Pourquoi l'idée d'une BoP pour freiner Red Bull ne séduit pas
Le Grand Prix de Singapour devrait théoriquement constituer pour Red Bull le défi le plus difficile à relever jusqu'à présent en 2023, alors que le constructeur cherche à entrer dans l'Histoire de la Formule 1 en remportant toutes les courses cette saison. De quoi poser la question de la mise en place d'une Balance de Performance.
Les travaux de construction dans le dernier secteur du circuit urbain de Marina Bay impliquent la suppression de quatre virages à 90° typiques. À la place, une ligne droite arrière plus longue permettra d'alléger la pression sur les pneus. Cela pourrait ouvrir la porte à Ferrari lors des qualifications.
La limitation attendue de l'efficacité du DRS ralentira alors la remontée de Red Bull si Max Verstappen ou Sergio Pérez manquent la pole position. Et la RB19 n'a jamais vraiment excellé sur les bosses et les vibreurs qui pimentent une piste urbaine.
Mais les concurrents de Red Bull n'auraient peut-être pas besoin d'attendre la 15e des 22 manches de la saison pour mettre fin à une série de victoires en sprint et en course qui a débuté à Abu Dhabi l'année dernière. La compétition serait beaucoup plus disputée si la Balance de Performance (BoP) était une caractéristique de la catégorie reine.
Étant donné que Red Bull est occupé à maintenir un bilan de 100% – et la perspective de voir le règlement largement inchangé jusqu'en 2026 semble indiquer que le monopole de Milton Keynes durera encore deux saisons – le sujet de la BoP en F1 a récemment refait surface.
Très répandues dans les courses d'Endurance et de GT, les mesures d'égalisation des performances visent à compenser les disparités entre les concurrents. En modifiant la puissance du turbo, l'écurie Alpine pourrait rattraper le déficit de 30 chevaux qu'elle accuse d'être à l'origine de sa mauvaise campagne. Mercedes pourrait tenter de résoudre les problèmes liés à l'instabilité de l'arrière de la voiture en ayant plus de liberté pour positionner le lest. Williams pourrait espérer que ses concurrents soient freinés au niveau de l'aérodynamique afin de réduire son déficit en matière d'appui.
Dans les catégories du Championnat du monde d'Endurance et de l'IMSA, ainsi que dans les compétitions de tourisme, la BoP permet aux voitures à moteur avant, central ou arrière, à traction avant ou arrière, aux V8 et aux V6 de se mesurer les uns aux autres. Cela encourage la participation des constructeurs, puisqu'une BMW M4 peut se battre avec une Lamborghini Huracán.
Mais pour la F1, l'adoption de la BoP ne viserait qu'à créer des courses plus disputées afin d'améliorer le spectacle. La lutte acharnée entre Red Bull et Ferrari au début de l'année 2022 semble être un luxe qui n'existe plus depuis longtemps. Une lutte pour le titre de champion F1 entre trois, voire quatre équipes, ressemblerait à un problème de riche.
La BoP est un élément clé du Championnat du monde d'Endurance.
Pourtant, lorsque la perspective d'un coup de pouce est présentée, aucune équipe ne semble enthousiaste. Même en cette période de boom commercial soulignée par la popularité de la série Netflix "Drive To Survive", les équipes préfèrent que le spectacle en piste soit moins bon et que le nombre de spectateurs soit mis en péril, tant que le caractère sacré de la F1 en tant que méritocratie sportive est préservé.
Frédéric Vasseur, le patron de Ferrari, résume bien ce sentiment lorsqu'une intervention de la FIA et de la FOM est suggérée pour ralentir Red Bull. "Je ne suis pas un grand fan de la Balance de Performance ou de tout autre artifice de ce genre. Ce n'est pas du tout l'ADN de la Formule 1. Et en plus, nous avons déjà l'allocation [de temps passé] en soufflerie, avec une sorte d'équilibre, pas la Balance de Performance mais l'équilibre de l'allocation, et c'est suffisant."
L'une des raisons pour lesquelles Vasseur et ses collègues directeurs d'écurie ont trouvé une occasion de se mettre d'accord est que l'équilibre du paddock s'est déplacé vers les ingénieurs. Malgré les succès remportés par Mercedes et Red Bull sous la direction de Toto Wolff et Christian Horner, ces deux-là sont l'exception plutôt que la règle.
Voyez la promotion d'Andrea Stella par McLaren, le débauchage de James Vowles par Williams et le choix de Mike Krack par Aston Martin. Le nouveau modèle consiste à confier les rênes des structures aux ingénieurs. Ces derniers aiment relever le défi de combler un écart selon leurs propres conditions et la BoP va résolument à l'encontre de ce principe.
Comme le souligne Vasseur, ce n'est pas comme si la BoP était un concept totalement étranger à la F1. C'est plutôt qu'il n'y a pas de place pour quelque chose d'aussi flagrant que l'installation de restricteurs pour les moteurs et de lest. Déjà, le plafond budgétaire et les restrictions sur les essais aérodynamiques qui limitent la quantité de tests en soufflerie et en CFD que les équipes peuvent réaliser servent un objectif similaire. À défaut de pouvoir se concrétiser du jour au lendemain, ces mesures doivent permettre d'ouvrir la porte vers la convergence.
Fernando Alonso, Aston Martin AMR23
La percée d'Aston Martin entre 2022 et 2023 et les progrès réalisés par McLaren en cours de saison prouvent que la hiérarchie n'est pas figée. L'écurie Red Bull semble hors d'atteinte parce qu'elle a démarré la nouvelle ère de l'effet de sol avec le concept optimal et qu'elle a eu deux ans pour le faire évoluer. Les autres doivent rattraper leur retard et ont dû, au moins en partie, revoir leur architecture.
Red Bull insiste sur l'idée que la RB19 n'est pas faite de la même étoffe que la Lotus 72, une véritable pionnière, et qu'elle ne servira donc pas de modèle pour le design des voitures pour les générations à venir. Il s'agit plutôt d'une voiture "touche-à-tout". L'ingénieur en chef Paul Monaghan résume cet aspect en ces termes : "Ses faiblesses sont moindres que celles de nos rivaux... Actuellement, toutes les planètes sont alignées."
L'équipe est également surprise qu'il ait fallu autant de temps à une équipe rivale, en l'occurrence McLaren, pour imiter son puissant effet DRS, obtenu en combinant un aileron arrière à forte traînée avec un beam wing spécifique à plus faible traînée.
Cette situation illustre le fait que neuf équipes ont en quelque sorte loupé le coche tout en permettant à Red Bull récolter les succès actuels. Le reste du peloton ne cherche pas, par exemple, à concevoir sa propre version du double diffuseur qui change la donne, comme lors des premières courses de 2009. Red Bull a démarré l'ère de l'effet de sol sur les chapeaux de roue et est resté en tête grâce à des améliorations constantes.
Il est à craindre que, après avoir évité le pire avec la pénalité de 10% ajoutée aux restrictions aéro pour avoir dépassé le plafond budgétaire 2021, Red Bull continue à faire évoluer son concept et reste ainsi largement imbattable. Mais si c'est ce que le peloton préfère : laissez faire, ne mettez pas de BoP.
Stella conclut ainsi : "Nous ne voulons pas d'aide. Nous voulons combler le fossé par nos propres moyens. Et nous aimons ce défi. Et c'est ce que nous voulons pour les deux prochaines années."
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