Quand les pilotes de F1 roulaient en plein hiver

Les fans de F1 prennent leur mal en patience pendant l'hiver, se remémorant la saison passée, visionnant quelques vidéos sur YouTube ou lisant les derniers articles de Motorsport.com. Mais cela n'a pas toujours été le cas. Par le passé, le Championnat du monde a aussi démarré beaucoup plus tôt, en plein hiver européen !

Jean-Pierre Jabouille, Renault, Didier Pironi, Ligier, Gilles Villeneuve, Ferrari, au départ

Jean-Pierre Jabouille, Renault, Didier Pironi, Ligier, Gilles Villeneuve, Ferrari, au départ

LAT Images

Même s'il s'agrandit d'année en année, le calendrier du Championnat du monde de Formule 1 respecte des dates bien précises, la saison débutant au mois de mars et se terminant peu avant l'hiver. Mais autrefois, de plus grandes libertés étaient prises dans l'élaboration de ce calendrier, en particulier concernant les épreuves disputées dans l'hémisphère sud. Ainsi, au début de la retransmission télévisée des courses, les spectateurs européens frigorifiés pouvaient suivre, entre les mois de janvier et février, des Grands Prix disputés des milliers de kilomètres plus bas sous une chaleur de plomb.

Un petit flashback s'impose. Au début des années 1950, le Championnat du monde n'avait de mondial que le nom. Tous les Grands Prix se tenaient en Europe, à l'exception des 500 Miles d'Indianapolis, une épreuve boudée par les pilotes de F1 puisque les monoplaces américaines n'avaient rien à voir avec les européennes. En fait, il a fallu attendre 1953 pour voir une "vraie" manche extra-européenne être ajoutée au calendrier, la première située sous l'équateur.

L'Argentine avait déjà une certaine expérience avec la Formule 1 puisque l'ACA, l'Automobile Club d'Argentine, avec le soutien du président Juan Perón, organisait chaque année depuis 1947 une série de courses de Formule Libre (ouvertes aux F1 donc) baptisée "La Temporada". Et pour attirer les grands noms de l'époque, majoritairement européens, ces courses hors-championnat avaient lieu lorsque l'Europe était à l'arrêt, en hiver évidemment. Les pays de l'hémisphère sud n'avaient pas de problème de neige ou de verglas à gérer puisque, en raison de l'inclinaison de la planète, ils connaissent les températures les plus fortes de l'année pendant les périodes les plus froides de l'hémisphère nord, et vice-versa.

Satisfait par le succès de sa Temporada, l'Argentine passa à la vitesse supérieure en organisant son premier Grand Prix de Formule 1 en 1953, toujours en début d'année. Les pilotes de F1 avaient patienté jusqu'au 18 mai pour débuter la saison 1952. Cette fois-ci, ils se mirent en scelle dès le 18 janvier.

De 1953 à 1960, jamais plus tard que le 7 février, l'Argentine a eu l'honneur d'ouvrir la saison. Mais avec la retraite de Juan Manuel Fangio et l'instabilité économique et politique régnant dans le pays, l'épreuve a été déprogrammée en entrant dans la nouvelle décennie. 

31 décembre 1967 : Colin Chapman, Jack Brabham et Jim Clark fêtent le Nouvel An. Quelques heures plus tard, Clark remportera le Grand Prix d'Afrique du Sud

31 décembre 1967 : Colin Chapman, Jack Brabham et Jim Clark fêtent le Nouvel An. Quelques heures plus tard, Clark remportera le Grand Prix d'Afrique du Sud

Une fois encore, les États-Unis se sont retrouvés isolés au calendrier mais dès 1962, une nouvelle épreuve extra-européenne a été ajoutée sur un circuit africain. 

À l'époque, l'Afrique du Sud organisait également sa propre Temporada avec un championnat local chevauchant les mois de décembre et janvier. Mais contrairement à ce qui a été vu en Argentine lors de la décennie précédente, le règlement F1 y était appliqué et non les règles plus permissives de la Formule Libre. Par conséquent, les épreuves en Afrique australe étaient beaucoup plus intéressantes pour les Européens, constructeurs britanniques en tête. Rapidement, les Grands Prix du Cap, du Rand et du Natal sont devenus des évènements majeurs avant d'être éclipsés par l'arrivée du Grand Prix d'Afrique du Sud au calendrier du Championnat du monde.

La course faisait véritablement figure d'OVNI, tout d'abord parce qu'elle était la seule manche de l'hémisphère sud à cette époque, mais aussi parce qu'elle était complètement isolée : plus de 60 jours se sont écoulés entre le Grand Prix des États-Unis 1962 et la finale de la saison, à East London. Rebelote l'année suivante, cette fois-ci avec le Grand Prix du Mexique.

