Interview

Nicolas Todt : Plus Leclerc est sous pression, plus il est performant

Alors que Charles Leclerc a été titularisé chez Ferrari pour remplacer Kimi Räikkönen en 2019, Motorsport.com s'est entretenu avec le manager du pilote monégasque, Nicolas Todt.

Charles Leclerc, Sauber

Photo de: Steven Tee / Motorsport Images

Comment et quand avez-vous été en contact avec Charles pour la première fois ?

"Je l'ai connu par l'intermédiaire de Jules [Bianchi], il y a sept ans. Cela faisait longtemps désormais que je suivais Jules, et un jour il m'a dit que le petit frère de Lorenzo, son ami le plus proche, avait bien commencé sa carrière en karting, mais qu'il traversait une période difficile à cause d'un manque de budget. À ce moment-là, j'investissais déjà financièrement sur Jules, mais ça m'a semblé bien de le rencontrer, ne serait-ce que par respect et politesse. J'ai donc rencontré Charles et son père, je me souviens encore le voir habillé en noir. Ils m'ont confié plus tard qu'ils étaient très stressés avant cette rencontre ! Ils m'ont expliqué ce qu'ils avaient fait jusqu'alors et Charles m'a tout de suite fait bonne impression."

Cette rencontre devait être une formalité, et au contraire…

"Je ne savais pas ce que valait ce garçon, mais il m'avait frappé. J'aurais été désolé de le voir s'arrêter comme ça, de cette façon, alors je lui ai fait une proposition : financer sa saison suivante en karting, avec la promesse que s'il faisait une bonne saison, je continuerais à soutenir sa carrière."

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Il est évident qu'à partir de là, il a toujours été très compétitif.

"Il a toujours été au-delà des attentes. En karting, il a toujours été au top. Quand il a débuté en monoplace, dès sa première année en Formule Renault il a terminé deuxième dans le championnat européen, derrière De Vries, pilote qui en était à sa troisième saison dans la catégorie. Une fois passé en Formule 3, il a été le meilleur rookie de la saison 2015, puis sont arrivés les succès en GP3 Series et en Formule 2, toujours l'année de ses débuts dans la catégorie."

Charles Leclerc, Sauber, sur la grille avec son manager Nicolas Todt

Il n'y a pas eu de moments difficiles ?

"Il y a eu un passage critique, en 2015. Charles a débuté en Formule 3 et il a très bien commencé : à la mi-saison avec le team Van Amersfoort [l'équipe qui avait fait débuter Verstappen la saison précédente, ndlr], Charles avait marqué plus de points que Max et il était en lice pour le titre. Et puis tout à coup, il est passé d'une place stable dans le top 3 à se battre dans le top 10. Un changement brusque, peut-être dû à plusieurs facteurs, mais je crois que l'un d'eux a particulièrement pesé. L'ingénieur responsable technique de l'équipe est parti à la mi-saison pour des raisons personnelles, et les performances n'ont plus été les mêmes. Charles a néanmoins bouclé la saison en quatrième position, et à peine un mois plus tard, à Macao, il a fait un excellent week-end, se classant deuxième à un cheveu du vainqueur [Felix Rosenqvist]. Deux tours de plus et il y serait arrivé."

L'année 2015 l'a vu intégrer la Ferrari Driver Academy.

"Absolument. Fin 2015, Charles a rejoint la FDA et cela l'a mené à progresser encore plus. Ferrari l'a aidé à bien des égards. Préparation physique, mentale, et aussi la contribution du simulateur, qui a joué un rôle important. Bien entendu, cela s'est aussi accompagné d'une pression plus forte, ce qui est normal quand on fait partie du monde de Ferrari. Mais nous avons agréablement constaté que plus la pression à laquelle Charles était soumis était forte, plus ses performances en piste étaient élevées ! C'est un aspect essentiel, parce que je crois qu'aujourd'hui, dans le paddock, tous les pilotes ont d'excellentes capacités en termes de vitesse, mais ce qui fait la différence c'est la tête, et de ce point de vue, je crois que Charles est très solide."

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Y a-t-il eu un moment où il vous a particulièrement surpris ?

"Il m'a toujours impressionné, mais la saison en Formule 2 a vraiment été quelque chose de particulier. Il a battu tous les records, il nous a offert des courses incroyables, comme à Bahreïn, il a démontré qu'il avait quelque chose en plus. En GP3 aussi, il s'était approprié le championnat, mais la manière dont il a fait la différence en Formule 2 a été vraiment particulière. Il y a aussi eu des week-ends difficiles, à cause de problèmes mécaniques ou de disqualifications qui l'ont obligé à partir depuis le fond de la grille, et c'est précisément dans ces moments-là qu'il a donné le meilleur de lui-même. Quand on pense qu'à l'époque de la Formule Renault il stressait parfois trop, il montait facilement 'dans les tours', mais avec le temps il a changé, il a transformé un aspect problématique pour en faire un de ses points forts."

Charles Leclerc, PREMA Powerteam

C'est vous qui avez annoncé à Charles officiellement son passage chez Ferrari ?

"Non, Maurizio Arrivabene l'a appelé. J'ai revu Charles pour la première fois depuis l'annonce à Singapour !"

La satisfaction du manager est-elle comparable à celle du pilote ?

"Je crois que le véritable rôle de manager est d'aider un pilote dans les moments les plus difficiles, quand il a besoin de soutien. Si tout va bien, tout est plus simple. La route est encore longue pour Charles, mais je ne cache pas qu'en être arrivés à ce qu'il soit choisi par Ferrari est tout de même une source de satisfaction."

Comment va changer la vie autour de Charles désormais ?

"C'est un autre aspect de ce travail qui commence. Quand on se retrouve sous les projecteurs, comme ce sera désormais le cas de Charles, beaucoup d'aspects de la vie deviennent plus frénétiques, on est beaucoup plus demandé. Je connais déjà ce passage, parce que je l'ai vécu avec Felipe [Massa]. Il est bien entendu très gratifiant, mais en même temps plein de pièges. Un jour on est une star, le lendemain une déception. Il faut savoir gérer cet aspect-là, sinon on risque d'être dépassé. Devenir tout à coup populaire à 20 ans, c'est un passage délicat et il faut faire attention. J'espère pouvoir lui donner les bons conseils pour avancer de la meilleure manière possible."

Toujours en gardant un œil sur les très jeunes pilotes ?

"Oui, bien entendu. Je crois beaucoup dans un jeune Brésilien de 16 ans, Caio Collet. Il a débuté cette année en monoplace et il est leader du championnat de France de Formule 4. Pas mal, non ?"

Charles Leclerc, Sauber C37 sur la grille

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