Les leçons à tirer d'un GP d'Inde extrême pour les pilotes
La première édition du Grand Prix d'Inde a mis les organismes à rude épreuve et certains pilotes se sont trouvés à la limite physiquement, avec notamment un impressionnant coup de chaud pour Jorge Martín. Faut-il réduire les courses ou modifier le calendrier ? La discussion est ouverte.
Après la Malaisie, l'arrivée de la Thaïlande il y a cinq ans, puis de l'Indonésie l'année dernière et désormais de l'Inde au calendrier MotoGP confronte les pilotes à de nouvelles épreuves qui peuvent tourner à un défi physique compte tenu de la météo locale. Malgré des averses orageuses pendant le week-end, le premier déplacement à Buddh s'est révélé particulièrement extrême pour les organismes, plusieurs pilotes apparaissant véritablement en souffrance dans une forte chaleur doublée d'une humidité très élevée.
Avant l'arrivée sur place, les pilotes s'inquiétaient de la configuration de la piste, mais lorsqu'ils ont découvert les lieux, ce sont plutôt les conditions climatiques qui les ont alertés. Dès les premiers essais, plusieurs d'entre eux ont dit ressentir des brûlures, notamment au niveau de la gorge, gênés par la bulle d'air bouillant dans laquelle ils se trouvaient sur leur machine.
"On a placé un capteur sur le réservoir, il est [au niveau de] là où on respire en ligne droite et il y avait quelque chose comme 65°C. Donc au-delà de la température et de l'humidité qui nous entourent, l'air arrive sur notre corps à plus de 60°C. Imaginez à quel point c'est dur !" a décrit Pol Espargaró à l'issue du week-end.
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Aussi, lors de la réunion de la Commission de sécurité, vendredi soir, ils ont demandé et obtenu la réduction des courses. En MotoGP, l'épreuve de dimanche est passée de 24 à 21 tours, ce qui n'a pas empêché certains de terminer à bout de forces.
Pour Pol Espargaró, cette précaution était donc absolument nécessaire. "On a dit qu'il était très important pour nous de réduire la course", a-t-il expliqué, "d'autant que c'était l'une des plus longues du calendrier. À Barcelone, on a fait la course en 38 minutes, et ici ça aurait été environ 42 minutes et demie. Je crois donc que ça aurait été la course la plus longue du calendrier, alors ajouté à la chaleur et à une forte humidité, je pense que ça aurait été trop. On a donc parlé [aux responsables du] championnat et c'était une bonne idée. On a vu comment les pilotes ont terminé et je peux vous dire que c'était super compliqué de finir la course."
Jorge Martín, qui n'avait pas ménagé ses efforts en piste pour se battre contre Pecco Bagnaia ou contre la fermeture éclair de sa combinaison, a souffert de déshydratation. Pris en charge par le médecin dans le parc fermé, il a ensuite dû passer par le centre médical et s'est vite requinqué. Mais alors qu'il a indiqué avoir eu des troubles de la vision dans les derniers tours, on peut s'interroger sur l'état qui aurait été le sien si la course avait couvert la distance prévue.
"Je ne crois pas que ce soit une question de préparation. Je crois plutôt que mon corps n'a pas retenu ce qu'il devait retenir. La nutrition, j'y fais attention au 'millimètre' près, et je fais aussi attention à mon hydratation, alors je ne sais pas ce qui m'est arrivé", a expliqué Martín à DAZN, comparant son état à "un coup de massue" similaire à la fringale des cyclistes : "On ne peut plus rien faire."
"Réduire [la course] de trois tours était une bonne chose", a témoigné son coéquipier Johann Zarco, lui aussi éprouvé. "On aurait pu faire trois tours de plus, mais à un rythme différent. C'était bien que ce soit comme ça. Ça fait partie du spectacle mais parfois, on se demande pourquoi on roule sous ces températures parce que c'est dur pour le corps."
