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Pironi : la tragédie du pilote vedette Ferrari le plus mal aimé

Il y a 33 ans aujourd'hui, Didier Pironi se tuait accidentellement dans une course offshore. Après la mort en 1982 de Gilles Villeneuve, son coéquipier chez Ferrari, il était devenu un personnage clivant en Formule 1, mais qui aurait pu être sacré Champion du monde.

Didier Pironi, Ferrari 126CK

Photo de: LAT Images

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Trente-huit ans se sont écoulés depuis la disparition de Gilles Villeneuve, pilote le plus aimé de sa génération et sans qui, pour beaucoup, la course automobile n'a plus jamais été la même. Le comportement de son coéquipier chez Ferrari, Didier Pironi, a été l'un des facteurs de l'accident de Zolder. À Imola, deux semaines auparavant, les voitures rouges filaient vers un doublé, Gilles en tête. Mais dans le dernier tour, dans l'ultime zone de dépassement, Pironi l'avait doublé brusquement et lui avait volé la victoire. Jusqu'à ce moment-là, Villeneuve avait une grande confiance en Pironi, mais dès lors il se jura de ne plus jamais lui parler : treize jours plus tard, dans un tour rapide en fin de qualifications, l'accident se produisait. 

Pironi a toujours clamé son innocence dans la polémique d'Imola, assurant qu'il pensait que les deux hommes se battaient pour la victoire. Les faits – notamment le message "Slow" passé via le panneautage du muret des stands – laissent penser le contraire, mais Villeneuve était parti, laissant Pironi maître de tout ce qu'il avait fait chez Ferrari. L'émotion était vive. "À Imola, c'était plus que voler une victoire", confie une figure éminente du paddock. "Pironi savait quel effet cela aurait sur quelqu'un avec la mentalité de Gilles, et il voulait le miner."

Ferrari team-mates Didier Pironi and Gilles Villeneuve

Didier Pironi et Gilles Villeneuve, alors coéquipiers chez Ferrari.

D'une certaine manière, Pironi était quelqu'un de calme, presque timide, et en 1981 il paraissait heureux de jouer le rôle de numéro 2 chez Ferrari. Tout au long de cette saison-là, Pironi s'était montré humble, insistant sur ses relations étroites avec Villeneuve, sur la manière dont Gilles l'avait aidé. En réalité, les démons vivaient en lui : comment était-ce possible, à voiture égale, pour l'un de vaincre l'autre ?

Avant de rejoindre Ferrari, Didier avait été impressionnant lorsqu'il pilotait pour Ligier, remportant un Grand Prix en 1980 mais étant souvent contraint d'abandonner à cause du manque de fiabilité. Avoir Jacques Laffite pour coéquipier était une chose, avoir Villeneuve en était une autre. "Lorsque Gilles était encore en vie, il paraissait tellement évident qu'il était le meilleur que nous avons peut-être sous-estimé Didier, car il était en général battu par un autre avec la même voiture", confie Mauro Forghieri, ex-designer de Ferrari. 

À l'approche de la saison 1982, et avec un châssis conçu par Harvey Postlewhaite, Ferrari semblait dans une bonne dynamique. À Kyalami, aucune voiture n'avait vu l'arrivée, mais Villeneuve avait mené l'essentiel du Grand Prix du Brésil, se montrant encore une fois clairement plus rapide que Pironi. 

Après les qualifications à Rio, Gilles avait demandé à me parler. Il était question de Didier, qui venait de subir un gros accident en essais sur le Paul Ricard : "Il est un peu secoué, mais il ira bien pour le prochain Grand Prix. Peux-tu demander à tes confrères d'y aller doucement avec lui ce week-end ?" Cela démontrait un altruisme pourtant presque inexistant chez les pilotes de Grand Prix, qui laissent rarement passer une opportunité de capitaliser sur les faiblesses d'un coéquipier. Villeneuve était un homme sans ruse, et au lendemain de sa mort, on se demandait si Pironi avait la moindre idée de l'amitié qu'il avait gâchée. 

