Interview

Alonso : "Je suis content de tout ce que je vois en F1"

Lors d'une table ronde en petit comité en marge du Grand Prix du Portugal, Fernando Alonso a évoqué son retour en Formule 1, l'avenir de la catégorie reine et son évolution depuis ses débuts en 2001, entre autres. Entretien.

Fernando Alonso, Alpine

Fernando Alonso, Alpine

Alpine

Fernando, vous avez déclaré avant la saison que vous étiez revenu en Formule 1 avec Alpine car vous pensiez être à votre meilleur niveau et que la F1 était l'endroit idéal où courir. Avez-vous réévalué votre niveau après les deux premières courses, où vous n'étiez pas à 100% et manquiez peut-être de confiance ? Ou bien faisiez-vous référence à un autre sentiment avant le début de la saison ?

Non. Je continue de penser que je suis à un stade de ma vie où je me sens bien et je me sens capable de piloter mieux que jamais. Mais cela ne signifie pas que l'on ne trouve pas de difficultés en se lançant dans une nouvelle aventure, ou en l'occurrence un retour. En même temps, j'ai connu un week-end où je n'étais pas complètement à l'aise, à Imola. Et le problème, c'est qu'en Formule 1, il y a beaucoup de médias, beaucoup d'articles, et malheureusement deux semaines entre les courses, car si elles avaient été consécutives d'Imola à ici, on en aurait beaucoup moins parlé !

C'était aussi une coïncidence que quelques autres pilotes, comme moi, ne soient pas totalement confiants à Imola. Certains d'entre eux ont changé d'équipe cette année. Et cette coïncidence a entraîné beaucoup de commentaires. Mais globalement, je n'y réfléchis pas trop, ça ne m'inquiète pas trop.

C'est un challenge cette année à cause des écarts dans le milieu de tableau. Ça a toujours été un challenge, mais la position de l'équipe était relativement définie auparavant. Lors d'un week-end exceptionnel en étant performant à 105% ou lors d'un mauvais week-end à 90%, on pouvait se trouver entre la neuvième et la onzième place. Cette année, avec un tel milieu de tableau, on peut passer de la septième à la quinzième place pour deux dixièmes de seconde, si l'on n'est pas parfaitement performant. Il faut donc rechercher cette perfection chaque week-end.

Alain Prost et Niki Lauda sont parvenus à remporter un autre titre après leur retour, mais vous semblez être en difficulté. Est-ce symptomatique de ce qu'est devenue la F1, avec des voitures extrêmement difficiles à piloter ?

Non, non, je ne pense pas. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas trop d'accord avec ça, et on en fait trop à ce sujet. J'étais le premier à admettre que je n'étais pas à 100% à Imola, que je n'étais pas à l'aise, et que je manquais probablement de performance. Mais ce n'était qu'une course, course que j'ai finie deux dixièmes de seconde derrière mon coéquipier malgré ce manque de performance ! Ça ne peut donc pas revêtir une telle importance.

À la fin de l'année, parlons. À la fin de l'année, si j'ai manqué de performance toute la saison et que tout a été plus difficile que prévu, alors d'accord, il y aura peut-être un véritable sujet de discussion, il faudra se demander en détail pourquoi c'est plus difficile qu'avant, par exemple. Mais à Bahreïn, j'étais content et je surpassais probablement les limites de la voiture, tandis qu'à Imola je la sous-exploitais. Il faut quelques courses pour tirer le bilan.

Fernando Alonso, Alpine A521, une roue en l'air

Qu'est-ce qui vous motive en F1 et pas dans les autres compétitions ?

Eh bien, je pense que maintenant – surtout après la pandémie (sic) – c'est le championnat le plus à même de produire un bon spectacle et une bonne compétition. En 2018, quand j'ai quitté la F1, j'ai été très honnête avec tout le monde, j'ai dit que j'avais de meilleures sensations ou idées ailleurs qu'en Formule 1. J'avais des défis plus attirants à relever en WEC, en IndyCar ou au Dakar que ce que me proposait la Formule 1 à l'époque. En 2020, quand j'ai pris la décision de revenir, tous les autres championnats étaient sur la table, et je me suis dit que la Formule 1 était le meilleur défi à ce moment-là, et la meilleure compétition. Même avec la pandémie, les écuries restent très fortes et en bonne santé financière. Côté performance, elles produisent des voitures fantastiques et un bon spectacle.

