D'autres constructeurs quitteront-ils la "start-up de course" ?
Les départs d'Audi et BMW représentent une obligation de prise de conscience de la Formule E sur les raisons ayant poussé ces deux acteurs majeurs du monde de l'électrique à claquer la porte. Selon Toto Wolff et Mercedes, il est important d'apprendre quelque chose de ces départs pour consolider et non affaiblir le championnat.
Audi et BMW ont annoncé leur décision choc de quitter la Formule E au terme du championnat 2020-2021. Dans le cas d'Audi, c'est un tournant repris vers l'Endurance qui justifie en partie, et publiquement, le choix de tourner le dos au championnat 100 % électrique. Dans le cas de BMW, le mal est clairement de ne disposer ni aujourd'hui, ni dans la perception de ce que sera le championnat demain, d'une marge de manœuvre technique permettant une différenciation de la technologie développée, ou un transfert effectif des enseignements vers les automobiles de série… sans parler du look monotype d'un châssis actuellement défavorable au message que nombre de constructeurs souhaitent adresser en s'engageant en sports mécaniques.
Le fait qu'Audi s'apprête à présenter une automobile entièrement électrique pour le Dakar 2022 à la place de son programme FE devrait également faire sourciller et montre que le constructeur allemand est bien loin d'avoir abandonné son investissement dans l'électrique. La marque désire profiter des ventes toujours croissantes de SUV pour s'attaquer au sport automobile, mais elle n'a pas choisi l'Extreme E pour le faire… Le championnat de course tout-terrain électrique, créé par le cofondateur de la Formule E, Alejandro Agag, sera lancé en 2021. Comme la FE, la voiture XE – l'ODYSSEY 21 – est construite par Spark Racing Technology. Le groupe motopropulseur est essentiellement constitué de deux voitures FE boulonnées ensemble. Il est difficile de voir dans le choix d'Audi pour le Dakar autre chose qu'une forte interrogation sur la pertinence de ce qui est actuellement proposé par l'univers FE/XE.
Mais y aurait-il un autre facteur, plus simple ? La portée de la Formule E n'est-elle tout simplement pas suffisamment importante ? Un coup d'œil rapide montre que le compte officiel du championnat compte 236 000 adeptes sur Twitter et 589 000 abonnés sur YouTube. À titre de comparaison, la F1 compte respectivement 5 millions et 4,64 millions d'abonnés. Le championnat du monde des rallyes en compte 338 000 et 614 000. Pour la FE, qui a pourtant tout misé sur une approche radicale des réseaux sociaux et une vulgarisation des sports mécaniques à l'adresse d'un public nouveau au point de produire des parodies vidéo de Mario Kart sur ses plateformes, la croissance de l'audience n'a-t-elle pas été trop lente, au point qu'Audi et BMW ne peuvent plus justifier leurs dépenses de plus de 40 millions d'euros par saison ?
Le début de l'exode ?
Une autre question qui doit maintenant être posée est : "Qui, si quelqu'un devait encore partir, pourrait être le prochain ?" Audi insiste sur le fait que sa décision de quitter la FE se fait selon ses propres termes et non sur une directive générale de son propriétaire du groupe Volkswagen. Mais il est devenu plus difficile d'accepter que cette décision ait été prise indépendamment après que VW ait mis fin à l'intégralité de son sport automobile d'usine… le lendemain. Les retombées du scandale des émissions du "Dieselgate" sont encore bien visibles.
Porsche opère en Europe centrale en tant qu'équipe complètement séparée de sa société sœur Audi. En coulisses, il est important de savoir qu'il n'y a pas de groupes motopropulseurs partagés ni de données. Et, comme l'a prouvé l'ère LMP1, les deux équipes peuvent s'affronter dans la même catégorie. L'équipe est sur le point d'entamer sa deuxième saison en FE ; une sortie prématurée était déjà peu probable et le constructeur n'a pas tardé à confirmer le maintien de son engagement futur.
Jaguar Racing pose des questions. Motorsport.com s'est interrogé à plusieurs reprises sur son avenir dans le championnat, après que l'eTrophy d'I-Pace ait été mis de côté après seulement deux saisons d'un contrat initial de trois ans avec le promoteur en tant que championnat annexe de certains événements FE. L'annonce de la suppression de 4500 emplois Jaguar Land Rover en Grande-Bretagne n'aide pas le groupe à rassurer sur le fait qu'il se trouve dans une santé économique merveilleuse. Il ne faudrait, comme pour la décision de venir en FE, qu'un geste au niveau du conseil d'administration pour décider de tout couper.
Qu'en est-il de Nissan e.dams et DS ? Le constructeur français n'a guère attiré une grande attention autour de son succès retentissant de ces dernières années avec DS Techeetah. Qui, en France, hors des fans habituels des sports mécaniques, perçoit réellement DS comme un acteur victorieux du monde de l'électrique ? En temps normal, les efforts du marketing seraient remis en question. Mais après les récents événements que furent les départs de BMW et Audi, parle-t-on de quelque chose de plus préoccupant et d'une incapacité de la Formule E à représenter, en tant que promoteur, une plateforme de promotion suffisante pour ses acteurs ? Espérons que non, mais tout cela laisse place à des spéculations qui n'auraient peut-être pas eu lieu il y a quelques mois.
Après la déclaration de Toto Wolff concernant l'assurance de voir Mercedes en FE tant que celle-ci répondra aux besoins de la marque, et le fait que Mahindra Racing soit jusqu'à présent la seule équipe à avoir signé le règlement Gen3 et à avoir promis six années supplémentaires au championnat, il n'y a un engagement tangible que de la part de deux constructeurs à l'heure actuelle. Cela ne veut pas dire que la sortie d'Audi et de BMW prépare le terrain à un exode, loin de là, mais elle permet à ce type de scepticisme de se développer dans le paddock ainsi qu'auprès des observateurs et des conseils d'administration.
Soyons cependant mesurés : le départ de deux grands noms du paddock FE n'a pas soudainement plongé le championnat dans une sorte de scénario apocalyptique. Comme toujours dans ces situations, il offre aux organisateurs de la série une chance de faire évoluer le concept pour répondre aux besoins des participants et de revenir plus fort, ainsi que de développer une parade en faisant entrer de nouveaux acteurs et prouver une certaine solidité "envers et contre tout".
Une "start-up de course" qui grandira
Au micro de Motorsport.com, Toto Wolff élabore : "Il y a toujours un petit réveil pour un championnat. Il y a toujours des avantages dans des moments comme celui-ci. Ces situations sont là pour améliorer le championnat et améliorer le spectacle et le facteur divertissement. La Formule E a sa place. Elle représente la mobilité électrique, elle représente le divertissement urbain, elle a un caractère événementiel avec un format d'une seule journée. Et elle s'est développée comme elle aurait dû se développer, en tant que start-up de course."
"Il ne faut pas oublier que la série n'a que quelques années, contre 70 ans pour la F1. Et je pense que nous devons lui donner le temps de se développer. Cela dit, analysons pourquoi BMW et Audi sont partis ; voyons cela comme quelque chose dont nous devons tirer des leçons et nous améliorer. Il y a une opportunité pour la série d'apprendre quelque chose de la situation et de s'améliorer".
Découvrez une analyse plus approfondie et complémentaire de la situation en Formule E dans notre dossier PRIME.
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