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Édito - Charles Leclerc peut renverser la table

L'éclosion de Charles Leclerc avec Ferrari n'est peut-être pas une surprise, il s'agissait plutôt de savoir quand elle aurait lieu. Passé tout près d'un destin victorieux qu'il a forcé dès le début de course le week-end dernier, le Monégasque a peut-être déjà changé la donne. On est tenté de penser qu'il y aura un avant et un après Bahreïn.

Charles Leclerc, Ferrari SF90, doublant Sebastian Vettel, Ferrari SF90 pour la première place

Mark Sutton / Motorsport Images

À Bahreïn, c'est la glorieuse incertitude du sport qui a frappé. Celle-là même que l'on a tant reprocher de manquer à la F1, alors que les exemples ne manquent pourtant pas. C'est vrai, que l'on fasse partie du clan des tifosi ou non, le sentiment d'injustice a vraisemblablement touché plus d'un spectateur dimanche, lorsque Charles Leclerc a manifesté son inquiétude d'un problème moteur à la radio. Il restait une dizaine de tours dans une épreuve que le pilote Ferrari avait à sa main. Puis l'on a vu s'évaporer irrémédiablement ce matelas de secondes d'avance qu'il s'était si brillamment constitué.

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Lewis Hamilton l'a dit lui-même, au moment de dépasser la monoplace à l'agonie du leader de la course, le sentiment était "étrange". Le quintuple Champion du monde a affiché une empathie et une bienveillance remarquées à l'arrivée du Grand Prix, saluant la performance d'un jeune homme très vite au niveau des meilleurs. Une attitude tout aussi remarquable que celle d'un Leclerc évidemment défait, mais immédiatement soucieux de montrer son immense dignité et de rassurer son équipe quant à sa solidarité. Deux comportements de champion, ça ne fait aucun doute. 

Le scénario de ce Grand Prix de Bahreïn nous a gratifié des expressions que l'on aime ou déteste entendre quand il s'agit de résumer ce qui ne peut pas l'être. Parmi elles, celle du "vainqueur moral" que serait Charles Leclerc… une notion bien subjective ! La loi du sport veut qu'il n'y ait qu'un vainqueur. Qu'on le veuille ou non, c'était bien Lewis Hamilton, et l'offrande qu'il a saisie ne lui enlève pas le moindre mérite pour autant.

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, et Charles Leclerc, Ferrari, au parc fermé

Pour être le mieux placé en cas de défaillance de Leclerc, le pilote Mercedes a de nouveau su forcer son talent. Ces 25 points "tombés du ciel" n'auraient jamais été les siens s'il n'avait pas mis sous pression son rival pour le titre ces deux dernières années. Le Britannique a fait coup double, prenant l'ascendant dans cette première confrontation directe tout en provoquant l'erreur d'un Sebastian Vettel inévitablement confronté à ses vieux démons de 2018.

Une unanimité naturelle

Des deux pilotes Ferrari au soir de cette deuxième manche de la saison se dégageait une déception évidente. Mais l'image entre les deux hommes tranche forcément dans les consciences : tous deux ont perdu gros, et la cruauté des faits rendait bien pâle le lot de consolation que pouvait être un premier podium en F1 pour Charles Leclerc. Pourtant, le Monégasque pourrait sortir comme le grand gagnant de ce premier épisode majeur de 2019.

Méthodiquement, Leclerc construit sa carrière : son ascension impeccable à travers les formules de promotion, sa première saison en Formule 1 lors de laquelle il a incarné le renouveau de Sauber, sa promotion chez Ferrari à la place d'un Kimi Räikkönen qui reste le dernier pilote titré au volant d'une monoplace de la Scuderia. Il y a eu des doutes, mais il sait vite les balayer. On sent, il faut l'avouer, une unanimité naturelle autour de lui, y compris dans le paddock. L'impression qui se dégageait de la grille de départ à Sakhir, quelques instants avant l'extinction des feux, était presque étonnante. Il y avait cette pression des grands rendez-vous, cette attente palpable autour du deuxième plus jeune poleman en F1, tout en percevant le fait que ce visage rafraîchissant occupant la place la plus enviée faisait plaisir au plus grand nombre.

Charles Leclerc, Ferrari, troisième, dans le Parc Fermé

Outre la réaction de Lewis Hamilton, spontanée après le drapeau à damier, on a assisté à un concert de louanges rare dans le milieu. Charles Leclerc trahi par sa mécanique, condamné à attendre au moins deux semaines supplémentaires avant de peut-être gagner en F1, mais salué par la concurrence dans un univers impitoyable.

Psychologiquement, quel effet tout ceci peut-il avoir sur Sebastian Vettel ? On se doit d'être honnête, et de rappeler que l'Allemand a également fait partie des premiers à vouloir chaudement réconforter son nouveau coéquipier, que ce soit à la radio ou dans le Parc Fermé. Néanmoins, on ne saurait oublier qu'il y a cinq ans, les circonstances chez Red Bull Racing l'avaient mené à quitter l'écurie sous la menace grandissante d'un nouveau venu, un certain Daniel Ricciardo.

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Il serait prématuré de dire aujourd'hui que Charles Leclerc va prendre le dessus chez Ferrari, d'autant que jouer les apprentis Nostradamus n'apporte rien. Il est simplement bon de rappeler les similitudes. Tout comme cette image qui a fait mouche et a probablement imprimé les cerveaux : celle d'un Leclerc conquérant, plein d'assurance, reprenant fermement et proprement la tête du Grand Prix après seulement quelques tours passés derrière Vettel.

L'incarnation d'un Leclerc n'ayant pas peur d'oser, et outrepassant le message radio qui venait de lui demander de rester derrière Vettel pour les deux tours à venir. Passation de pouvoir, naissance d'une rivalité ou simple piqûre de rappel pour le quadruple Champion du monde  ? Seul l'avenir nous le dira, mais la F1 nous offre ici une nouvelle histoire comme elle seule peut en écrire. On a hâte !

Sebastian Vettel, Ferrari SF90, et Charles Leclerc, Ferrari SF90

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