En revanche, d'autres ont peut-être été affectés davantage par la pandémie, par la perte de sponsors, et tout le reste. L'IndyCar sera toujours un championnat sympa, mais j'étais peut-être davantage attiré par la F1. Le Dakar reste une chose que je peux faire à l'avenir, passer des années supplémentaires dans d'autres catégories n'est pas un problème. Et je crois que le WEC est dans une période de transition actuellement, avec l'hypercar, avant l'arrivée de tous les constructeurs – pas avant 2023. J'ai donc pensé que la Formule 1 était la meilleure option sur la table, contrairement à 2018. Mais ce n'est évidemment que mon opinion personnelle, c'est la motivation personnelle qui m'a motivé à choisir le nouveau défi.

Avec le plafond budgétaire et les courses sprint, pensez-vous qu'il y a un état d'esprit différent en F1 actuellement ? Est-elle en train d'évoluer, de se moderniser, et n'était-ce pas le cas en 2018 ?

Non, je pense qu'elle avait déjà cet état d'esprit en 2018. Je pense qu'à partir de l'arrivée de Liberty Media, la F1 a mieux su ce dont avaient besoin les fans. Pour donner un sens au spectacle, ainsi qu'à la performance et à l'ingénierie que l'on retrouve en Formule 1, il nous faut aussi écouter les fans et faire un bon spectacle le dimanche. Je pense que Liberty l'a compris dès le premier jour. Ils ont juste eu besoin de quelques années pour s'installer et produire de nouvelles idées. Et je pense, oui, que le plafond budgétaire, la réglementation 2022, les courses sprint – toutes ces choses ne sont là que pour produire de meilleures courses et un meilleur divertissement pour tout le monde.

Bref, je suis content. Je suis content de tout ce que je vois en F1. Et j'espère que ces courses sprint seront un succès cette année, et que nous pourrons les améliorer encore pour l'avenir après en avoir tiré des leçons. Cette année n'est qu'un test. Peut-être verrons-nous des choses qui sont bonnes, d'autres qui ne sont pas si bonnes, et peut-être qu'il y aura d'autres petites améliorations pour l'avenir. Je pense que nous sommes tous dans le même bateau. Et nous essayons tous d'aider Liberty là-dessus, car si c'est bénéfique à une personne, ce sera bénéfique à tout le monde.

Fernando Alonso, Alpine A521

Dans quelle mesure diriez-vous que 2021 est une simple préparation pour 2022 avec l'arrivée de la nouvelle réglementation ? Et êtes-vous encouragé de voir que Mercedes et Red Bull sont proches après un petit changement de réglementation pour cette année ? Cela vous convainc-t-il que n'importe quelle équipe pourrait remporter le titre l'an prochain, y compris Alpine ?

Il est difficile de répondre à la première question, car chaque week-end, on est au circuit et avec l'esprit de compétition on veut avoir des résultats, on veut se battre, on veut être performant. Mais avec le recul, oui, 2021 est une année de préparation, aucun doute là-dessus. Je pense qu'après le report de la réglementation 2021 à 2022, tout le monde sur la grille a compris et accepté que 2021 était une année de préparation, une saison post-COVID avec des voitures plus ou moins similaires à l'an dernier. Et c'est une saison pour tester les choses comme les courses sprint. C'est une saison test, d'une certaine manière, pour beaucoup de choses. Attendons et espérons que 2022 ne soit pas une continuation mais une révolution – c'est ce que nous voudrons.

