Pourquoi les F1 sont tout à coup si difficiles à équilibrer
Les écuries de Formule 1 sont de plus en plus confrontées à des problèmes d'équilibre de leurs monoplaces, les limites des voitures à effet de sol actuelles étant atteintes.
Dans une année où tant d'équipes de Formule 1 ont rencontré différents problèmes liés aux évolutions, il y a un sujet commun entre : les tracas liés à l'équilibre des monoplaces.
De Max Verstappen qui se plaint d'une RB20 transformée en "monstre", au retour des rebonds à haute vitesse chez Ferrari, en passant par des Mercedes qui deviennent nerveuses en qualifications et des Aston Martin qui perdent un peu le nord, chaque équipe a connu un scénario presque identique. À savoir la mise en place d'une évolution qui apporte plus d'appui, mais qui a pour effet secondaire de modifier le comportement de la voiture, ce qui la rend encore plus difficile à piloter.
Ce n'est pas une coïncidence si tant d'équipes ont été frappées par ce phénomène, car les performances supplémentaires apportées cette année ont mis en évidence certains défis techniques inhérents aux actuelles F1 à effet de sol.
Au centre de tout cela, il y a la façon dont deux facteurs de performance dominent le comportement des monoplaces : il s'agit des différents niveaux d'appui produits à différentes vitesses lorsque la voiture est poussée plus près du sol et de la façon dont les températures des pneus sont influencées tout au long du tour. Ces deux éléments sont dynamiques et obligent les équipes à rechercher le moins mauvais compromis possible plutôt qu'une solution parfaite.
C'est quelque chose que l'on sait depuis un certain temps, le directeur technique de Mercedes, James Allison, s'étant exprimé en fin d'année dernière sur les problèmes que rencontraient les équipes pour faire en sorte que les voitures actuelles produisent de l'appui au moment où il est le plus nécessaire.
"Il y a une sorte de difficulté fondamentale dans cette réglementation qui veut que la voiture génère de plus en plus d'appui au fur et à mesure qu'elle s'abaisse", avait-il déclaré. "Cela n'est pas sans limite, car il ne faut pas qu'elle s'aimante au sol en bout de ligne droite, parce qu'en bout de ligne droite, on ne va normalement pas pouvoir tourner."
"Si c'est là que se trouve l'appui maximal, cela ne fait que générer de la traînée. Pour faire face à la charge que cela crée en bout de ligne droite, il faut donc des amortisseurs rigides ou des hauteurs de caisse plus élevées."
"Si l'on a une hauteur de caisse plus élevée, cela signifie que l'on ne se trouvera pas dans la zone où se trouve l'appui. Il faut donc des amortisseurs rigides. Ainsi, avec ces voitures, il y a une sorte de trésor en termes d'appui aérodynamique à trouver près du sol, et l'on peut en trouver beaucoup à cet endroit. Mais il faut aussi survivre à la fin de la ligne droite."
Sergio Perez, Red Bull Racing RB20
Photo de: Red Bull Content Pool
"Il y a donc une sorte de limite à la hauteur de caisse que cette fin de ligne droite engendre et qui pénalise à basse vitesse. Il arrive un moment où l'on ne peut plus supporter la charge en bout de ligne droite sans se pénaliser à basse vitesse, à tel point que cela ne sert plus à rien d'avoir cet appui en bout de ligne droite."
"Tout le monde essaie de faire en sorte qu'au bout de la ligne droite, il n'y ait pas autant d'appui, mais qu'en même temps, il y en ait aussi, parce que les virages rapides sont proches de ce bout de la ligne droite. Ensuite, il faut également en maintenir suffisamment pour les virages lents, malgré le fait que la voiture veuille perdre tout son appui lorsqu'elle s'éloigne du sol."
"C'est là tout le défi. Je ne dis rien que chaque personne présente dans la voie des stands ne soit en train de combattre."
La transition de l'appui
Les équipes semblent toutefois avoir plus de mal avec ces compromis cette année. Luca Furbatto, directeur de l'ingénierie d'Aston Martin, suggère que ce qui arrive aux monoplaces en ce moment est assez simple à expliquer, mais incroyablement complexe à maîtriser.
S'exprimant sur les problèmes d'équilibre qui sont devenus un sujet brûlant en F1, Furbatto a ainsi déclaré : "C'est un problème qui nous concerne, mais en écoutant les radios des équipes, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'un problème assez général. Le problème, c'est la difficulté de ces voitures à tourner dans la phase d'entrée de virage."
"Disons que la plateforme aérodynamique aide à trouver de la charge sur l'arrière, au détriment de l'avant, pendant les différentes phases du virage. On peut donc passer d'une voiture neutre en entrée qui devient sous-vireuse avant la corde et qui devient très survireuse en sortie. Cette transition, qui par le passé n'était jamais aussi extrême, devient de plus en plus claire [aujourd'hui] parce que ces F1 atteignent des valeurs [d'appui] très élevées."
