Les pilotes en quête de solutions aux dépassements difficiles

De nombreux pilotes s'inquiètent de la difficulté grandissante des dépassements en MotoGP, aux sources multiples. Plusieurs d'entre eux espèrent une réaction des instances dirigeantes.

Jack Miller, Ducati Team

Photo de: Dorna

Au début de la saison, les pilotes ont été nombreux à se plaindre de dépassements de plus en plus difficiles et le sujet est régulièrement évoqué depuis le début de la campagne européenne. Jack Miller attribuait la complexité des manœuvres de dépassement à la compétitivité du plateau actuel, qui ne permet plus de faire la différence aussi facilement que par le passé, mais les facteurs semblent multiples.

"Le truc, c'est qu'avec les motos actuelles et la situation dans la catégorie, pour dépasser quelqu'un, vous devez faire un mouvement vraiment agressif, parce qu'avec le holeshot [device], l'aéro, ces choses-là, c'est si difficile de dépasser", a expliqué Marc Márquez, que Johann Zarco n'a doublé que quand il a ouvert sa trajectoire au Mans, et qui avait passé une grande partie du GP d'Espagne dans la roue de Jack Miller et devant Aleix Espargaró, sans qu'aucun ne puisse trouver l'ouverture.

"J'ai déjà dit lors d'une commission de sécurité dans le passé que nous prenons un chemin qui va plus vite sur les temps au tour, mais que les gens ne réalisent pas si vous êtes une demi-seconde plus rapide ou plus lent. Les gens veulent voir des dépassements : par exemple, [au Mans], Fabio était très rapide mais il était bloqué et c'était la même chose avec Aleix à Jerez derrière Miller et moi. Si le pilote qui est devant ne fait pas de faute, il est presque impossible de dépasser."

Marc Márquez et Johann Zarco

Marc Márquez et Johann Zarco

La pression du pneu avant, élément clé

Au-delà des performances similaires entre toutes les machines et la course à la performance, plusieurs éléments techniques sont mis en avant par les pilotes pour expliquer la situation actuelle, à commencer par le comportement du pneu avant. Derrière un pilote, la gomme monte vite en température et la pression augmente, rendant la moto très difficile à contrôler.

C'est dur d'avoir de belles bagarres dans cette situation parce que si on passe beaucoup de tours derrière un pilote, après on ne peut plus piloter la moto. C'est très, très difficile.

Luca Marini

Après le GP d'Espagne, cette sensibilité du pneu avant à la pression a été mise en lumière quand il est apparu qu'il était fréquent de voir des pilotes débuter des courses avec une pression de pneu inférieure aux recommandations de Michelin, dans l'anticipation de luttes en peloton qui feront ensuite monter cette pression. Cette question prend une place essentielle, le pneu étant particulièrement sensible à une montée en température.

"Dans l'aspiration, ça change s'il y a un ou plusieurs pilote devant, c'est pire s'ils sont deux ou trois", a expliqué Luca Marini. "Si on essaie de ralentir un peu, qu'on laisse un écart d'une seconde, la pression commence à diminuer un peu, on se sent mieux donc on peut essayer d'attaquer à nouveau pour doubler le pilote de devant aussi vite que possible. Après un ou deux tours tours, c'est impossible. Je pense que c'est comme ça depuis l'an dernier."

"C'est sûr qu'on trouvera une solution pour l'an prochain, j'espère que ça sera mieux pour tout le monde, et ça serait aussi mieux pour le spectacle. Dans certaines courses, des pilotes doivent laisser un écart d'une seconde en ralentissant un peu, puis ils peuvent attaquer à nouveau pour te doubler en fin de course par exemple, mais c'est dur d'avoir de belles bagarres dans cette situation parce que si on passe beaucoup de tours derrière un pilote, après on ne peut plus piloter la moto. C'est très, très difficile."

