Opinion

"Vraie" course ou pas : le débat suscité par la victoire de Viñales au sprint

Maverick Viñales a franchi une étape majeure dans sa carrière en remportant la course sprint du GP du Portugal. Cela pourrait même être considéré comme un événement historique pour le MotoGP puisque ce succès a fait apparaître une troisième marque à son palmarès, du jamais vu. Sauf que le règlement ne le voit pas exactement de cet œil-là.

Maverick Vinales, Aprilia Racing Team

Rappelez-vous du contexte : à l'aube de cette saison 2024, ils étaient trois pilotes à pouvoir entrer dans l'Histoire : Maverick Viñales, qui court pour Aprilia, Álex Rins, pilote Yamaha, et Jack Miller, pilote KTM. Tous ont déjà remporté des Grands Prix avec deux constructeurs : Viñales a gagné avec Suzuki et Yamaha, Rins avec Suzuki et Honda, et Miller avec Honda et Ducati. Une victoire avec leur marque actuelle ferait donc d'eux les premiers à s'imposer avec trois constructeurs différents dans l'ère MotoGP.

Jack Miller a bien failli franchir ce cap l'an dernier. Son premier succès remonte à ses premières années en MotoGP, lorsqu'il courait pour une équipe satellite Honda. Puis il a enrichi son palmarès pendant sa période dans l'équipe officielle Ducati, avant de rejoindre KTM l'an dernier. S'il a dans l'ensemble vu ses résultats reculer, il a néanmoins touché du doigt l'exploit lors du GP de Valence, en novembre dernier, avant de chuter alors qu'il menait la course.

Maverick Viñales, lui, a bel et bien gagné avec Aprilia, troisième marque figurant à présent à son palmarès. Sauf que les statistiques officielles ne le prennent pas en compte. Lorsque le format sprint a été introduit l'année dernière, il a en effet été clairement précisé que ces épreuves courtes seraient comptabilisées séparément des courses principales des Grands Prix. En matière de statistiques et de records, le sprint n'est pas une "course" de Grand Prix à proprement parler.

Depuis sa mise en place, certains restent réticents face au format sprint, qui jouit d'une couverture moindre dans la presse papier. Le championnat lui-même se refuse à parler de "course", justement pour ne pas créer de confusion dans les statistiques.

Maverick Vinales, Aprilia Racing Team

Maverick Viñales est-il bel et bien devenu le premier à gagner avec trois constructeurs différents en MotoGP ?

Photo : Gold and Goose / Motorsport Images

Seulement, nul ne peut ignorer que Maverick Viñales a bel et bien gagné cette épreuve au Portugal et lui-même l'a accueilli comme une victoire. Il faut dire que l'Espagnol ne s'était plus imposé depuis le GP du Qatar 2021, quelques semaines avant son départ brutal de Yamaha. Après plus de deux saisons d'adaptation à l'Aprilia, il a ce jour-là franchi une étape marquante dans son parcours.

Avec son équipe, il l'a célébré comme s'il s'agissait d'une victoire de Grand Prix, et peu importe ce qu'en diront les statistiques pour la postérité. D'ailleurs, à ses yeux, l'effort fourni est même plus important lors d'un sprint. "Au final, au sprint, on roule encore plus fort qu'en course !" a-t-il souligné sur le moment. "Normalement, c'est au sprint que j'ai le plus de mal, alors remporter une victoire au sprint, c'est extraordinaire."

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D'autres pilotes ont eu une vision différente après leurs victoires au sprint. Álex Márquez, qui s'est imposé dans cet exercice à Silverstone et à Sepang, expliquant l'an dernier à Motorsport.com que son succès du samedi au GP de Grande-Bretagne "était une belle victoire, mais [que] c'était une course sprint sur le mouillé", ce qui le rendait "réaliste". "Je ne dis pas 'j'ai gagné la course, je suis le meilleur'. Non, je sais que c'était une situation spéciale", ajoutait-il.

Alors, une victoire de sprint est-elle une vraie victoire ?

Comparer un succès au sprint avec les innombrables victoires en Grand Prix qui se sont jouées au cours de l'Histoire du championnat peut sembler quelque peu irrespectueux. Il s'agit ici d'être le meilleur sur ce que l'on peut considérer comme étant la moitié d'une course, et on peut estimer que cela n'est pas comparable avec ce qui se construit sur plus de 40 minutes de lutte.

Mais, alors, comment juger les Grands Prix qui se sont disputés sur des distances raccourcies ? La victoire de Jorge Martín au Grand Prix du Japon l'année dernière, dans une course marquée par un drapeau rouge après 13 tours, est-elle moins impressionnante que celle de Pecco Bagnaia sur une distance complète deux semaines plus tard en Indonésie, lorsqu'il a hérité de la tête après la chute de l'Espagnol ? Et comment classer dans ce cas le TT de l'Île de Man lorsqu'il figurait au calendrier entre 1949 et 1976 ?

Jorge Martin, Pramac Racing

Gagné par Jorge Martín, le GP du Japon 2023 a comptabilisé 12 tours, comme le sprint du GP du Portugal cette année.

Photo : Gold and Goose / Motorsport Images

Au final, ce sont les statistiques qui définissent ce qui est ou n'est pas considéré comme étant une vraie course, mais cela peut s'inscrire quelque peu en contradiction avec les efforts déployés pour gagner un sprint.

Si l'on prend l'exemple du championnat cousin qu'est le WorldSBK, un autre pilote y a remporté un premier succès marquant lors d'une course sprint. En l'occurrence, Toprak Razgatlioglu s'est imposé dans ce format le mois dernier à Barcelone, en recréant sur Nicolò Bulega le dépassement légendaire qu'avait réalisé Valentino Rossi sur Jorge Lorenzo dans le dernier virage de la piste espagnole au GP de Catalogne 2009. C'est de cette façon que le Turc a obtenu sa première victoire avec BMW, lui qui a quitté Yamaha cette année, et elle restera de toute évidence dans les mémoires comme l'une des plus belles courses du WorldSBK. Est-ce vraiment si important qu'elle n'ait duré que dix tours ?

La différence dans le championnat des dérivées de la série est que, lorsque ce format a été introduit en 2019, il était initialement prévu de comptabiliser séparément les victoires de ce sprint − qui porte le nom de Course Superpole − et des deux courses longues du week-end. Cette idée a toutefois été abandonnée après la première manche sous ce format et les courses de dix tours ont bel et bien intégré les livres de statistiques.

Peut-être est-il donc encore temps pour le MotoGP d'adopter ce principe et pour le monde d'accepter que lors d'une course, qu'elle dure cinq tours ou 50, les pilotes donnent de toute façon tout ce qu'ils ont, si bien qu'à leurs yeux, elles comptent autant les unes que les autres.

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