Interview

Le GMT94 en 2019, c'est "l'association de la jeunesse et du talent"

Le binôme Cluzel-Perolari est constitué pour gagner, aujourd'hui et demain. Tel est l'ambitieux projet du GMT94, qui concentre à présent son attention sur le World Supersport, avec pour objectif incontournable, dès 2019, le titre.

Corentin Perolari, Jules Cluzel

Corentin Perolari, Jules Cluzel

Camille De Bastiani

Le GMT94 a annoncé ces derniers jours le recrutement dont pouvaient rêver bon nombre de passionnés français : celui de Jules Cluzel. À 30 ans, et après avoir joué le titre six fois en Supersport sans jamais réussir à décrocher le Graal, l'Auvergnat change d'équipe pour s'associer à l'un des teams français les plus emblématiques, avec pour objectif assumé d'aller chercher cette couronne qui le nargue depuis bien longtemps.

À ses côtés, de dix ans son cadet, un autre Français que le public du Championnat du monde a découvert cette année et qui a déjà tapé dans l'œil des observateurs avec une fin de saison tonitruante. Patron d'équipe bienveillant, Christophe Guyot ne s'en cache aucunement, il a "de beaux projets" pour l'avenir de Corentin Perolari, qu'il a pris sous son aile en assumant l'investissement que cela représentait.

C'est ce projet à double portée, ainsi que le changement de cap important opéré dans le courant de cette année, après tant de succès en Endurance, que Christophe Guyot a pris le temps d'expliquer à Motorsport.com.

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C'est l'association de la jeunesse et du talent. Un talent qui est reconnu, avec Jules Cluzel : 69 départs, 17 victoires, 40 podiums, 20 poles… C'est un palmarès incroyable, et ce qui est fou c'est qu'il n'ait jamais été Champion du monde malgré cela. C'est clair qu'il vient pour le titre. Quant à Corentin Perolari, il a connu une belle progression, il a terminé dans les cinq premiers à la fin de la saison, et maintenant l'objectif pour lui c'est le podium. En les associant tous les deux, nous pouvons vraiment avoir une très, très belle équipe l'an prochain.

Pour Jules, il ne peut indéniablement pas y avoir d'autre objectif que le titre ?

Non, il n'y a rien d'autre. On ne va pas se le cacher. Ça nous met la pression, mais la course c'est ça et il faut l'assumer. Ce serait ridicule de dire qu'on vient pour voir : non, Jules est trois fois vice-Champion du monde et il n'y a pas d'autre objectif pour lui que d'être Champion du monde.

Jules Cluzel, GMT94 Yamaha

Jules Cluzel dans ses nouvelles couleurs pour 2019

Après une année 2018 de transition entre l'Endurance et la vitesse, le GMT94 est maintenant à 100% sur ce programme Supersport ?

Dès 2017, nous savions que c'était l'objectif final, ceci dit nous avions peut-être l'intention de garder encore l'Endurance, voire Le Mans et le Bol d’Or. Or il y avait une concordance de dates et, dès le mois de mars dernier, nous nous sommes rendu compte que le championnat ne changerait pas, il n'y avait aucune annonce. Maintenant c'est fait, on est parti pour un nouveau projet.

Ce qui est intéressant, c'est de démontrer que tout est possible, rien n'est inaccessible. On nous a pris pour des fous au début, mais je pense qu'il est important de rappeler d'où nous venons. Nous avons été trois fois Champions du monde en Endurance, avec de l'énergie, du travail, une équipe indépendante. Petit à petit, on a peut-être un peu oublié la manière dont nous fonctionnons et d'où nous venons. Je pense donc que c'est important de tout remettre à zéro et de redémarrer.

On s'est dit qu'on ne repartirait pas par la petite porte, qu'on ne pouvait pas ne pas être Champions du monde en vitesse.

Christophe Guyot

On est parti avant-dernier en Australie, avant-dernier en Thaïlande… On ne s'attendait pas à partir aussi bas. Au retour de Thaïlande, Mike Di Meglio ne croyait plus au projet, nous a dit qu'il arrêtait, et c'est là que nous avons pris la décision définitive de dire que nous irions au bout, que nous stopperions l'Endurance et que nous mettrions tous les moyens dans ce projet. On s'est dit qu'on ne repartirait pas par la petite porte, qu'on ne pouvait pas ne pas être Champions du monde en vitesse à partir du moment où l'on avait relevé ce challenge.

Avec le recul, comment expliquez-vous que Mike n'y ait pas cru ?

Il a beaucoup de circonstances atténuantes. D'abord, pour être honnête, nous avons peut-être pensé que ce serait plus facile que ça, Mike comme nous. Or au mois de mars, quand il y a eu un double échec de performance, avec l'Australie et la Thaïlande, c'était difficile d'y croire. En même temps, je suis quelqu'un d'honnête, donc vis-à-vis de Yamaha et de mes partenaires, c'était d'abord un engagement à 100% sur l'Endurance et le temps qu'il restait on pouvait le consacrer à faire évoluer un peu la Supersport, mais il n'y avait pas beaucoup de temps, on ne pouvait pas beaucoup s'impliquer. Il était donc évident que nous ne pourrions pas faire beaucoup mieux avant le mois d'août. Et après, c'était un cercle infernal. D'un côté, notre moto n'était pas assez compétitive, et en même temps Mike n'y croyait pas, du coup il la rendait encore moins compétitive : au lieu d'être à une seconde des temps, on était à trois secondes. C'était très, très difficile à vivre.

