Le Mans 1972 : le jour où Hill a conquis la Triple Couronne

Il est le seul à avoir décroché ce que l'on appelle la Triple Couronne, donnant notamment envie à Fernando Alonso de tenter le même exploit. La dernière pièce de ce puzzle légendaire, c'est au Mans en 1972 que Graham Hill l'a obtenue.

VIDÉO - Le résumé des 24 Heures du Mans 1972

Revivez les meilleurs moments de l'édition 1972 dans la vidéo ci-dessus. 

Avant les 24 Heures du Mans 1972, Graham Hill avait eu vent du fait que son coéquipier n'était pas ravi de partager sa Matra avec un pilote de 43 ans dont le statut de vedette était peut-être sur le déclin. Au début de la saison 1972, Henri Pescarolo n'était pas le plus heureux des hommes. Il ne voulait pas retourner chez Matra, d'où il avait été évincé de l'écurie de F1 par le patron de la compagnie, Jean-Luc Lagardère, à la fin de l'année 1970. Et voici qu'on lui demandait de piloter une voiture avec quelqu'un qui, selon lui, ne partageait pas les mêmes ambitions.

"J'étais fâché parce que je pensais que ma première saison complète [en F1 en 1970] avait été fantastique : troisième place à Monaco et plusieurs arrivées dans les points", se souvient Pescarolo, dont la célébrité était naissante en Endurance. "Je ne m'attendais pas à une telle insulte de la part de Lagardère. Quand on m'a demandé de revenir, j'ai d'abord dit non. Au final, j'ai donné mon accord car je pensais que c'était la meilleure opportunité pour moi de gagner Le Mans. Juste après avoir dit oui, on m'a dit que Graham serait mon coéquipier. J'ai de nouveau dit que je ne voulais pas piloter pour Matra."

Lire aussi :

Pescarolo n'était pas certain qu'un vétéran qui n'avait pas couru au Mans depuis 1966 serait prêt à prendre les risques nécessaires pour gagner ce qui est sans doute la course la plus exigeante au monde. "Graham avait remporté le titre mondial [deux fois en F1] et il avait gagné les 500 Miles d'Indianapolis, c'était déjà une légende", poursuit le Français. "À cette époque, Le Mans était toujours une course dangereuse et je n'étais pas certain qu'il voudrait prendre des risques quand il pleuvrait la nuit ou dans le brouillard au matin."

Henri Pescarolo, Equipe Matra-Simca Shell, Matra-Simca MS670

Le journaliste Gérard "Jabby" Crombac a été le premier à persuader Henri Pescarolo de revenir chez Matra et d'avoir à ses côtés Graham Hill, un pilote avec lequel il était ami depuis les années 50 et qui avait été le témoin de son mariage. Encore fallait-il convaincre Pescarolo qu'un pilote qui roulait alors en F1 avec Brabham prendrait les 24 heures du Mans au sérieux. "Jabby m'a expliqué que Graham venait au Mans pour gagner", dit Pescarolo. "Son objectif était d'être le premier pilote à remporter le titre mondial [en F1], Indianapolis et Le Mans."

Les ambitions de Hill sont devenues évidentes lorsqu'il a commencé à piloter le prototype MS670 de Matra, comme s'en souvient Crombac dans une interview donnée trois ans avant sa mort en 2005 : "Quand Graham a commencé à piloter, il a été absolument exceptionnel. Il a été rapide tout de suite." Pescarolo a vite retrouvé le respect pour son nouveau coéquipier : "C'était un véritable professionnel et il s'est très vite intégré, car il a pris conscience qu'il était au bon endroit au bon moment pour gagner Le Mans."

C'est cette perspective de victoire qui a permis à Crombac – qui a joué un rôle déterminant dans la constitution du line-up chez Matra – de les attirer chez un constructeur dont les yeux étaient rivés sur les grands noms de la F1. "Lagardère m'avait dit de prendre des gens en F1, il voulait les meilleurs pilotes possibles", disait Crombac. "Ronnie Peterson voulait le faire, mais il est finalement allé chez Ferrari car il pouvait faire l'intégralité de la saison. Je crois qu'il était naturel que je demande à Graham. Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais j'ai senti qu'il était enthousiaste."