Il n'y a pas eu de Grand Prix d'Afrique du Sud en 1964 mais celui de 1965 a été repoussé à janvier... le 1er, pour être plus précis. Une bien mauvaise nouvelle pour John Surtees puisque le pilote Ferrari a dû remettre son titre en jeu seulement 68 jours après l'avoir obtenu ! Et aussi surprenant que cela puisse paraître, un autre Grand Prix de F1 s'est tenu le 1er janvier, toujours en Afrique du Sud : c'était en 1968.

Dans les années 1970, le Grand Prix d'Afrique du Sud a trouvé une position moins exotique au calendrier, au début du mois de mars. Les températures restaient cependant très chaudes malgré le recul de l'épreuve. Ainsi, le Ranch de Kyalami, l'hôtel où logeaient les pilotes, avait davantage l'allure d'un centre de vacances !

Partie de ping-pong entre Jackie Stewart et François Cevert avant le départ du Grand Prix d'Afrique du Sud 1971

Partie de ping-pong entre Jackie Stewart et François Cevert avant le départ du Grand Prix d'Afrique du Sud 1971

Avec le retour de l'Argentine au calendrier – toujours en janvier – et l'éclosion du talentueux Emerson Fittipaldi, le Brésil voulait lui aussi sa place en catégorie reine et a fini par l'obtenir, en 1973. Compte tenu de la proximité géographique des deux pays, la manche brésilienne fut logée entre la dernière semaine de janvier et la première de février. L'Afrique du Sud suivait, cinq à six semaines plus tard.

Certains des moments les plus marquants des seventies se sont produits au Brésil, tels que la victoire de Carlos Pace, régional de l'étape, en 1975, ou encore le triomphe retentissant de Jacques Laffite et Ligier en 1979, déjà vainqueurs en Argentine deux semaines plus tôt. Le Grand Prix du Brésil était surtout très difficile pour les pilotes en raison de la chaleur écrasante de São Paulo. Si les spectateurs étaient rafraîchis par les lances à incendie des pompiers avant le départ, les pilotes, eux, n'avaient pas ce luxe. Et la nature tortueuse et bosselée du circuit d'Interlagos n'arrangeait rien à l'affaire !

Mais au début des années 1980, le cadre et le circuit d'Interlagos entrèrent en conflit avec la Formule 1 de Bernie Ecclestone. Peu avant la déprogrammation du Grand Prix d'Argentine à cause de la guerre des Malouines, le Grand Prix du Brésil déménagea à Rio de Janeiro, à une trentaine de kilomètres de la célèbre plage de Copacabana. Un paysage de carte postale qui donnait satisfaction aux caméras de télévision et aux généreux sponsors.

Ronnie Peterson, Patrick Tambay et Didier Pironi se baladent à moto près de la plage de Rio

Ronnie Peterson, Patrick Tambay et Didier Pironi se baladent à moto près de la plage de Rio

Enfin, il ne serait pas juste de conclure sans évoquer la Formule Tasmane, qui a fait les beaux jours du sport automobile en Australie et en Nouvelle-Zélande dans les années 1960. Tout comme c'était le cas en Afrique du Sud, les meilleurs pilotes européens se retrouvaient "down under" entre janvier et février pour étrenner leur nouvelle machine ou tout simplement pour assouvir leur passion de la course. Les épreuves phares étaient évidemment les Grands Prix de Nouvelle-Zélande et d'Australie, qui ne comptaient cependant pas pour le Championnat du monde.

Cela fait bien longtemps que l'Argentine et l'Afrique du Sud ont quitté le calendrier. Mais deux manches sous l'équateur subsistent encore aujourd'hui : la première en Australie, à Melbourne, l'autre au Brésil, à São Paulo. Pourtant, ni l'une ni l'autre n'ont lieu en janvier ou en février. 

Comment l'expliquer ? Peut-être par l'arrivée des grands constructeurs automobiles aux moyens presque illimités, peut-être par la prise de contrôle de Bernie Ecclestone du portefeuille du championnat. Toujours est-il que, dès la fin des années 1970, les dépenses ont explosé. Pour réussir en F1, il fallait désormais se concentrer sur le développement et sur les fastidieuses séances d'essais privés.

En conséquence, les équipes n'avaient plus de temps et plus d'argent à accorder aux épreuves hors-championnat, qu'elles se situent en début, milieu ou fin d'année. Le calendrier s'est quant à lui uniformisé, avec un coup d'envoi repoussé pour permettre aux équipes de peaufiner leurs nouvelles voitures et des Grands Prix séparés de trois à quatre semaines maximum.

23 janvier 1982 : Départ du GP d'Afrique du Sud, dernière course de F1 disputée en hiver

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