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MotoGP GP d'Australie

Zarco : Un succès au scénario inattendu mais parfaitement construit

Ce n'est qu'en fin d'épreuve que Johann Zarco a commencé à songer à la victoire au GP d'Australie. Après avoir tout fait pour préserver son pneu arrière, le Français a multiplié les dépassements et n'a pris la tête qu'à quelques virages de l'arrivée.

Johann Zarco, Pramac Racing

Johann Zarco a décroché son premier succès en MotoGP avec la manière, au prix de plusieurs dépassements en fin de course, dont celui sur Jorge Martín dans la toute dernière boucle, mais cette victoire est aussi le fruit d'une gestion parfaite. Souvent très rapide quand la fin de course approche et que les pneus se dégradent, Zarco payait jusque-là le temps perdu en début d'épreuve pour profiter réellement de son avantage.

Le scénario offert ce samedi à Phillip Island, circuit où les pilotes restent le plus souvent regroupés, a joué en sa faveur mais ce n'est absolument pas celui qu'il avait en tête avant le départ. "Tu te dis 'Peut-être que c'est possible' mais tu ne sais pas trop comment", a expliqué Zarco, qui jugeait nécessaire de passer toute la course au premier plan : "Pour la victoire, j'aurais imaginé partir tellement bien, être deuxième, essayer de suivre Jorge et ensuite faire la différence avec le pneu. Ça, ça aurait été l'idéal. Ça ne s'est pas du tout passé comme ça et pourtant ça a marché quand même."

Zarco n'était en effet que huitième à la fin du premier tour, après avoir perdu trois positions, au profit de Fabio Di Giannantonio, Marc Márquez et Jack Miller. "Il a fallu beaucoup se battre dès le départ", a expliqué le Français sur Canal+. "Je ne suis pas trop mal parti mais il y en a qui sont encore mieux partis. Je suis bien entré dans le premier virage, on s'est poussés avec Aleix [Espargaró]. Lui aussi, il est assez agressif et il arrive à bien placer sa moto. J'étais assez étonné de pouvoir répondre aussi bien à son agressivité parce que j'arrivais à correctement diriger la moto."

Zarco a rapidement doublé Espargaró, Miller et Márquez, et c'est là qu'il a remarqué qu'il gérait mieux les accélérations que la plupart de ses rivaux : "Je m'attendais à devoir patiner ou forcer beaucoup plus pour garder le rythme en début de course. J'ai vu que les autres essayaient aussi de gérer. Du coup, je me suis rendu compte que je menais bien la moto et ça m'a permis d'avoir cet avantage sur les sorties de virages. On a vu, quand j'ai doublé Márquez – qui est très fort pour placer sa moto – que j'ai utilisé au maximum l'accélération, quitte à brûler le pneu, au moins pour un dépassement sur Marc. J'ai essayé de gérer toutes les autres accélérations."

"Comme le rythme était très bon et que je savais que Pecco n'allait pas lâcher ce groupe pour le podium, je me suis dit que derrière lui, j'allais essayer de gérer au mieux. Lui aussi était en train de gérer mais le fait d'être derrière dans les virages rapides, ça fait quand même un peu d'aspiration permanente et ça permet d'économiser [le pneu]. Sur la fin, j'ai mis l'énergie qu'il fallait sur le pneu pour faire cette différence sur quelques accélérations et ça a permis d'ouvrir ces possibilités de dépasser et de terminer devant."

Francesco Bagnaia, Ducati Team

Johann Zarco est longtemps resté dans la roue de Pecco Bagnaia

Zarco a passé une très grande partie de la course dans le sillage de Bagnaia, attendant le bon moment pour porter son attaque, ce qu'il a fait au 22e des 27 tours au programme ce samedi : "En fait, le fait d'être resté derrière Pecco, je crois que ça a fait vraiment beaucoup pour ce pneu arrière. Même le medium s'est beaucoup usé et à un moment, je sentais que j'arrivais à accélérer plus fort que les autres en mettant presque un filet de gaz. C'est là que j'ai compris que ça pouvait bien le faire."

"Je suis bien content que le medium m'ait permis d'aller vite en début de course", a ajouté Zarco. "C'était surtout ça l'inquiétude. Dès le début de course, après quelques tours il a fallu le gérer et c'est là que j'ai compris que j'avais de bonnes chances de podium. Mais je ne pensais pas à la victoire parce que Jorge, on ne le voyait même plus."

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Après 12 tours, Zarco comptait en effet 5"028 de retard sur son coéquipier, longtemps large leader, mais l'Espagnol a commencé à souffrir avec son pneu tendre à l'arrière, permettant au groupe derrière lui de combler l'écart. Ce n'est qu'en fin d'épreuve que Zarco a commencé à entrevoir la victoire.

"Quand j'ai vu Jorge, je me suis dit qu'il fallait au moins jouer le podium, cette deuxième place, que ça serait sympa, pas facile mais possible. Dans les cinq derniers tours, quand Jorge a commencé à perdre beaucoup de temps, je me suis dit que quelque chose d'encore plus particulier était possible aujourd'hui. Je suis très heureux d'avoir pu le faire."

Je suis très heureux d'avoir réalisé la manœuvre au bon moment. À cinq tours de la fin, j'ai compris que c'était possible de revenir sur Jorge et j'ai commencé à doubler les autres.

Zarco a dépassé Fabio Di Giannantonio à deux tours du but puis Brad Binder dans l'avant-dernier tour. Il était alors deuxième, avec seulement une demi-seconde de retard sur Martín, ce qui était son objectif au moment d'entamer la dernière boucle.

