Chronique

Ma Formule E Gen3 idéale, par Lucas di Grassi

La Formule E veut faire preuve d'ambition avec sa prochaine monoplace, mais d'après son Champion 2016-17, il faut être encore plus audacieux.

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler

Simon Galloway / Motorsport Images

La Formule E Gen3 qui doit être lancée pour la saison 2022-23 sera importante pour le championnat. Elle sera utilisée lors des trois ou quatre années suivantes, et les organisateurs vont devoir choisir avec soin parmi les entreprises candidates à la fourniture des diverses pièces – le châssis, la batterie et les pneus – pour s'assurer que la nouvelle voiture représente une véritable évolution. Qu'elle soit futuriste non seulement maintenant mais aussi lorsqu'elle prendra la piste pour la première fois et par la suite.

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Il faut réfléchir très longtemps en avance aux caractéristiques qui seront importantes, sans oublier toutefois que les nouvelles technologies sont généralement très coûteuses : il faut trouver le bon compromis. La Gen3 devra conserver une certaine pertinence aux yeux de l'industrie vers la fin de la décennie, tout en restant suffisamment bon marché pour les équipes au niveau des coûts opérationnels.

La FIA a annoncé en décembre prévoir que la Gen3 développe une puissance maximale de 350 kW (environ 470 ch) – soit 100 kW de plus que la Gen2 –, être moins longue, moins large et 120 kg plus légère, avec un rechargement rapide lors des arrêts au stand et une nouvelle batterie capable d'être complètement chargée en moins de 45 minutes.

La Formule E a également lancé un appel d'offres quant à un deuxième moteur sur l'essieu avant, qui ne servira toutefois que de générateur : les voitures resteront des propulsions. C'est le premier point sur lequel je souhaite m'exprimer.

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler

Quatre roues motrices et plus de puissance

Pour moi, il est vraiment important que la Gen3 ait quatre roues motrices et une puissance maximale accrue à 500 kW (670 ch). Mais avant que les gens rétorquent que c'est impossible sur des circuits urbains, je ferais en sorte que les voitures puissent être adaptées aux caractéristiques de chaque piste, plutôt que ce soit l'inverse.

Selon certaines simulations, une FE de 500 kW à quatre roues motrices pourrait accélérer aussi bien, voire mieux, qu'une Formule 1 de 0 à 200 km/h, elle serait donc très rapide. À cette vitesse, il n'est simplement pas possible de courir à Paris ou à Hong Kong – c'est pourquoi la F1 n'y va pas, outre le bruit et la pollution – mais en adaptant la FE, nous devrions pouvoir courir n'importe où.

Par exemple, sur certains circuits, on pourrait être en mode propulsion ; ensuite, en mode attaque, la puissance supplémentaire viendrait de l'essieu avant. Imaginez à Paris – 200 kW de puissance de l'essieu arrière, puis quand on utilise le mode attaque, 50 à 100 kW supplémentaires de l'avant. Sur des circuits plus ouverts tels que Mexico, la voiture pourrait avoir 400 kW et passer à 500 kW avec le mode attaque. Il est bien plus facile d'adapter la voiture au circuit que l'inverse, qui est très coûteux – comme Zandvoort vient de le découvrir – et compliqué.

Les gens qui n'ont jamais piloté une quatre roues motrices s'imaginent souvent que c'est bien plus facile qu'une deux roues motrices, mais ayant piloté une LMP1 hybride à quatre roues motrices, je peux vous dire que ce n'est pas le cas, c'est simplement une technique légèrement différente. C'est comme dire que parce que les WRC ont quatre roues motrices, elles sont plus faciles à piloter que des voitures de rallye à deux roues motrices. Certes, on va plus vite et on glisse davantage avec quatre roues motrices, mais il faut être très talentueux – sans doute plus talentueux – pour rouler à la limite.

Cela rendra nos monoplaces plus pertinentes, car toutes les voitures sportives électriques au monde finiront par être des quatre roues motrices, et elles seraient également plus complexes car les pilotes pourraient répartir cette puissance supplémentaire comme ils le veulent avec la meilleure capacité de régénération.

Avec 500 kW de puissance positive et 500 kW de puissance régénérative, on n'a presque pas besoin de freins mécaniques car toute l'énergie utilisée dans la zone de freinage va être employée pour recharger la batterie. La régénération haute énergie sera justement cruciale sur les prochains modèles commerciaux pour réduire la très fine poussière générée par les plaquettes de freins. Toutes les voitures de route n'utilisent pas forcément la régénération haute énergie, c'est donc quelque chose qui pourrait certainement être amélioré lors des prochaines années.