Diminué physiquement par son grave accident du mois de mars, Pol Espargaró a lui aussi touché ses limites, témoignant d'un rythme cardiaque plus élevé que jamais et de l'obligation de réduire sa vitesse pour voir l'arrivée.
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D'autres l'ont au contraire bien vécu, à l'image de Marc Márquez. "Pour moi, même si la course avait été plus longue de quatre tours, ça aurait été", a fait savoir le pilote Honda. "Je sais que certains pilotes ont souffert plus que d'habitude, mais normalement dans les conditions chaudes je ne souffre jamais. Il est vrai qu'après ma chute, [je n'étais] pas à 100% car j'essayais de comprendre où était la limite du pneu arrière et celle de ma condition physique. Sur ce genre de piste, on ne peut pas surpiloter, en faire plus que ce qu'on ressent. J'ai eu plus de difficulté avec mon bras droit, un peu d'arm-pump, mais tout était acceptable. Je n'ai en tout cas pas souffert de la chaleur."
Un voyage en Inde décalé en 2024 ?
Pour cette première édition, le GP d'Inde avait été placé bien après la saison sèche, qui est aussi la plus chaude et couvre généralement les mois d'avril à juin. Pour autant, et malgré le léger soulagement apporté par la pluie, il a fallu faire face à des températures systématiquement au-dessus de 30°C sur le thermomètre et dépassant, parfois nettement, les 40°C ressentis. Pour la saison prochaine, il se pourrait que ce Grand Prix soit déplacé au début du mois d'octobre, afin de rechercher des conditions un peu moins éprouvantes.
"Il serait très facile de modifier un peu le calendrier pour venir à une période où les conditions météo seraient meilleures. Ce serait super et c'est possible, donc il faut qu'on y réfléchisse un peu", a estimé Pol Espargaró. "On n'affronte pas de conditions aussi extrêmes ailleurs. Ce serait bien [...] de venir ici à une autre période de l'année. Mais il est clair que si on devait rencontrer ces conditions ailleurs, comme par exemple en Malaisie, on serait contents de réduire la distance."
Certains pilotes ont utilisé des gilets réfrigérants pour faire baisser la température corporelle.
"Ce sera la même chose en Malaisie et en Indonésie, en Thaïlande aussi", a prévenu Zarco, en évoquant les Grands Prix prévus entre mi-octobre et mi-novembre. "L'an dernier, en Indonésie après le warm-up, je me souviens que je m'inquiétais un peu du déroulement de la course. Heureusement, on avait eu de la pluie, et en Thaïlande aussi. Pour les prochaines courses dans ces pays, j'aimerais rouler sous la pluie parce qu'on prend plus de plaisir et que c'est moins exigeant pour le corps."
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Au-delà d'un éventuel changement de date, Pol Espargaró en appelle à une réflexion sur les conditions dans lesquelles se disputent les épreuves sous ces latitudes, à une époque où certains sports ont adopté des procédures de précaution lors des canicules, comme les pauses fraîcheur au football et au rugby. Il est bien entendu impossible d'interrompre une course MotoGP pour que les pilotes se rafraîchissent, néanmoins des solutions devront être étudiées pour qu'ils ne soient pas à ce point éprouvés par les conditions.
"Ce serait super", a anticipé le pilote Tech3, selon qui la question sera abordée dès cette semaine, lors de la Commission de sécurité du GP du Japon. "C'est difficile, d'autant qu'il faut qu'on compose avec ce que j'ai dit avant, c'est-à-dire que la moto est une machine qui devient super chaude et que cette chaleur nous arrive dessus. Il n'y a pas que la température ambiante. On est jeunes, on est des athlètes, mais ce genre de températures dépasse quelque peu la limite."
À Motegi, cette semaine, les conditions devraient être bien plus respirables malgré 30°C annoncés pour la journée de vendredi. Cette chaleur initiale y sera bien plus supportable qu'en Inde, puis des averses devraient faire baisser le mercure au cours du week-end.
Avec Vincent Lalanne-Sicaud
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