"Je me disais qu'il fallait que je sois derrière Jorge dans le dernier tour ou dans les deux derniers tours, parce que je voulais bien gérer mon pneu arrière et peut-être profiter de cette accélération que j'ai l'habitude de très bien avoir dans le dernier tour", a précisé Zarco en conférence de presse. "Je n'ai pas pu le faire plus tôt en course parce que sinon, j'aurais trop brûlé le pneu et que c'est assez dur de garder le rythme à Phillip Island."

Zarco a su porter chaque attaque au moment le plus opportun, y compris le dépassement sur Martín dans le dernier tour, au virage 4 : "Je suis très heureux d'avoir réalisé la manœuvre au bon moment. À cinq tours de la fin, j'ai compris que c'était possible de revenir sur Jorge et j'ai commencé à doubler les autres. J'aurais peut-être pu doubler Jorge à la sortie du virage 6, où j'avais doublé Marc plus tôt dans la course, mais si j'avais attendu derrière lui au virage 4, peut-être qu'un autre m'aurait doublé sur les freins. C'était nécessaire d'attaquer pour éviter une tentative des autres."

Dans sa remontée, Zarco a réussi des dépassements sur Bagnaia et Martín, les deux prétendants au titre, mais il n'a pas pris cet élément en compte. S'il s'est longtemps montré prudent derrière Bagnaia, c'était pour préserver son pneu et lorsqu'il s'est retrouvé au contact de Martín, il n'avait que la victoire en tête.

"J'y ai un peu pensé derrière Pecco, mais c'était le début de course, il y avait ce contrôle du pneu arrière à tenir. À ce moment-là, [Martín] était tellement en perdition que je l'aurais doublé à un autre virage.[...] C'est clair qu'à ce moment-là, je n'ai pas pensé au championnat. J'ai fait au mieux pour passer et gérer au mieux pour pouvoir gagner parce que dans tous les cas, on l'aurait doublé. Je n'ai pas calculé ça et ça aurait été une erreur de le faire à ce moment-là."

Une fois en tête, la victoire était presque assurée mais les courbes qui séparaient Zarco de la ligne d'arrivée, surtout la dernière, ont paru plus longues que jamais : "Il n'y a que le dernier virage que j'ai fait [en n'allant] pas très vite, Pecco m'a rattrapé mais ça suffisait pour sortir en tête."

"Dans ma poignée de gaz, je n'avançais plus", a-t-il souligné. "Ça m'a fait un peu bizarre, mais c'était bon. Du coup, l'émotion est venue un peu sur les quelques virages qui suivaient. Vraiment, ça m'a fait très plaisir de voir le plaisir des autres pilotes qui étaient contents pour moi, qui m'ont vraiment félicité d'une belle manière. Ça m'a fait chaud au cœur."

Une course déterminée par le choix du pneu arrière

Cette fin de course idéale n'aurait pas été possible si Zarco avait choisi le pneu tendre à l'arrière, cependant ce n'est que dans les instants précédant le départ qu'il a définitivement opté pour le medium. Ses sensations étaient meilleures avec le tendre mais l'évolution des conditions l'a poussé à choisir un pneu plus résistant.

"Ce matin en EL2, je me demandais comment piloter avec le medium à l'arrière mais c'est parce que c'était un pneu d'hier, qui avait déjà 14 tours. C'était trop dur de contrôler ce pneu mais par rapport à la matinée il faisait un peu plus chaud dans l'après-midi, il y avait un peu moins de vent donc je me suis dit 'ce pneu devrait fonctionner si on part avec un pneu neuf, il marchera mieux que dans la matinée'."

"Tout le monde a choisi le medium sauf Jorge, qui pouvait le faire parce qu'il était très rapide et qu'il avait déjà montré qu'il pouvait gérer un pneu tendre à l'arrière. Je me suis dit que j'allais faire comme les autres, en sachant que je pouvais bien contrôler le pneu. J'ai songé au tendre mais avant la course, je me disais que je n'avais fait qu'un time attack avec et que dans le deuxième tour, j'étais déjà plus lent. Je me disais que si j'étais plus lent dans le deuxième tour, combien ce serait après 27 tours ? Le medium a été bon aujourd'hui mais même [ce pneu], il fallait le gérer."

Johann Zarco, Pramac Racing

Johann Zarco

Zarco ne pourra pas véritablement se permettre de célébrer ce succès ce soir puisque le week-end n'est pas encore terminé, la course sprint restant à disputer dimanche. Le Français se réjouit de ce succès sur un circuit aussi sélectif que Phillip Island et dans un week-end au programme chamboulé.

"Il faut peut-être faire la course longue le samedi pour moi parce que je suis peut-être un peu plus frais que le dimanche ! Au moins, c'est fait. On verra pour la suite mais je vais bien dormir ce soir. À Phillip Island, sur le sec, c'est vraiment sympa de gagner parce que tout le monde adore la piste. On sent qu'on fait partie des gros bras quand on gagne ici et c'est une très belle sensation."

Zarco se prépare donc à une fin de journée studieuse... avec un petit espoir de faire le doublé : "On dort bien et on profite avec les personnes qui sont là, présentes. Pas besoin de faire de fête. C'est comme un soulagement. Bien s'endormir avec zéro stress et du vrai bonheur. Demain, il y a une course sprint, on doit se concentrer, mais on verra. Peut-être qu'on va rester au box si la météo n'est pas bonne du tout. Si la météo est un peu délicate, avec des pneus pluie, etc, il y a aussi un coup à jouer. Pourquoi pas prendre une médaille."

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