Ducati n'a pas digéré la limitation du variateur de hauteur
L'agacement perdure chez Ducati au sujet de l'interdiction partielle du variateur d'assiette qui entrera en vigueur la saison prochaine. Plusieurs mois après le vote, les cinq constructeurs ayant appuyé cette décision n'ont pas réussi à convaincre Borgo Panigale du bienfondé de cette limitation.
Six mois après la décision officielle, Ducati a toujours du mal à digérer l'interdiction partielle des variateurs de hauteur qui prendra effet la saison prochaine. En mars, la Commission Grand Prix avait statué sur le fait que "l'utilisation de tout dispositif qui modifie ou ajuste la hauteur de la roue avant [serait] interdite [en 2023]", exclusion faite des "dispositifs ne fonctionnant qu'une seule fois au départ", qui resteront autorisés. De fait, cela privera Ducati de la dernière étape en date du développement mené sur le holeshot device, un dispositif apparu en 2018 à l'arrière des machines pour une utilisation initiale au départ des courses, puis qui s'est étendu pour devenir un correcteur d'assiette pouvant fonctionner au départ comme durant le tour, à l'arrière mais aussi à l'avant.
Interrogé jeudi sur les limites posées à l'utilisation de cette technologie durant une conférence de presse organisée à la veille du Grand Prix d'Aragón, Davide Barana, directeur technique de Ducati Corse, n'a pas caché son agacement, pointant ce qui a selon lui été un manque de sportivité des marques concurrentes pour unanimement appuyer cette décision.
"Nous avons été les premiers à introduire le premier système, pour la procédure de départ, et les autres ont suivi. Nous avons développé la deuxième étape du système, à l'arrière, le système dynamique qui permet d'abaisser la moto pendant qu'elle opère, et les autres ont suivi. L'étape suivante a été d'étendre ses capacités à l'avant de la moto, et à un moment donné quelqu'un est arrivé avec la proposition d'interdire ce genre de dispositifs", a relaté Davide Barana.
"Il était clair que ce dispositif était déjà utilisé par un constructeur, Ducati. À un moment donné, Ducati a dit aux autres constructeurs 'hey, nous utilisons ce genre de dispositif que vous allez interdire !', or cinq constructeurs sur six ont décidé de l'interdire − vous pouvez imaginer qui sont les cinq et qui est le sixième", a-t-il ajouté.
"Les cinq constructeurs ont simplement exercé leurs droits, tout était conforme aux règles, ils n'ont rien volé. Mais si j'observe cette histoire, je peux dire que cela n'a pas été une très belle manifestation d'équité, pas du tout, parce qu'au lieu d'essayer de combler son retard en développant sa moto, il est beaucoup plus facile d'interdire quelque chose que seul un [constructeur] a. C'est mon point de vue", a tranché l'ingénieur italien.
Cela n'a pas été une très belle manifestation d'équité, pas du tout. Au lieu d'essayer de combler son retard en développant sa moto, il est beaucoup plus facile d'interdire quelque chose que seul un [constructeur] a.
Davide Barana, directeur technique Ducati Corse
Aucun intérêt commercial pour les autres marques
Présents aux côtés de leur homologue durant cette conférence de presse, les responsables techniques des autres marques ont défendu leur position. Certains ont avant tout mis en avant le fait que la proposition avait émané des instances du championnat, à l'instar de Yamaha dont le directeur de projet, Kazutoshi Seki, a déclaré : "Cette requête est venue de l'organisateur, puis tous les constructeurs ont été consultés et nous avons été d'accord avec cette proposition." Takeo Yokoyama, directeur technique du HRC, a renchéri sur ce point, ajoutant qu'à ses yeux la discussion avait été "équitable" entre les six constructeurs présents à la MSMA lorsque "le sujet a été mis sur la table par l'organisateur".
Mais ce que la concurrence de Ducati a surtout voulu pointer, c'est le manque d'intérêt de tels développements dans la production de motos, et donc un coût disproportionné par rapport à la raison d'être de leur engagement en MotoGP. C'est précisément ce qu'avait souligné le directeur technique du championnat, en évoquant le fait que la dernière évolution introduite par Borgo Panigale représentait "peut-être un cran de trop dans le développement et les dépenses".
"Chez Honda, nous avons fait des études et compris que cela n'allait pas être introduit sur les motos de route à l'avenir, ce qui est en fait l'une des raisons pour lesquelles le HRC est présent en course", a ainsi souligné Takeo Yokoyama, "donc en ce qui nous concerne, nous avons décidé de voter en faveur d'une interdiction, comme cela a été proposé par l'organisateur. À ce moment-là, c'était cinq contre un donc c'était décidé. Je pense que la manière dont la procédure s'est déroulée a été juste. En tant que Honda, nous nous en tenons toujours à notre philosophie et l'une d'elles est [de se demander] s'il sera possible de l'intégrer aux motos de route ou pas. C'est tout."
Jack Miller sur la Ducati pendant les essais d'intersaison
"Notre point de vue sur ces dispositifs, c'est [qu'il faudrait] tous les bannir si possible, et dès que possible. C'est juste une complication, quelque chose qui n'atteindra jamais la production", a également argumenté Romano Albesiano, directeur technique d'Aprilia Racing. "Nous avons été le premier constructeur à introduire le holeshot device à l'avant, pour le départ uniquement, mais notre philosophie est d'éviter ce genre de développement qui n'est pas utile pour les motos de série."
Sebastian Risse, directeur technique de KTM, a ajouté un autre argument en faveur de cette limitation, celui de la sécurité, que plusieurs pilotes avaient mentionné avant cette décision. "Nous sommes de plus en plus rapides, nous en arrivons à un point où la sécurité est une grande inquiétude et nous voyons qu'il y a une corrélation entre des technologies comme celle-ci et l'aérodynamique. Pour cette raison, nous avons opté de bannir ce que nous pouvions bannir", a-t-il ainsi expliqué.
Si les autres marques s'étaient alignées sur l'utilisation du holeshot device et l'extension progressive de ce système, Ducati en était bel et bien l'instigateur et avait encore franchi un cap en dévoilant pendant les essais d'intersaison, en début d'année, son ultime évolution du dispositif, celle qui allait par la suite entraîner la limite votée en mars. L'application de cette interdiction partielle n'étant prévue que pour 2023, le constructeur de Borgo Panigale aura donc pu en jouir cette saison, preuve selon Sebastian Risse d'une certaine équité dans la résolution du sujet.
"Nous comprenons que d'un point de vue sportif, c'est difficile quand une technologie est déjà en place", a souligné le responsable technique de KTM. "Quand ce sujet a été abordé au début, je pense que les personnes qui l'ont fait n'étaient pas au courant, mais nous devions aussi trouver une solution pour donner à Ducati le temps d'en tirer un avantage avant qu'il soit interdit et je pense que nous avons au final trouvé une solution équitable pour cette situation."
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