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler, Audi e-tron FE06

Pas de moteur standard, prenons l'actuel en double

Plutôt que de développer un nouveau groupe propulseur de 350 kW qui requerrait de toutes nouvelles pièces, je garderais l'actuel de 250 kW que tout le monde a déjà développé à un niveau très compétitif pour l'avoir en double, en gardant les mêmes pièces homologuées sur les essieux avant et arrière.

Actuellement, le projet est un moteur avant monotype, mais pour moi, ça n'a pas de sens. Comment un constructeur peut-il justifier que sa voiture ait la moitié du groupe propulseur avec un moteur dans lequel il a investi beaucoup de ressources quand l'autre moitié est partagée avec tout le monde ? Côté marketing, ce serait aussi très étrange s'il y avait une défaillance mécanique. Imaginez : "Le groupe propulseur avant a cassé, mais ce n'est pas notre faute."

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Lors de la Saison 1, la FE n'avait pas de motoristes et personne ne savait vraiment ce qui allait se passer, donc il fallait un groupe propulseur en commun pour mettre la machine en marche. Mais en Saison 2, les équipes étaient déjà libres de développer leurs propres solutions ; nous ne pouvons donc pas revenir à un groupe propulseur standardisé quand il est largement plus économique de dupliquer ce qu'ont déjà les écuries plutôt que de développer et comprendre un tout nouveau groupe propulseur. Le nombre de moteurs par pilote serait le même que lors des quatre premières saisons lorsque nous avions deux voitures, mais maintenant dans une seule. Le surcoût serait marginal, surtout par rapport au développement d'une toute nouvelle unité.

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler, Audi e-tron FE06

Le chargement rapide, ce sera pour plus tard

Le chargement rapide est l'un des éléments clés de l'annonce d'origine, mais je le retarderais et trouverais quelque chose d'autre pour faire varier les stratégies, car ce ne sera pas viable du point de vue des coûts.

Si je comprends bien, la FE a décidé de suivre ce chemin car cette technologie sera nécessaire à l'avenir. Je ne peux pas le nier, mais je ne commencerais pas l'ère Gen3 avec le chargement rapide car il accroîtrait les coûts énormément – en matière de logistique, d'opérations et de capacité des villes – et je ne pense pas que le chargement rapide incitera particulièrement les gens à regarder les courses.

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La Formule E a toujours eu pour objectif de repousser les limites de la mobilité, et l'on pourrait ainsi affirmer que retarder le chargement rapide pour une question de coûts ne respecterait pas l'esprit de la FE. Mais il ne faut pas perdre de vue ce facteur : cette dépense ne serait pas justifiée par ce progrès technologique. Les gens auront besoin du chargement rapide, mais d'ici 2023 ce ne sera plus une nouveauté, donc dans tous les cas, la FE ne serait probablement pas avant-gardiste. Je ne pense pas que ce soit nécessaire pour un spectacle de divertissement comme la FE, donc autant patienter et évaluer la situation après la première saison de la Gen3. Mais la voiture doit pouvoir en être équipée à l'avenir.

Lucas Di Grassi, Audi Sport ABT Schaeffler

Des courses nocturnes

Ce qui manque en FE, ce sont les courses de nuit. Ma Gen3 idéale aurait donc des phares et serait capable de rouler la nuit. Cela aiderait chaque marque à bâtir son identité sur la voiture, un peu comme dans la catégorie DPi de l'IMSA, mais au lieu de changer la carrosserie, on pourrait simplement ajouter des phares qui seraient dérivés de ceux des modèles de série.

Les courses urbaines de nuit seraient exceptionnelles, et il n'y aurait pas besoin d'installer des systèmes d'éclairages coûteux et inefficaces comme on en voit au Grand Prix de Singapour. Nous pourrions mettre des LED sur la voiture et créer un autre facteur de difficulté pour les pilotes. Ce sera plus divertissant pour le public : un grand spectacle visuel.

Faire plus de bruit

Sur cette lancée, je souhaiterais également ajouter un son artificiel à la voiture. Les gens peuvent dire que c'est faux, mais qu'est-ce qu'un faux son et qu'est-ce qu'un vrai son ? Si l'on change l'échappement d'une voiture, cela crée-t-il un faux son ?

L'Union européenne impose que les voitures électriques émettent un son dans les zones urbaines à partir de 2023. Ce serait donc très cool si les écuries de FE pouvaient développer leurs propres sons pour que les gens les téléchargent et les uploadent sur leurs propres voitures. On pourrait bien mieux interagir avec les fans, et les équipes pourraient avoir des sons différents pour différentes courses – par exemple, en Italie, une écurie pourrait configurer sa voiture afin qu'elle ait le même son qu'une Ferrari F1 à moteur V12 du début des années 1990. Il n'y a pas de vraies limites, donc si le son est le problème, créons-en !

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