Pourquoi Audi avait à la fois tort et raison sur la faille réglementaire

Avec le retrait imminent d'Audi en Formule E, l'équipe n'avait rien à perdre à Londres en tentant de propulser Lucas di Grassi en tête de la course, en l'appelant au stand sous régime de voiture de sécurité. Le mépris envers l'équipe, qui a fait passer la gloire avant l'éthique, devrait plutôt être dirigé vers le règlement qui a permis une telle manœuvre.

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler, Audi e-tron FE07

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler, Audi e-tron FE07

Alastair Staley / Motorsport Images

Beaucoup ont été très prompts à diriger beaucoup de colère contre Lucas di Grassi et Audi lorsque le Brésilien a émergé en tête de la courte pitlane à l'E-Prix de Londres dimanche dernier. Mais, d'un point de vue règlementaire, l'équipe a donné un sacré cours de stratégie. Ou du moins en théorie car ce n'est qu'un petit blocage des freins sur la surface glissante qui a permis au reste du plateau et à la discipline d'esquiver les balles.

Cette manœuvre permettant au champion 2016-17 de gagner sept places et de dépasser la Mercedes du poleman Stoffel Vandoorne a été créée à Berlin la saison dernière, lorsque les deux voitures de Mahindra Racing ont gagné des places en se dirigeant vers les stands pendant une période de drapeau jaune sur tout le circuit. Bien que la FIA ait comblé cette lacune, l'amendement au règlement ne s'appliquait qu'à ces conditions particulières, et non lors de l'intervention de la voiture de sécurité. Cela signifie que di Grassi était "libre de rentrer au stand à condition qu'il s'arrête devant son garage", selon le règlement sportif.

Malgré le tollé provoqué par le fait qu'il s'agissait d'une manœuvre antisportive et non conforme aux intérêts du championnat, dans une discipline où les gains techniques sont infimes, il s'agissait d'une manœuvre légale mais exécutée illégalement.

Audi est un constructeur qui quittera la Formule E après une dernière double épreuve à Berlin le mois prochain. L'écurie qui a remporté le titre par équipe en 2017-18 a glissé à la sixième place du classement au cours des deux dernières saisons. Alors, avec le potentiel de créer un peu de controverse mais de repartir en s'étant battu pour un dernier trophée, il n'était pas dans l'intérêt de la marque d'aider l'image de la Formule E en rentrant dans le rang.

Peut-être que si Audi était encore là pour un an ou deux, une telle décision n'aurait pas été prise. Peut-être qu'Audi aurait joué la sécurité si elle avait été en tête du championnat constructeurs et ne voulait pas risquer une pénalité. De même, si Londres et son étrange pitlane avaient été la deuxième ou troisième manche du calendrier, et non l'avant-dernière, une approche plus conservatrice aurait pu être à l'ordre du jour. Mais ce ne sont que des hypothèses.

 

Rares sont ceux qui, dans un contexte de course ou même plus large, ne saisiraient pas une telle occasion pour prendre légitimement l'avantage. En réalité, la FIA a eu de la chance lorsque di Grassi a bloqué ses roues sur son emplacement, qui n'avait pas reçu la même finition en sable époxy que la piste du hall d'exposition. Cela signifie que, bien que la vitesse de sa roue ait atteint zéro, la voiture n'a jamais vraiment été immobile et di Grassi a donc écopé de ce qui était initialement un drive-through, avant d'être plus tard disqualifié quand il n'a pas respecté la pénalité, dont il n'était pas au courant.

Frédéric Bertrand, le directeur de la Formule E, interrogé par Motorsport.com, n'a pas voulu s'avancer sur ce qui aurait pu se passer si di Grassi avait réussi son freinage. Il a déclaré : "Je ne peux pas dire ce qui se serait passé s'il avait fait quelque chose de correct." Mais, si tout s'était passé comme prévu, di Grassi aurait pu remporter la course dans un scénario où le championnat n'a jamais été aussi serré.

L'épisode du week-end dernier a de nouveau donné une mauvaise image pour le championnat et l'instance dirigeante, au cours d'une saison où le règlement s'est avéré être incomplet, pour ne pas dire plus. Mais y avait-il une quelconque hypocrisie le week-end dernier ?

La faute doit être dirigée vers le règlement incomplet, qui a permis de mettre en place une tactique peu sportive, bien qu'admirable.

Lorsqu'Audi a licencié Daniel Abt, pilote de longue date de Formule E, pour avoir fait prendre sa place à un joueur professionnel dans une compétition eSports soutenue par l'UNICEF, un communiqué de la marque aux anneaux annonçait : "L'intégrité, la transparence et le respect constant des règles applicables sont des priorités absolues pour Audi."

Il ne fait aucun doute que la manœuvre initiale dans la voie des stands était conforme à cette "intégrité constante" avec les règles et le directeur d'équipe Allan McNish n'a jamais reculé devant les médias pour se justifier. Il était ouvert, "transparent" même. Grâce à cette sincérité, les normes d'"intégrité" ont été respectées. Quant à savoir s'il s'agissait d'un geste honorable... c'est là que les limites sont beaucoup plus floues.

L'équipe a aperçu un fruit mûr, manqué par ses rivaux, et a failli le cueillir. La faute doit être dirigée vers le règlement incomplet, qui a permis de mettre en place une tactique peu sportive, bien qu'admirable.

 

Cela arrive après une saison où les constructeurs (qui dépensent beaucoup d'argent) et leurs ingénieurs extrêmement talentueux ont été ridiculisés par les abandons massifs et le ralentissement des voitures à Valence, lorsque des réductions d'énergie agressives ont pris presque tout le paddock au dépourvu. Il intervient dans une saison où la patience à l'égard d'un système de qualifications de groupes (qui nuit aux plus performants) a dangereusement diminué.

Dans ce contexte, tout en concevant à la hâte une stratégie inspirée qui a été exécutée à la quasi-perfection par di Grassi, Audi n'a pas fait une faveur au championnat ou à la FIA pour redorer son blason.

Comme toujours, cependant, ce genre de situation peut avoir du bon. Quelques heures après le drapeau à damier londonien, Bertrand déclarait à Motorsport.com que la faille serait comblée. Un événement de ce type ne devrait plus se reproduire, et les gens en ont tiré des leçons.

Après les rebondissements survenus jusqu'à présent dans cette saison turbulente, l'inquiétude est de savoir quel article vague du règlement sportif sera prochainement exposé à la controverse pour créer un autre problème d'image. Comme il vaut mieux prévenir que guérir, les clauses et sous-clauses du règlement doivent être passées au peigne fin afin d'améliorer la crédibilité de la Formule E. L'E-Prix de Monaco, qui précédait le Grand Prix de Formule 1, a été le meilleur moment de cette saison. L'étape londonienne, elle, s'ajoute à la liste d'épreuves qu'il vaudra mieux oublier.

 

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