Les dernières péripéties de l'unique équipe brésilienne de F1

Emerson Fittipaldi est surtout connu pour ses deux titres de Champion du monde de F1 et ses deux victoires aux 500 Miles d'Indianapolis. Mais le Brésilien a également enfilé la casquette de directeur d'équipe. L'ancien designer de l'écurie Fittipaldi, Tim Wright, revient sur une période marquée par des conflits internes, un financement limité et des résultats blancs en dépit d'un excellent casting.

Chico Serra, Fittipaldi F9

Je suis récemment tombé sur une photo de la Fittipaldi F9, ce qui m'a ramené en 1982, lorsque je travaillais encore pour l'écurie brésilienne. J'étais chez McLaren à la fin des années 1970 quand Alastair Caldwell a quitté l'équipe pour prendre la direction de Fittipaldi. Il m'a convaincu de le suivre car ils avaient besoin de quelqu'un pour renforcer le design à la suite du départ de Ralph Bellamy pour Ensign. La seule autre personne de ce département était le regretté Ricardo (Richard) Divila, un employé de longue date des frères Fittipaldi, Emerson et Wilson.

À cette époque, l'équipe était basée au Slough Trading Estate. Je n'étais pas arrivé depuis bien longtemps au moment de la fusion entre Fittipaldi et l'écurie canadienne Wolf. Leur usine, plus grande que celle de Slough et avec de meilleures installations, était située dans la banlieue de Reading. De futurs grands noms du sport automobile y travaillaient déjà, dont Harvey Postlewhaite et Peter Warr, et on retrouvait Roy Topp, Dennis Davis et Charlie Moody parmi les autres membres de l'équipe.

Richard et moi-même avons donc rejoint cette nouvelle équipe mais Alastair s'est ravisé puisque Peter Warr occupait déjà le poste de directeur. On m'a nommé dessinateur en chef et la carotte tendue pour me garder à bord était ma seule et unique voiture de fonction, une Opel Ascona toute neuve. C'était un peu mieux que ma vieille Cortina !

Au sein du bureau de dessin, il y avait également Gary Thomas, un Sud-Africain enthousiaste qui avait travaillé avec Harvey pendant la période Wolf. La première année, 1980, était divertissante. C'était un plaisir de travailler avec Harvey, il avait toujours des idées intéressantes. On a débuté l'année avec la F7, un gloubi-boulga comprenant la F6 précédente et la Wolf WR7. Pendant la saison, un jeune aérodynamicien fraîchement sorti de l'Université de Southampton nous a rejoints. C'était Adrian Newey. Avec Harvey et les autres, il a conçu la nouvelle F8 juste à temps pour le Grand Prix de Grande-Bretagne.

Malheureusement, les résultats n'ont pas suivi en dépit du calibre des pilotes. Emerson Fittipaldi, double Champion du monde et engagé dans sa dernière saison, était épaulé par le débutant Keke Rosberg, qui avait piloté pour Wolf en 1979. Les deux avaient signé une troisième place au cours des quatre premières manches, Keke le faisant dès la première course, à Long Beach. Mais il a souvent été victime de pannes et, à trois reprises, n'a pas réussi à se qualifier.

En 1981, Harvey est passé chez Ferrari, donc Gary Thomas a pris la relève. Emerson, qui n'était plus pilote désormais, a ramené le champion 1979 de British F3, Chico Serra, pour l'associer à Keke. À ce moment-là, nous avons commencé à voir les problèmes avec la direction, il y avait de fréquentes disputes entre Peter Warr et Emerson, plus Wilson lors de ses visites occasionnelles à l'usine. Démotivé par la manière dont les frères Fittipaldi voulaient gérer l'équipe, Warr est reparti chez Lotus avant la fin de l'année et Emerson est devenu le nouveau leader sur le circuit. Newey a également senti le vent tourner et a judicieusement suivi les autres. Avec Bellamy, il s'est rendu chez March.

Certains fournisseurs avaient bloqué le compte de Fittipaldi en raison du non-paiement de factures au montant astronomique, ce qui a donné le signal d'alarme.

