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Comment la F1 high-tech a changé le rôle d'ingénieur de course

Entre ce qu'il était il y a une dizaine d'années et ce qu'il est aujourd'hui, le rôle d'ingénieur de course en Formule 1 a considérablement changé, dopé par le flot de données disponibles en temps réel.

Charles Leclerc, Ferrari SF21

Charles Leclerc, Ferrari SF21

Charles Coates / Motorsport Images

En Formule 1, un ingénieur de course était habitué à recueillir les commentaires d'un pilote et à les traduire pour modifier la voiture. Mais désormais, ce rôle est devenu très complexe. Il exige d'une personne qu'elle ne s'occupe pas seulement de l'aspect pilotage, mais d'être au sommet d'une chaîne de communication qui inclut le muret des stands, le garage et l'usine à distance pour offrir une analyse en temps réel. Pour le dire simplement, un ingénieur de course est maintenant pour le pilote une interface alimentée par des données en "live".

Les récents Grands Prix affectés par la météo, en Russie et en Turquie, où ingénieurs de course et pilotes ont eu des décisions cruciales à prendre, ont mis en évidence l'importance des relations entre les pilotes et le muret des stands. C'était la preuve parfaite que l'ingénieur doit désormais canaliser toutes les informations supplémentaires dont il est abreuvé, que ce soit en provenance du pilote comme des stratèges, des experts météo et des analystes de données dans le garage ou à l'usine.

Les messages radio que nous entendons ne sont que la face visible de l'iceberg quand il s'agit de comprendre les succès et les échecs de la relation pilote-ingénieur. En effet, il ne s'agit pas d'un sens unique où l'ingénieur prend en compte les informations des pilotes pour mieux ajuster la voiture. Désormais, c'est un dialogue constant et son rôle est d'être la colonne vertébrale d'un week-end réussi à tout moment. Pour Laurent Mekies, directeur de la compétition chez Ferrari et précédemment passé par Arrows, Minardi, Toro Rosso et la FIA, le travail d'ingénieur de course est beaucoup plus proactif aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années.

Laurent Mekies, Racing Director, Ferrari, in the Team Principals Press Conference

"La plus grosse évolution de ce rôle a été le coaching du pilote", explique-t-il à Motorsport.com. "Il y a quinze ou vingt ans, un ingénieur de piste pouvait difficilement donner des conseils de pilotage comme il peut le faire aujourd'hui, car il n'y avait pas de données en temps réel disponibles comme actuellement. La Formule 1 a énormément évolué. Le niveau d'analyse et d'estimation en temps réel nous donne aujourd'hui une connaissance bien plus approfondie des pneus. Nous pouvons aussi lire beaucoup plus de paramètres en temps réel et, dans l'ensemble, il y a davantage de capteurs sur la voiture. Cela nous permet d'interpréter les données que nous recevons de la voiture en temps réel et d'obtenir des informations qui sont ensuite transmises au pilote."

La croissance des écuries et le positionnement de l'ingénieur de course comme un entonnoir par lequel passent toutes les informations alimentant le pilote depuis de nombreuses parties externes signifie que la communication est reine. Mettre le désordre dans ce processus et laisser une information erronée s'infiltrer dans le système peut faire toute la différence entre un potentiel excellent résultat et un échec total. Les complications croissantes de ce rôle étendu font de l'entraînement à une bonne communication un prérequis, tout comme l'analyse permanente des performances.

"Chaque équipe a son propre type de procédure de communication, qui va au-delà de l'aptitude d'un seul ingénieur", précise Laurent Mekies. "Nous faisons des tests et il y a un entraînement spécifique. Après les week-ends de course, nous écoutons et analysons de nouveau à la fois les communications que l'on entend via la radio entre l'ingénieur et le pilote, et celles qui se tiennent dans la chaîne interne de communication. Si l'on prend l'exemple de Sotchi, ces informations comprenaient les prévisions météo, l'état des pneus de tous les pilotes en piste, la voiture et le rythme au tour des adversaires, et toutes les données lues en temps réel. C'est une chaîne de commande combinée avec des protocoles de communication, des échanges et des décisions qui passent par le garage à distance, le garage sur le circuit, le muret des stands et, enfin, le pilote. Nous avons besoin d'un temps de discussion, de décision et de communication."

Toto Wolff, Team Principal and CEO, Mercedes AMG, and colleagues on the pitwall

Il y a néanmoins un aspect qui doit être adapté à la préférence de chaque individu : ce que le pilote aime et veut entendre. Chaque ingénieur de course finit par développer sa propre approche pour remplir son rôle, essayant de marier le flot d'informations avec le caractère de celui qui est dans le cockpit.

"Tous les pilotes ne veulent pas la même quantité d'informations", confirme Laurent Mekies. "Tous ne les veulent pas au même moment ou de la même manière. Il y a des pilotes qui veulent être motivés, d'autres qui préfèrent qu'on les laisse tranquille. Il y a des pilotes qui demandent constamment les chronos, et cette information sert de point de référence. Mais il y en a d'autres qui préfèrent une approche plus silencieuse, avec des communications réduites au minimum. Les relations entre l'ingénieur et le pilote sont fondamentales et il est nécessaire de comprendre l'approche correcte pour mettre le pilote dans les meilleures conditions. La manière de communiquer, tout comme le ton, doivent être compris dans leur contexte. Parfois un échange qui paraît plus excité cible la personnalité du pilote et apporte ce dont il a besoin de la meilleure des manières."

Tout comme les pilotes sont sous pression pour faire ce que l'on attend d'eux en piste sans commettre d'erreur, la marge de tolérance est réduite quant à ce qui peut mal se passer en provenance du muret des stands. Le métier d'ingénieur de course n'est pas facile. "Ce n'est pas un rôle pour les âmes sensibles", tranche Laurent Mekies. "Le défi est de faire moins d'erreurs que les autres, car tout le monde en fait."

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