Graham Hill, Equipe Matra-Simca Shell, Matra-Simca MS670

La Matra était la voiture à avoir au Mans en 1972. Les changements de réglementation avaient envoyé la Porsche 917 en CanAm, de l'autre côté de l'Atlantique, et le constructeur français avait perçu l'opportunité.  L'écurie de F1 réduisit son engagement à une seule voiture pour Chris Amon et sans saison complète en Championnat du monde. Matra voulait concentrer ses ressources sur ses quatre voitures engagées au Mans. Son statut de favori fut renforcé par la décision de Ferrari de ne pas envoyer son équipe d'usine, malgré les meilleurs temps signés lors des essais préliminaires au mois de mars. Il y avait bien l'adversité proposée par la Lola-Coworth T280 d'Ecurie Bonnier et par Alfa Romeo, mais le soir de la course, la lutte pour la victoire ne concernait plus que Matra.  

Cependant, la voiture que beaucoup voyaient comme la mieux placée pour la victoire n'était pas à la bagarre. La paire constituée par Chris Amon et Jean-Pierre Beltoise, son coéquipier en F1 en 1971, était la plus en vue mais ils perdirent toute chance lorsque le moteur qu'Amon voulait faire remplacer à l'issue des qualifications explosa au bout de deux tours. Au volant d'une auto de 1971 évoluée, baptisée MS660C, Jean-Pierre Jabouille et David Hobbs avaient été retardés par une panne d'essence. La victoire devait donc se jouer entre les deux autres Matra, qui s'étaient qualifiées en première ligne : d'un côté celle de Graham Hill et Henri Pescarolo, de l'autre celle de François Cevert et Howden Ganley, partis en pole position.

Voir aussi :

Graham Hill n'a pas tenu un rôle de figurant dans cette lutte. Ceux qui étaient de l'aventure au sein de l'équipe Matra-Simca cette année-là sont convaincus qu'il a joué une part prépondérante dans la victoire. "Graham a remporté la course de deux manières", se souvenait Crombac. "D'abord, il a désobéi aux instructions et dépassé la voiture de Cevert et Ganley au mépris de celles-ci durant la nuit. Puis il a chaussé des pneus intermédiaires lors d'un arrêt au stand au petit matin."

Henri Pescarolo explique comment, tel Satanas, Graham Hill a contourné les règles chez Matra pour prendre l'avantage. "Il y avait un temps au tour que nous devions respecter et c'était très strict", raconte-t-il. "Nous n'étions pas autorisés à nous battre entre nous, mais le seul moment où il était impossible de contrôler les pilotes, c'est quand il pleuvait. Les conditions étaient très difficiles pendant la nuit et c'est le moment qu'il a choisi pour vraiment attaquer. C'est pendant la nuit qu'il a pris un avantage définitif."

La victoire était promise à Hill et Pescarolo avant même que Ganley ne perde du temps le dimanche midi suite à un accrochage. Alors à la tête de l'équipe Matra, Gérard Ducarouge en a la conviction. "J'en suis certain", dit-il. "Tous les deux ont piloté brillamment ce jour-là, mais Graham a fait quelque chose de vraiment spécial. Ce n'était pas un loser, et il n'y avait aucune chance qu'il laisse passer l'opportunité de gagner les 24 Heures du Mans."

La victoire fut endeuillée par la mort le dimanche matin de Jo Bonnier, un bon ami de Hill et également cofondateur de l'association des pilotes de Grand Prix. Mais c'était une autre époque, et Hill acheva son aventure avec Matra comme elle avait commencé : en riant.

Winners Graham Hill, Henri Pescarolo, Matra-Simca

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article
Article précédent En images : la nostalgie du pesage...
Article suivant Un Safety Car à hydrogène pour les 24H du Mans virtuelles

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France