Quant à se battre pour le championnat et à d'autres possibilités, c'est difficile à savoir. Je pense qu'il y a toujours une équipe qui obtient quelque chose de plus quand il y a une nouvelle réglementation, qui interprète les règles un peu différemment et obtient peut-être un avantage. Espérons qu'après deux ou trois ans, cette nouvelle réglementation qui va arriver en 2022 permettra des batailles très serrées entre de nombreuses équipes et sera meilleure pour l'avenir. Je ne sais pas si cela viendra en 2022, mais c'est sûr que ça viendra, cette compétition serrée, car je pense que toutes les réglementations sont faites pour couvrir autant d'astuces que possible et standardiser pour tout le monde les pièces influençant les performances des voitures, ainsi qu'essayer d'avoir une meilleure compétition, plus serrée.

Cela fait 20 ans que vous êtes arrivé en F1. Quelle est la différence entre la vitesse dans votre jeunesse et celle de maintenant ? Vous appuyez-vous davantage sur l'expérience désormais ? Quelle est la différence selon l'âge au fil des années ?

 Je pense, tout d'abord, que l'on gagne peut-être en maturité et que l'on travaille plus étroitement avec l'équipe. On apprend, avec l'expérience, que toutes les personnes autour de soi, tous les techniciens, ils ont tous les paramètres et toutes les connaissances pour aider à optimiser la performance de la voiture, les pneus, le pilotage, le freinage, etc. Quand on arrive en Formule 1 et qu'on est jeune, on écoute tout le monde, oui, on essaie de comprendre ce qu'ils essaient de dire, mais quand on baisse la visière, cela relève de l'instinct du pilotage, et on pilote sans compromis. Parce qu'auparavant, on n'est qu'en karting et en formules de promotion, où il faut survivre par soi-même, disons. On n'a alors pas autant de gens pour aider. Mais avec le temps, même si on s'appuie encore sur son instinct, on fait davantage partie de l'équipe et on essaie d'optimiser les choses. Ce n'est pas qu'on perd la vitesse, mais on pilote de la manière qu'on estime être la plus efficace de piloter la voiture. Et cela va peut-être parfois même à l'encontre de l'instinct, de ce que l'on ferait si l'on était seul en piste. Mais en fin de compte, on comprend, on croit et on est convaincu que c'est la meilleure manière de procéder pour trouver la performance globale.

Fernando Alonso, Alpine A521, Carlos Sainz Jr., Ferrari SF21

Pensez-vous que votre compatriote Carlos Sainz s'est bien adapté à Ferrari ?

Je ne sais pas, je ne sais pas. Nous n'avons vu que deux courses. Et je ne connais pas les performances de la voiture. Manifestement, elle a l'air très bonne, puisqu'ils étaient dans le top 5 le samedi lors des deux courses [c'était le cas de Leclerc, ndlr]. Je pense donc qu'il faut attendre quelques courses pour vraiment voir où se situent les voitures et, alors, se comparer un peu à la référence, à savoir le coéquipier, et voir ce que l'on a fait. C'est donc difficile à savoir maintenant, comment chacun s'adapte à sa voiture. Mais, comme je l'ai dit, le plus important est que Ferrari ait l'air plus compétitif que l'an dernier. Et cette voiture semble être en mesure de se battre pour la troisième place du championnat. On dirait qu'ils pourront même se battre avec Red Bull et Mercedes d'ici quelques courses. Je pense que c'est bien pour la F1, et évidemment c'est bien pour Carlos.

Vous avez remporté le Grand Prix d'Espagne à deux reprises : une fois en tant que Champion du monde avec Renault et une fois en tant que pilote Ferrari – c'était votre dernière victoire. Laquelle compte le plus à vos yeux ?

Gagner en 2006, certainement. Car ce que nous avons vu dans les tribunes en 2006, 2007, on ne le reverra jamais. Gagner devant ce circuit bleu, c'était incroyable. Et c'était inattendu. Je ne sais pas, j'avais un très bon sentiment. 2013, c'était évidemment… toutes les victoires sont agréables. Toutes les victoires à domicile sont agréables. Mais je pense que 2006, c'est quelque chose que je ne revivrai certainement jamais au niveau de la passion des gens et du soutien dans les tribunes.

Fernando Alonso passe sous le drapeau à damier

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