 Tim Wright

Wilson Fittipaldi était censé être à la recherche de sponsors au Brésil. Après la fin du partenariat avec Skol, nous avons entendu de belles histoires sur un accord avec la compagnie pétrolière Avia. Apparemment, l'essence du Moyen-Orient devait arriver au Brésil en passant par le Portugal mais je ne crois pas que cela se soit concrétisé. La voiture avait été peinte en blanc avec des bandes rouges et affichait même les logos d'Avia, qui ont été retirés au dernier moment. En interne, certains avançaient que la majorité des fonds destinés à l'équipe étaient redirigés au Brésil pour venir en aide à la nouvelle concession Mercedes de Wilson.

Aucun point n'a été inscrit en 1981. Classé septième à Long Beach, en lever de rideau, Chico n'a jamais fait mieux lors du reste d'une saison décevante. Au total, Chico et Keke ont manqué les qualifications 13 fois.

La flotte a été réduite à une seule voiture, pour Chico, en 1982. De son côté, Keke est parti pour Williams, un accord qui a plutôt bien marché pour lui puisqu'il a remporté cette année-là son premier et unique Championnat du monde.

La F8, devenue F8D, n'était pas plus compétitive en début de saison. Et le pauvre Chico faisait partie des cinq pilotes qui furent non-qualifiés à Monaco. Il a cependant inscrit le point de la sixième place au Grand Prix de Belgique, à Zolder, endeuillé par l'accident mortel de Gilles Villeneuve en qualifications. Ce fut le dernier point de l'équipe.

Le feu vert avait été donné pour dessiner la F9, rapidement construite afin d'être prête pour la dixième course, à Brands Hatch. On nous avait même promis des primes de 500 livres si nous arrivions à la terminer à temps pour le Grand Prix de Grande-Bretagne.

Selon moi, la suspension avant de la Brabham, avec un tirant associé à la partie inférieure de l'amortisseur, était une solution efficace. C'était certainement plus léger qu'une bascule en acier, et cela simplifiait le design du triangle supérieur. Cependant, une fois que nous avons conçu le boîtier recevant les croissants en acier dans lesquels logeaient les rouleaux fixés à l'amortisseur, le poids a augmenté. La suspension arrière était également munie d'un tirant mais l'installation était moins complexe puisqu'il était fixé aux quatre poteaux sous la boîte de vitesses Hewland.

À ce stade de l'année, nous avons été informés que certains fournisseurs avaient bloqué le compte de Fittipaldi en raison du non-paiement de factures au montant astronomique, ce qui a donné le signal d'alarme. Concernant la boîte de vitesses, un nouvel exemplaire était requis en raison des points de fixation différents sur la F9. Mais Hewland était l'un de ces fournisseurs nous ayant bloqués.

L'heure était au désespoir mais, grâce à quelques contacts utiles, Williams a accepté de nous acheter la boîte de vitesses, sans en parler à Hewland. Je n'ose imaginer comment cet accord a été conclu, mais cela nous a sauvé la mise !

Il y avait deux tôliers vraiment fantastiques chez Fittipaldi, dont Pip Coleman. Il a fait des miracles en façonnant certaines formes pour la voiture, de sorte que nous n'avions pas besoin d'avoir recours à la fibre de verre, ce qui nous a permis de tout faire en interne. Nous avions emmené la F9 à Snetterton pour un déverminage. Il faisait extrêmement chaud ce jour-là et, très vite, nous avons remarqué qu'il y avait un problème de refroidissement. C'était principalement dû à l'installation du radiateur, assemblé sans aucun conduit d'admission approprié. Je me souviens que Chico n'était pas particulièrement enjoué par les sensations au volant.

Finalement, la F9 n'a pas été terminée pour Brands Hatch, elle fit donc ses débuts au Paul Ricard pour le Grand Prix de France. Malheureusement, Chico n'a pas été autorisé à prendre le départ, tout comme à Dijon [au Grand Prix de Suisse] et au Caesars Palace. L'arrivée de la Fittipaldi F9 n'a pas changé le destin de l'équipe, qui a fermé ses portes à la fin de la saison 1982. Et je n'ai jamais reçu ces 500 livres !

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