Mike Di Meglio venait pour m'aider à construire le projet. Il venait comme pilote d'expérience : on mettait la moto à un bon niveau et, en 2019, on mettait un jeune. Au bout de deux courses, Mike a arrêté et là j'ai été confronté à la décision. Remettre un pilote d'expérience, ça n'aurait pas marché – si ça ne marche pas avec Mike… – et puis le risque était énorme : si ça ne marchait pas avec un autre, c'était la fin du projet. Donc on a déclenché plus tôt que prévu [avec Corentin].

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Corentin, c'était la chance de sa vie. Il a tout lâché, tout donné. On lui disait qu'on ne pourrait vraiment travailler qu'à partir du mois d'août et on ne pouvait pas faire toutes les courses parce qu'il y avait une concordance de dates, mais pour lui c'était le bonheur total, donc il s'est investi, il s'est donné à fond et il a mis la moto à une seconde avant qu'on la fasse évoluer. Ensuite, à Misano il fait une super course. C'était un ensemble de choses. On ne peut pas jeter la pierre à Mike, c'était le projet du GMT94, avec pour but d'amener un jeune Français à être Champion du monde. C'est ça l'idée. De redonner du souffle, de redonner de l'espoir à la jeunesse.

Tout vieillit : le plateau en Championnat du monde Superbike et Supersport, en Championnat de France, dans tous les championnats nationaux… Avant de m'engager dans le championnat, j'ai fait une étude qui était criante : le champion d'Angleterre en 2017, c'est Shane Byrne, 41 ans ; en Espagne, Carmelo Morales, 39 ans ; aux États-Unis, Toni Elias, 34 ans ; en France, Kenny Foray, 33 ans… Quand je suis devenu Champion de France, en 1998, j'avais 36 ans, et celui qui a gagné la course ce jour-là, c'était Fabien Foret et il avait 25 ans.

Aujourd'hui, il n'y a aucun pilote de 20 ans qui s'est mesuré aux noms que je viens de citer. C'est ça le problème, ça n'est pas qu'il y ait des pilotes d'expérience – au contraire, c'est aussi un espoir pour les jeunes de voir des pilotes comme Rossi à 39 ans ou Shane Byrne champion à 40 ans, c'est fabuleux. Mais il faudrait qu'on emmène des jeunes. Je pense qu'il faut reconstruire ça, redonner de l'envie, de l'espoir.

Corentin Perolari et Christophe Guyot, team manager GMT94

Corentin Perolari et Christophe Guyot

Avec Corentin, vous vous inscrivez donc dans la durée avec l'idée de l'aider à être Champion du monde dans quelques années ?

Quand il est entré chez nous, on l'a mis à l'aise tout de suite, on lui a dit : "On sait que la moto ne va pas faire de résultats, tu as 20 ans, tu n'as pas d'expérience, tu ne connais pas les circuits, on ne va pas te dire au revoir au bout de deux courses, ni au bout d'un an". Dès le départ, il a su que ce serait au moins un projet sur ce qu'il restait de 2018 et sur 2019.

En associant dans l'équipe Jules Cluzel et Corentin Perolari, on va permettre à Corentin d'accéder au podium, pourquoi pas à la victoire, et ça n'empêchera pas Jules de viser son titre.

Christophe Guyot

On ne peut pas jeter la pierre aux teams qui ne prennent pas des jeunes. Il y a deux problèmes pour ça. Le premier, c'est que s'ils n'ont pas d'argent de sponsoring, comment peuvent-ils faire ? Ils prennent donc un pilote qui a de l'argent, sinon le team n'existe pas. Le deuxième, pour ceux qui ont des partenaires, c'est qu'on est dans un monde où il faut des résultats tout de suite. Or, quand on prend un jeune de 20 ans, ça ne marche pas tout de suite, il faut accepter d'attendre, de donner du temps. La chance inouïe qu'on a au GMT94 c'est que tous nos partenaires, sans exception, acceptent cette idée qu'on ne gagnera pas tout de suite. Et même si on venait de gagner le Bol d'Or et d'être Champions du monde [en Endurance], ils étaient heureux qu'on ait fait cinquième en Argentine. Ils se sont satisfaits de ça, pour eux c'était comme une victoire. Je trouve ça extraordinaire, c'est qu'ils ont vraiment compris ce qui se passe.

Ce ne sont plus des sponsors, ce sont des partenaires. Eux aussi ont des entreprises, avec les mêmes problèmes. En fin de compte, le sport moto ne fait que refléter ce qui se passe dans la vie de tous les jours. Aujourd'hui, l'entreprise est confrontée à la crise économique, elle est confrontée au chômage de demain, au marché, et elle considère que prendre un jeune est risqué. En réalité, c'est la seule solution d'avenir à tous les niveaux. Le fait que ça marche chez nous, c'est donc un message d'espoir pour tout le monde, et pas qu'en moto. C'est la vie. Sans la jeunesse, où est l'avenir ? Il n'y a rien, c'est le vide. On peut assurer le coup, croit-on, en ne prenant pas de jeunes, mais in fine on coule.

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Donc en associant maintenant dans l'équipe Jules Cluzel et Corentin Perolari, on va permettre à Corentin d'accéder au podium, pourquoi pas à la victoire, et ça n'empêchera pas Jules de viser son titre.

Jules aura donc une double mission : d'un côté, être un peu le grand frère de Corentin pour lui apporter ce qui lui manque encore, mais d'un autre côté il a son propre objectif personnel, qui est le titre…

C'est exactement ça. C'est une émulation pour lui aussi, parce que ça va forcément le bousculer à un moment ou à un autre. En qualifications ou en essais, Corentin est là, pour l'instant c'est sur la durée d'une course qu'il a des progrès à faire et que Jules sera encore plus performant. Mais en essais Corentin va apporter des choses, donc ça va aussi aider Jules à aller chercher le titre.

Corentin Perolari

Corentin Perolari

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