourrais donner beaucoup d'exemples, mais jamais personne parmi les grands pilotes en sports mécaniques ne s'est battu pour faire perdre un autre pilote. C'est ça qui marque la différence. [Ceux qui l'ont fait] l'ont fait pour eux-mêmes, ils ont été sales parce qu'ils voulaient gagner, être supérieurs. Mais jamais personne n'a été aussi sale [pour faire perdre un pilote en faveur d'un autre]."

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