Pol Espargaró : le MotoGP se perd dans "cette merde d'aérodynamique"

Désormais bien implanté, l'aérodynamique continue pourtant de faire débat en MotoGP. Pol Espargaró estime que le championnat aurait dû mieux anticiper son importance en freinant immédiatement son développement, une opinion que ne partage pas Gigi Dall'Igna.

Pol Espargaro, Tech3 GASGAS Factory Racing

Alors qu'approchent les présentations des équipes KTM, Pol Espargaró va totalement changer de rôle cette année. Arrivé en MotoGP en 2014, dans la foulée de son titre en Moto2, l'Espagnol a perdu sa place de titulaire chez Tech3 et va devenir le principal essayeur du constructeur autrichien, avec potentiellement six participations en wild-card et des remplacements en cas de blessure de l'un des pilotes.

Si un retour à un poste de titulaire en 2025 reste une possibilité, Espargaró entame tout de même ce qui semble être une sorte de pré-retraite dans sa carrière de pilote MotoGP, et peut désormais se pencher sur la façon dont la catégorie a évolué en dix ans. Pour lui, le principal changement est venu de l'aérodynamique, avec l'apparition d'ailerons suivie par la multiplication de solutions destinées à stabiliser les motos pour améliorer leurs performances.

Interrogé sur ce qu'il aurait aimé voir évoluer différemment au cours de sa carrière en MotoGP, Espargaró n'a pas mâché ses mots. "Ne pas aller aussi loin dans cette merde d'aérodynamique", a répondu le pilote. "Parce que le problème c'est que personne ne s'attendait à ce que cette aéro soit un aussi gros sujet, donc si on avait dit dès le début 'non, on n'autorise pas ce genre de choses sur ces motos', on n'aurait pas atteint le niveau où l'on est à présent."

Parmi les effets jugés négatifs de l'aérodynamique, Marc Márquez a plusieurs fois pointé du doigt les difficultés causées dans les duels, avec des turbulences qui viennent troubler le comportement des machines. Certains ont aussi fait les frais d'une aspiration difficile à contrôler, comme Marco Bezzecchi que cela a fait chuter à Silverstone l'an passé.

a peut arriver", a précisé Bezzecchi au sujet de ce phénomène auquel il dit avoir "souvent" fait face. "Il faut toujours beaucoup réfléchir avant un freinage et parfois on oublie d'y penser. Ça ne fait pas toujours comme ce qui est arrivé [à Jorge Martín derrière Pecco Bagnaia à Valence]. Je dois dire que ça dépend de la vitesse et de plein de choses."

Francesco Bagnaia, Ducati Team

Marco Bezzecchi a été piégé dans le sillage de Pecco Bagnaia à Silverstone

"Si on ne bouge pas suffisamment d'un côté ou de l'autre avant de freiner, on se retrouve à l'intérieur de l'aspiration, donc il faut freiner encore plus fort avec la main, essayer d'appuyer plus fort sur le frein pour s'arrêter de la même façon que si on n'était pas dans l'aspiration", a détaillé le pilote VR46. "Disons qu'il faut, peut-être pas le double de force de freinage, mais pratiquement, et on bloque l'avant donc ça stoppe moins et ça entraîne beaucoup de conséquences."

Dall'Igna minimise le problème

Gigi Dall'Igna, père de la Ducati et l'un des premiers à avoir poussé le développement aérodynamique en MotoGP, minimise ce phénomène d'aspiration, et rejette la responsabilité sur les pilotes. "Je crois que tous les pilotes savent très bien que ce problème peut survenir, donc il faut qu'ils évitent ce type de problème", a résumé l'ingénieur. "Si vous atteignez cette limite, vous avec des soucis, c'est normal." 

Dall'Igna nie également une influence négative des ailerons sur le spectacle : "Je ne pense pas que l'aéro soit le problème principal sur ce point. Il y a beaucoup de choses, mais au final je pense que nous pouvons offrir un très beau spectacle. J'ai beaucoup aimé regarder les courses [en 2023]. J'ai vu beaucoup de dépassements, alors je ne vois pas de réel problème, franchement." 

Les pilotes ont pourtant été nombreux à se plaindre de difficultés pour doubler ces dernières années. Et en plus de potentiels effets délétères sur le spectacle, Pol Espargaró estime que le MotoGP a ouvert la boîte de Pandore en laissant les constructeurs axer leur développement vers l'aérodynamique, devenu un véritable gouffre financier.

"La quantité de ressources dans ce domaine est énorme et ça va augmenter énormément, de plus en plus, au fil des années. C'est ce qui repousse la vitesse de pointe, améliore l'accélération, le turning et les arrêts, au lieu que ce soit le châssis, le moteur ou autre. C'est un si gros sujet que si ça avait été non dès le début, ça aurait peut-être été mieux pour la compétition, mais c'est une chose à laquelle on ne peut pas s'attendre donc c'est comme ça."

La situation devrait très peu évoluer avant la saison 2027, qui marquera l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement technique. Le MotoGP veut en profiter pour s'attaquer à cette question en réduisant la taille des ailerons mais avant cette échéance, la course à l'armement devrait se poursuivre. Gigi Dall'Igna estime même que la catégorie a "un long chemin à parcourir" avant de percer tous les secrets de l'aérodynamique, avec encore de nombreuses pistes d'amélioration à la clé.

Avec Léna Buffa

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