Didier Pironi and Gilles Villeneuve in the pit garage together

Didier Pironi et Gilles Villeneuve.

Peu de temps avant le week-end d'Imola, Didier s'était marié avec Catherine, sa petite amie de longue date. Si le directeur de l'équipe Ferrari, Marco Piccinini, était présent en tant que témoin, Gilles et sa femme Joann n'étaient pas invités. Il avait trouvé cela étrange, et l'avait mentionné lors des journées d'essais libres. "Joann dit que je ne devrais pas être surpris", avait-il confié en haussant les épaules. "Elle n'a jamais eu confiance en Didier..."

Deux semaines après Zolder, tout le monde s'est retrouvé à Monaco où Pironi, désormais seul pilote Ferrari, avait terminé deuxième. Avait suivi une troisième place à Détroit, puis arrivait le rendez-vous de Montréal, où il avait décroché la pole position sur ce circuit tout juste renommé pour honorer la mémoire de Villeneuve. "Je veux la dédier à Gilles", avait-il réagi, "car nous savons tous que s'il avait été là, il aurait été en pole." À ce moment-là, je parlais avec Keke Rosberg, qui murmura : "Sans lui, Gilles aurait été là..."

C'était le reflet de ce que beaucoup de monde ressentait. Dans le même temps, l'animosité envers l'homme n'altère pas le jugement du pilote qu'il était. Dans la voiture, Didier était très bon, il devenait un grand, et nombreux sont ceux qui le voyaient comme le probable Champion du monde 1982. Sur la grille de départ de Montréal, il cala, et l'Osella du rookie Riccardo Paletti vint heurter la Ferrari. Il succomba une heure plus tard, après avoir souffert de terribles blessures. 

À Zandvoort, Pironi s'imposa de façon brillante, puis termina deuxième à Brands Hatch, ce qui lui permit de prendre la tête du championnat pour la première fois. C'est dans un état d'esprit confiant qu'il aborda son Grand Prix à domicile sur le Paul-Ricard. Postlethwaite le dit de manière encore plus forte : "Quelque chose de très étrange est arrivé à Didier. Il avait de gros problèmes personnels, mais ça ne semblait pas le préoccuper. Il était devenu incroyablement arrogant et trop sûr de lui à propos de tout, y compris  quant au fait qu'il allait devenir Champion du monde."

Didier Pironi, Ferrari 126C2

Il avait certainement de gros problèmes personnels, car il sortait avec une actrice qu'il avait rencontrée lors d'une séance photos pour Paris Match. À peine trois mois après, son mariage était terminé. Au Paul Ricard, incapable de résister aux Renault, Pironi avait terminé troisième et augmenté son avance en tête du championnat. Puis ce fut Hockenheim.

Le samedi matin, j'étais arrivé un peu en retard, et les essais libres avaient déjà commencé. Il avait fait très chaud la veille, mais désormais c'était froid et trempé. Depuis le parking, j'ai regardé un peu par hasard vers le bout de la ligne droite précédant le stadium, et j'ai vu une voiture rouge dans les airs, le museau pointé vers le ciel. Elle a d'abord atterri sur l'arrière, puis a commencé à faire des tonneaux avant de s'immobiliser sur le côté. Pironi avait subi d'affreuses blessures en bas des jambes, si fréquentes à une époque où les pilotes étaient quasiment assis entre les roues avant. Quant à son visage ensanglanté, il portait le masque de l'agonie alors que le médecin Sid Waktins et les secours s'occupaient de lui. 

Se rétablissant au fil du temps, Didier commença à parler d'un retour en Formule 1, et Enzo Ferrari lui avait promis qu'il y aurait une voiture pour lui. Cependant, personne ne l'avait trop pris au sérieux. Pironi avait piloté une voiture de course pour la dernière fois. Cinq ans plus tard, il s'était tourné vers les courses de bateaux offshore. Le 23 août 1987, il perdait la vie dans un accident au large de l'île de Wight. Il y avait de la tristesse dans le paddock, mais peut-être moins de chagrin qu'il aurait pu y avoir.

Didier Pironi, Ferrari 126C2

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