Pourquoi Viry veut sauver un moteur Renault 2026 déjà vu comme un "franc succès"

Dans leur prise de parole sur fond de projet d'abandonner la conception d'un moteur F1 pour 2026, les salariés d'Alpine au département moteur de Renault à Viry-Châtillon ont publiquement dévoilé des chiffres "prometteurs" sur la première version de l'unité de puissance de prochaine génération sur laquelle ils travaillent depuis 2022.

Pierre Gasly, Alpine A524

Avenir de Viry-Châtillon

Le programme de motorisation F1 2026 d'Alpine à Viry-Châtillon est menacé d'abandon par le Groupe Renault, qui pourrait se tourner vers une unité de puissance cliente fournie par Mercedes.

En prenant la parole publiquement en cette fin de semaine, les employés d'Alpine à l'usine moteur de Renault, à Viry-Châtillon, ont définitivement mis un coup de pied dans la fourmilière. Depuis les toutes premières informations relayées par Motorsport.com à la mi-juin concernant le projet d'abandonner la conception d'un moteur maison au profit d'une fourniture cliente, de vives inquiétudes se sont faites jour du côté du département responsable de la conception et de la fabrication des unités de puissance françaises.

Outre la mise en cause forte de Luca de Meo, l'actuel PDG du Groupe Renault que nous avons relayée ce vendredi, à qui il est reproché de vouloir "tuer cette entité d'élite qu'est le site de Viry-Châtillon et trahir sa légende et son ADN en greffant un cœur Mercedes dans [la] F1 Alpine" et à qui il est demandé de renoncer au projet d'abandon de la conception moteur, le plaidoyer du Conseil social et économique (CSE) d'Alpine tient à mettre l'accent sur l'important travail déjà effectué sur l'unité de puissance 2026.

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En dehors de l'aspect châssis, la saison 2026 marquera en effet un tournant dans l'ère des moteurs turbo hybrides débutée en 2014 puisqu'ils feront désormais la part belle à une puissance venant à parts égales des parties thermique et électrique, tout en signant l'arrêt de mort du complexe MGU-H. Une refonte s'appuyant en partie sur les bases posées ces dernières années et qui était vue comme un moyen pour Renault, dont le moteur actuel est considéré comme le moins performant de la grille actuel, de retrouver les sommets.

"Côté Viry, le Power Unit (dénommé PU) souffre d'un déficit de performance dû à une mauvaise anticipation du changement de la réglementation technique de 2014, avec le passage au PU V6 hybride", expliquent ainsi les représentants du personnel. "Depuis 2022, l'écart imputé à l'unité de puissance s'évalue à 20% du déficit total de la monoplace. Le reste incombe au châssis d'Enstone qui peine à se structurer, en proie à des changements de direction successifs."

Tout en pointant un gel des moteurs actuels pour la période 2022-2025 décidé par les motoristes (dont Renault) sur proposition de Red Bull, "privant ainsi Viry de combler son léger déficit" (on se souvient d'ailleurs que l'an passé, l'idée avait été évoquée de tenter un rééquilibrage en faveur de Renault, avant d'être abandonnée), le CSE a choisi de mettre en avant les chiffres des travaux menés depuis 2022 sur la prochaine génération de moteurs que la marque au losange est selon toute vraisemblance en passe d'abandonner.

"Depuis 2022, l'ambition du site de Viry-Châtillon est affichée. Les quelques 500 employés et prestataires ont pour objectif de développer un moteur, né sous le signe de la rupture technologique", rappelle le communiqué. "Les objectifs performances sont ambitieux et le plan développement agressif, une nécessité pour mener Alpine F1 Team vers le haut du classement de la compétition dès 2026."

Puis les salariés entrent dans les détails : "Plus d'une centaine de concepts en rupture ont été étudiés dont près d'un tiers ont démontré un intérêt de performance sur banc système et devraient être introduits sur le futur moteur Alpine : l'AR26."

"La cible était de démarrer le premier moteur Alpine 2026 à la fin du premier semestre 2024, soit un an et demi après la genèse du projet. Le 26 juin 2024, le RE26A, nom donné à la première version 'usine' de l'AR26, a réalisé son premier démarrage au banc moteur n°6 de Viry-Châtillon signant ainsi un succès quant au délai ciblé."

Le RE26A est perçu par l'ensemble des équipes de Viry-Châtillon comme un franc succès, un moteur bien né, avec un potentiel affirmé, à un an et demi de la première course, de porter haut les ambitions d'Alpine.

Au-delà des délais tenus pour cette unité de puissance (avec un démarrage intervenant d'ailleurs une dizaine de jours après les premières rumeurs d'abandon du projet), les données récoltées sont jugées "prometteuses" et la première mouture du moteur qualifiée de "franc succès", accentuant donc l'incompréhension des salariés face au projet de tirer un trait pur et simple sur ces travaux : "Sur ce premier moteur, près d'un tiers des concepts performance, validés au préalable sur banc système, sont encore absents, prévus pour introduction avant la fin d'année 2024."

