Opinion

Plaidoyer pour le DRS, l'aide au dépassement mal-aimée

La saison 2021 marquera le dixième anniversaire du DRS, souvent très critiqué, mais le problème ne viendrait-il pas plus de sa mise en œuvre par les circuits que du dispositif en tant que tel ?

Alex Albon, Red Bull Racing RB16

Steven Tee / Motorsport Images

"Artificiel", "gimmick" ou encore "pansement", voici certains des qualificatifs qui reviennent quand il s'agit d'évoquer le Drag Reduction System (Système de réduction de la traînée, ou DRS) depuis son arrivée, au début de la saison 2011 de Formule 1. Le système – qui permet de redresser provisoirement le volet supérieur de l'aileron arrière et de réduire ainsi la traînée – était alors vu comme une solution rapidement intégrable, peu coûteuse et efficace pour faciliter les manœuvres qui faisaient défaut à la sortie de l'ère des ravitaillements, au cours de laquelle un "dépassement" était plus effectué par le biais d'un passage au stand qu'à travers un combat roue contre roue.

Le meilleur exemple de ce besoin a probablement été la dernière course sans DRS, le Grand Prix d'Abu Dhabi 2010, pendant lequel Fernando Alonso est longtemps resté coincé derrière Vitaly Petrov, sans parvenir à combler l'écart le séparant du pilote Renault pour pouvoir réellement envisager une manœuvre de dépassement. Cette mésaventure a privé Alonso d'un troisième titre mondial, au profit de Sebastian Vettel.

Depuis, une décennie de courses avec le DRS, celles sous la pluie faisant exception, ont suscité des critiques de la part des pilotes, des équipes et des spectateurs. Mais pour quelle raison ? S'il est tant contesté, pourquoi l'utiliser une onzième année consécutive en 2021 ?

"[Le DRS] va favoriser les dépassements", expliquait Adrian Newey, l'un des plus brillants ingénieurs travaillant en F1, au salon Autosport International avant le début de la saison 2011. "Il réduit la traînée de la voiture en ligne droite, il offre donc une meilleure vitesse de pointe. Il faut jouer avec et l'ajuster pour qu'il rende les dépassements possibles, mais pas trop faciles."

C'est ce dernier élément qui fait débat. La longueur des zones autorisant l'activation du DRS a souvent rendu les dépassements trop aisés, faisant naître la critique. Mais c'est un problème lié à la façon dont chaque circuit a intégré l'aileron mobile plus qu'un défaut lié au dispositif lui-même. Une décennie de données ne permet pas toujours de juger correctement les zones car de nombreuses variables entrent en compte dans l'efficacité du DRS, qu'il s'agisse de la puissance de la voiture, des niveaux d'appui et de la vitesse du vent.

La première saison a été faite de tentatives et d'erreurs, certains circuits optant pour deux zones d'activation, ce que les pilotes souhaitaient à l'époque, et la longueur de ces zones a évolué, afin de trouver le meilleur équilibre.

Son utilisation a permis l'une des remontées les plus légendaires de l'Histoire de la F1, celle de Jenson Button au GP du Canada 2011, sur une piste séchante, permettant au Britannique de prendre l'avantage sur Michael Schumacher en fin d'épreuve avant un dépassement sur Vettel, poussé à la faute dans le dernier tour, pour la victoire. Sans l'aileron mobile, Button aurait difficilement pu doubler Schumacher, et pas suffisamment tôt pour pouvoir combler l'écart le séparant de Vettel.

Quand le DRS est employé correctement, les courses en deviennent plus spectaculaires. Au GP d'Espagne 2017, il a d'abord permis à Vettel de prendre la tête à Valtteri Bottas, puis à Lewis Hamilton de doubler le pilote Ferrari. Le Circuit de Barcelona-Catalunya est réputé pour la difficulté de ses dépassements et même si le DRS les rend possibles au premier virage, aucune des manœuvres vues cette année-là ne permet de tirer des conclusions définitives.

Comme le disait James Allison, alors directeur technique de Renault, en 2011 : "Il faut garder à l'esprit l'objectif [du DRS]. Il s'agit de donner à la voiture de derrière ce petit avantage pour rendre possible une manœuvre qui ne l'aurait pas été sans."

Ceux qui estiment que les dépassements ne sont pas nécessaires pour rendre une course passionnante – souvenez-vous de Gilles Villeneuve contenant un train de voitures plus rapides au GP d'Espagne 1981 – ont un argument défendable, mais le DRS n'a pas fait disparaître les courses de cette nature.

Valtteri Bottas l'a illustré à la perfection en contenant Sebastian Vettel dans les derniers tours du GP de Russie 2017, pour décrocher son premier succès. Ceux qui critiquent le système n'ont qu'à se pencher sur le circuit de Yas Marina pour constater que les dépassements ne sont pas devenus une formalité, puisqu'ils y restent rares malgré deux zones de DRS.

Au fil du temps, l'aileron mobile a perdu en influence, à travers l'abandon de son usage illimité en essais et en qualifications pour le cantonner aux zones permises pendant la course, tandis que le dispositif a perdu en efficacité en raison d'une réduction de la taille du volet.

Au cours de ces dix années, le DRS été adopté par d'autres championnats comme la FIA F2, la FIA F3 et le DTM, qui a permis son utilisation pour les pilotes à moins de trois secondes d'un rival, contre une pour les autres catégories. Mais malgré sa généralisation, le système reste mal-aimé. Andreas Seidl a partagé sa volonté de le le voir disparaître avec la nouvelle génération de monoplaces.

"J'ai toujours le rêve qu'avec le règlement que nous aurons à partir de 2022 et le plafond budgétaire, nous puissions un jour renoncer à tout dispositif permettant des dépassements artificiels", a expliqué le patron de l'équipe McLaren. "[Nous pourrions avoir] un bon spectacle simplement avec un plateau compétitif et des voitures qui permettent de se suivre de près."

Personne ne s'opposerait à des combats plus rapprochés entre les pilotes mais tant que les changements nécessaires ne seront pas mis en œuvre sur les voitures, peu d'alternatives seront possibles pour améliorer la compétition et le spectacle.

Dix ans après son arrivée, le DRS ne fait peut-être pas l'unanimité mais avec des monoplaces qui génèrent toujours trop de turbulences pour se suivre facilement et des circuits inadaptés aux besoins de voitures plus rapides et plus larges, il offre certainement une chance de dépassements plus nombreux et de courses plus divertissantes – quoiqu'en disent ses détracteurs.

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