Luca Marini, VR46 Racing Team

Luca Marini

Plus un pilote passe du temps dans le sillage d'un rival, plus la situation devient critique : "Je sens qu'il y a des crans. À telle pression, on a telle sensation, si la pression augmente, on a [une autre sensation], on commence à avoir des blocages à l'avant au freinage, donc c'est dur de ralentir la moto, il faut freiner un peu plus tôt. Quand la pression est très élevée, on commence à perdre l'avant en milieu de courbe, surtout dans les virages rapides. La situation est plus critique à l'avant. Il faut faire attention à ralentir un peu et c'est difficile d'avoir les sensations pour doubler le pilote de devant, parce qu'on commence à se dire qu'on peut tomber si on exagère."

Dovizioso voit d'autres problèmes

Andrea Dovizioso ne partage pas totalement l'opinion de son compatriote. Tout en reconnaissant l'influence du pneu avant dans le comportement des motos, le vétéran du plateau pointe aussi la course au développement, qui a selon lui rendu les motos plus difficiles à maîtriser dans les phases de freinage, rendant toute tentative de dépassement plus délicate. 

"C'est sûr que [la pression de pneu] n'aide pas pour les bagarres mais c'est la caractéristique de Michelin depuis longtemps, ce n'est pas que de cette année", a soutenu Dovizioso. "J'ai lu des choses de la part de certains pilotes et je ne suis pas d'accord. Selon moi, la raison pour laquelle il n'y a pas beaucoup de dépassements est le développement des machines avec les ailerons, les devices, l'électronique. Toutes ces choses rendent les dépassements plus difficiles."

"C'est très facile de comprendre ça. Quand on freine, tout le monde a l'avant qui se bloque, presque tout le monde. Si on est déjà à la limite en bloquant l'avant, ça signifie qu'on ne peut pas freiner, même plusieurs mètres après donc si on a de l'aspiration au freinage et l'abaissement avec les ailerons, on n'a aucune chance de freiner à la limite, il faut freiner plus tôt car on a l'aspiration des autres pilotes."

Andrea Dovizioso, RNF MotoGP Racing

Andrea Dovizioso

"Les ailerons abaissent la moto mais avec l'aspiration, c'est l'inverse qui est recherché donc ça signifie qu'il faut freiner plus tôt et c'est plus difficile de doubler. Si on est en mesure de sortir plus vite ou de doubler en étant dans la ligne droite, on peut jouer avec le freinage mais s'il faut doubler en étant là, c'est pire avec l'abaissement. Je ne dis pas que c'est impossible mais c'est pire."

Quelles solutions ?

Sans changement réglementaire ou modification significative du pneu avant, la situation a peu de chances d'évoluer favorablement. Luca Marini demande à Michelin de prendre ce problème en compte, sachant que le manufacturier clermontois a prévu de tester une nouvelle version de sa gomme avant à partir de cette année, mais n'a l'intention de la lancer en compétition que pour la saison 2024.

"Selon moi, Michelin a fait un travail incroyable sur le pneu arrière, ils ont fait de gros progrès depuis 2019 et maintenant, ils doivent se concentrer sur le pneu avant pour améliorer le spectacle. Actuellement, on est juste derrière le pilote de devant et on attend qu'il parte à la faute, parce que s'il ne fait pas d'erreur, c'est impossible de doubler."

"Je sens que cette saison, mais aussi depuis l'an dernier, je suis le pilote que Viñales déteste le plus ! À chaque fois qu'il est derrière moi, j'essaie de ne pas le laisser passer et il a un rythme de course nettement supérieur au mien mais il ne peut pas doubler. Selon moi, avec ces sensations à l'avant, à cause des pressions ou ces choses, si on ne fait pas d'erreur en 27 tours, le pilote de derrière ne peut pas doubler. Si on a plus de vitesse en ligne droite, on peut doubler mais actuellement, ce n'est pas le cas me concernant."

De son côté, Dovizioso milite logiquement pour une limitation de certaines évolutions techniques : "Ça dépend vers quoi le championnat veut aller. Les règles disent qu'on peut utiliser [les ailerons] et c'est donc normal de pousser dans cette voie car on peut être plus rapide et plus précis, et c'est mieux de les avoir. C'est normal de prendre cette voie mais si on veut remédier à ça, il faut changer les règles."

Avec Guillaume Navarro et Charlotte Guerdoux

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