"Cependant les premiers résultats d'essais sont prometteurs :

  • Le PU dépasse les 400kW de performance dès les premières heures de fonctionnement, pour approcher de près l'objectif performance attendu pour la première course de 2026.
  • Le rendement démontré dépasse les 48%.
  • L'accent fut aussi mis sur les enjeux d'intégration et les gains d'encombrement sont significatifs : longueur globale PU réduite de 12% offrant une marge conséquente de développement pour l'intégration châssis.
  • Le PU est en deçà de la masse mini et sera ballasté [lesté] pour respecter les contraintes réglementaires.
  • Aucune défaillance de fiabilité critique n'a été signalée."

"Le RE26A est perçu par l'ensemble des équipes de Viry-Châtillon comme un franc succès, un moteur bien né, avec un potentiel affirmé, à un an et demi de la première course, de porter haut les ambitions d'Alpine F1 Team."

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Outre la question de l'économie des dépenses, le communiqué estimant qu'en allant chercher une motorisation cliente au lieu de développer son propre moteur, Alpine réduirait les coûts associés à la motorisation "de 120 M$ à 17 M$", le CSE estime que l'abandon du projet porterait un coup définitif à la F1 à la française dont Viry-Châtillon est aujourd'hui le dernier étendard.

"L'arrêt du programme Power-Unit F1 2026 à Viry résonne comme un arrêt définitif des activités F1 en France, laissant la part belle aux Anglais, aux Italiens, aux Allemands, aux Suisses, aux Japonais et aux Américains", ajoute le communiqué des salariés, avant de prévenir : "Ultérieurement, la barrière technologique sera trop haute à reconquérir, les compétences seront disséminées, les investissements initiaux trop coûteux pour imaginer un retour dans la discipline."

"À titre de comparaison, Audi investit 1,3 milliard de dollars pour mettre en place son écurie d'usine, sans garantie d'être au niveau des quatre motoristes historiques (Mercedes, Ferrari, Alpine-Renault et Honda). Cette somme apparaît comme hors de portée des constructeurs français, alors en proie à des challenges gigantesques sur le marché des véhicules électriques…"

"La fin de l'engagement de Viry résonne plus loin que le changement d'activité des quelques centaines d'ingénieurs et techniciens du site et de l'ensemble de leurs partenaires industriels. Ses équipes développent l'un des quatre moteurs les plus efficients au monde. Les voitures de Formule 1 représentent l'un des plus grands accomplissements technologiques, à l'image d'Ariane, du Concorde, du TGV, des centrales nucléaires. La France en est capable à Viry-Châtillon."

La victoire d'Esteban Ocon au GP de Hongrie 2021, la seule pour l'écurie Alpine depuis le changement d'identité de l'écurie.

La victoire d'Esteban Ocon au GP de Hongrie 2021, la seule pour l'écurie Alpine depuis le changement d'identité de l'écurie.

"La Formule 1, avec des audiences annuelles de 1,5 milliard de téléspectateurs, notamment via le Grand Prix de Monaco, dixième évènement sportif le plus suivi au monde, fait résonner le savoir-faire et l'excellence française. La Formule 1 est la plus grande compétition automobile au monde, et elle se regarde en famille, entre amis, devant la télévision ou aux abords des circuits. Cet exploit nous le partageons 24 week-ends par an, à travers le monde entier, pour montrer que la France en est capable. Que l'on soit sensible ou non aux sports mécaniques, ces monoplaces qui s'affrontent sur les circuits écrivent Grand Prix après Grand Prix un morceau de notre histoire sportive nationale."

"De manière plus prosaïque, notre engagement en Formule 1 démontre l'excellence française, supporte le développement économique de l'industrie automobile, et nous permet parfois d'être à l'avant-garde des technologies qui se retrouvent sur nos routes."

"Le site de Viry, à travers ses projets de haute complexité technologique, catalyse plus largement le développement d'un parc de près de 300 partenaires techniques, dont 60% sont français, pour un engagement de près de 100 millions d'euros chaque année. Enfin, en tant que centre R&D de pointe, il demeure acteur clé d'un maillage collaboratif d'ordre national sollicitant, parmi d'autres, Airbus, Safran, Arianespace et laboratoires de recherche publiques."

Alpine a refusé de commenter ce sujet, mais il est entendu que les représentants du personnel de Viry ont exercé leur droit de demander une expertise sur les futurs projets en cours de planification. Il est entendu que ces informations seront communiquées le 30 septembre. Par ailleurs, Alpine n'a pas encore pris de décision définitive concernant le projet de transformation de Viry.

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