Il y a 20 ans - L'IndyCar se sépare en deux
Championnat réunifié depuis 2008, l'IndyCar a connu une importante période de turbulences en 1996, avec la création de l'Indy Racing League.
Photo de: Hiroshi Yamamura
Rétro : Dans l'Histoire des sports méca
Sur deux ou quatre roues, replongez-vous dans l'Histoire des sports mécaniques, celle qui a écrit la légende des hommes et des machines durant des décennies.
La monoplace américaine avait déjà connu une première scission, avec la création en 1979 du CART (Championship Auto Racing Teams), championnat des patrons d'écurie pour concurrencer l'USAC (United States Auto Club). Si ce premier "split" n'était d'abord pas du goût de l'USAC, les choses se sont vites arrangées, le CART gérant le championnat et l'USAC, l'Indy 500.
Ce format à deux têtes, mais tout de même très largement géré par le CART, permettait à l'IndyCar de grandir à un niveau jamais atteint depuis, faisant même peur à Bernie Ecclestone, lorsque des pilotes comme Nelson Piquet ou Nigel Mansell tentaient l'aventure américaine.
En janvier 1990, Tony George devient Président de l'Indianapolis Motor Speedway. L'homme de 31 ans voit d'un mauvais œil le CART et sa structure, composée de 24 membres, majoritairement des patrons d'écurie. Il propose alors, en novembre 1991, une commission composée de cinq membres seulement, appelée "Indy Car Inc". Le CART refuse.
L'année suivante, l'Indianapolis Motor Speedway loue l'appellation IndyCar au CART, pendant que Tony George dépose de son côté l'appellation "Indy Car Inc". Le président du Speedway n'apprécie pas la direction que prend le CART, de plus en plus internationale, et redoute que les 500 Miles d'Indianapolis ne perdent leur place centrale dans le calendrier.
En janvier 1994, le Britannique Andrew Craig devient président du CART, avec comme objectif d'étendre celui-ci au-delà de ses frontières originelles. Le sang de Tony George ne fait qu'un tour, et il annonce, quatre mois plus tard, la formation de l'Indy Racing League (IRL), pour le début de l'année 1996. Cette ligue a pour but de ramener la tradition des courses de monoplace sur ovales aux États-Unis. L'autre objectif est de ramener les pilotes roulant sur des ovales de terre en midget vers la monoplace, eux qui partent principalement vers la NASCAR. L'un d'eux étant Jeff Gordon, qui a débuté en NASCAR Winston Cup en 1992.
George annonce également que l'IndyCar doit "être comme la NASCAR", championnat qu'il accueille à Indianapolis à l'été 1994. C'est la première fois depuis 1911 qu'une course d'ampleur internationale se déroule à Indianapolis sans monoplaces au départ. Jeff Gordon remporte la première édition.
Le nœud de la bataille débutant entre l'IRL et le CART concerne les 500 Miles d'Indianapolis, qui auront lieu dans le nouveau championnat. En 1995, Tony George annonce la création d'une règle permettant à 25 équipes d'IRL d'avoir une place garantie dans le peloton de l'Indy 500, ne laissant ainsi que huit places libres pour d'autres équipes, par exemple du CART.
Les équipes du CART refusent alors de se rendre à Indianapolis, et vont même jusqu'à organiser une course concurrente, le même jour, au Michigan International Speedway. Un million de dollars est promis au vainqueur. La crise est bien réelle, et l'année 1996 débute en janvier au Walt Disney World Speedway, avec la première course de l'IRL.
Une deuxième course à Phoenix se déroule avant la 80e édition des 500 Miles d'Indianapolis, où il est directement possible d'évaluer les dégâts de cette séparation. Les billets pour l'épreuve se vendent moins bien, et l'audience télévisée diminue de 25% ! De plus, le mois de mai 1996 connait la tragédie, avec le décès du poleman Scott Brayton, en essais.
Le jour de course se passe bien mieux pour l'IRL, le jeune loup Tony Stewart héritant alors de la pole position et représentant le renouveau de l'IndyCar, lui qui arrive des rangs de l'USAC, organisateur des courses sur terre. Le duel final oppose Davy Jones à Buddy Lazier, deux pilotes au palmarès très peu fourni en CART. Lazier s'impose pour sa première victoire en monoplace, un succès qui définit encore aujourd'hui sa carrière.
De l'autre côté, lors de ce qui est désormais connu comme le "U.S. 500", le peloton du CART, composé des "meilleurs pilotes du monde", subit l'humiliation suprême avec un énorme carambolage avant même le départ ! La course est relancée une heure plus tard avec une bonne partie de mulets, en raison des importants dégâts sur les voitures, et c'est Jimmy Vasser qui s'imposera finalement, et déclarera, sur la Victory Lane, "qui a besoin de lait ?", en référence à la boisson du vainqueur des 500 Miles d'Indianapolis...
Fin 1996, la monoplace aux États-Unis a entamé une longue descente aux enfers, qui a directement profité à la NASCAR. En 1997, le CART décide de ne plus organiser de course en même temps que l'Indy 500, mais l'IRL ayant drastiquement changé ses règlements techniques, les championnats rivaux ne se croiseront plus jusqu'en l'an 2000.
C'est cette année-là que Chip Ganassi décide d'engager son équipe de CART aux 500 Miles d'Indianapolis. Il remporte la victoire avec Juan Pablo Montoya, encourageant Roger Penske et Barry Green à faire de même en 2001. Penske s'imposera lui aussi, avec Helio Castroneves, avant de rejoindre définitivement l'IRL en 2002. En 2003, l'écurie Green (devenue Andretti-Green) suit, ainsi que Ganassi et d'autres.
Le CART fait banqueroute et revient en 2004 sous le nom de Champ Car, avant d'être absorbé par l'IndyCar en 2008. Si aujourd'hui, les fans ont retrouvé le chemin de l'Indianapolis Motor Speedway (pour la première fois depuis 1995, la course s'est disputée à guichets fermés, pour sa centième édition en 2016), les audiences télévisuelles continuent de n'être que l'ombre d'elles-mêmes.
Que reste-t-il aujourd'hui de la "vision" de Tony George ? Dès la deuxième année de compétition, c'est un Néerlandais qui a remporté les 500 Miles d'Indianapolis (Arie Luyendyk, en 1997), et désormais, l'IndyCar ressemble très fortement au CART des années 90, avec une grande majorité de circuits routiers et urbains, et une majorité également de pilotes non-Américains. Et aujourd'hui, le championnat veut de nouveau s'étendre au delà de ses frontières...
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