Selon Furbatto, les équipes ont ajouté environ 45% d'appui supplémentaire depuis l'introduction des nouvelles F1 à effet de sol au début de l'année 2022. Cela signifie que les écuries doivent constamment être sur la corde raide en essayant d'apporter plus de performance sans tomber dans le piège et ouvrir la voie à un monde de problèmes liés au marsouinage.
"Si l'on réduit un peu le rebond parce que l'on parvient à obtenir un flux d'air correct sous la voiture, il devient alors naturel d'essayer d'apporter une évolution qui augmente un peu la charge, et alors le marsouinage revient. Plus on pousse cette réglementation, plus il y a de risques de voir apparaître des rebonds."
Les pilotes, même s'ils ne le disent pas publiquement, se plaignent du marsouinage et plusieurs d'entre eux se plaignent de maux de dos.
"C'est un phénomène auquel nous devrons faire face jusqu'à la fin 2025, et je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous prendrons une autre voie en 2026. Après tout, les pilotes, même s'ils ne le disent pas publiquement, se plaignent du marsouinage et plusieurs d'entre eux se plaignent de maux de dos. Je pense qu'il s'agit d'un élément du règlement qui doit être traité."
Cependant, pour réaliser un tour parfait, il ne suffit pas de s'attaquer à la question de l'appui aérodynamique, car le comportement des pneumatiques est tout aussi important. Et en termes simples, si un train chauffe plus que l'autre, c'est la porte ouverte à toutes sortes de problèmes, qu'il s'agisse de sous-virage ou de survirage excessif.
Furbatto d'ajouter : "Outre le changement de comportement de la voiture lorsque les forces aérodynamiques la soulèvent et l'abaissent, la façon dont l'adhérence des pneus fluctue a également de l'importance. Ce n'est pas une coïncidence si, à Monza, la préparation lors des tours de sortie [des stands] a été très différente au cours des qualifications. On essaie d'amener les pneus à certaines températures pour tenter de masquer les problèmes d'équilibre qui, en qualifications, peuvent être plus graves qu'en course."
Lewis Hamilton, Mercedes F1 W15
Photo de: Sam Bagnall / Motorsport Images
Le problème de l'aileron avant
S'il est si difficile de trouver des solutions au problème courant de l'équilibre des voitures, c'est parce que les zones dans lesquelles les performances peuvent être influencées ont beaucoup changé, le plancher étant désormais l'élément le plus important de tous. Alors que par le passé, les équipes pouvaient davantage utiliser l'aileron avant pour équilibrer la monoplace, ce n'est plus un outil aussi précieux aujourd'hui.
Furbatto explique ainsi : "Avec la réglementation précédente, la charge était répartie approximativement pour un tiers sur l'aileron avant, un tiers sur le plancher et, enfin, un tiers sur l'aileron arrière. Les ailerons avaient donc plus de poids pour modifier l'équilibre, par rapport aux F1 d'aujourd'hui qui génèrent jusqu'à 70% de l'appui avec le plancher. De fait, la capacité à intervenir avec l'aileron avant pour trouver un équilibre a été divisée par deux."
En fait, l'utilisation plus agressive des ailerons flexibles est une conséquence de ces problèmes d'équilibre de la voiture, car les équipes ont compris que l'un des meilleurs moyens de surmonter le sous-virage à basse vitesse et le survirage à haute vitesse est d'avoir un aileron qui exploite l'élasticité aérodynamique.
En modifiant les caractéristiques de l'aileron, il peut contribuer à donner plus de mordant aux F1 à basse vitesse et, comme il fléchit dans les virages les plus rapides, il élimine certains des risques d'une trop grande charge sur l'avant de la monoplace. Sans la possibilité de faire fléchir les ailerons avant, les équipes auraient encore plus de mal à résoudre les problèmes d'équilibre des voitures.
La FIA analyse le comportement des ailerons avant depuis le Grand Prix de Belgique, en vue de déterminer s'il y a lieu de modifier la réglementation dans ce domaine pour la saison 2025. Furbatto pense de son côté que la situation restera inchangée, jugeant qu'il n'est pas possible d'être plus strict sur ce point si l'on ne veut pas causer des maux de tête encore plus importants aux équipes.
"Je ne pense pas qu'il y ait une intention de changer le règlement 2025, parce que le fait que l'aileron fléchisse dans le cadre des règles fait partie de cette tentative de trouver un équilibre. Je dirais que c'est un mal nécessaire pour ces monoplaces à effet de sol. Sinon, avec des ailerons plus rigides, nous nous retrouverions avec des pilotes incapables de trouver un réglage efficace pour rendre la voiture contrôlable."
En fin de compte, l'expérience de cette année suggère que les règles actuelles de la F1 ont apporté avec elles la nécessité de compromis incroyablement complexes - et cela signifie que les prises de tête liées à l'équilibre ne prendront pas fin avant le début de la prochaine ère réglementaire, en 2026.
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