La Formule E "a besoin d'une Formule 1 forte"

Le regain d'intérêt pour la Formule 1 n'est pas néfaste à la Formule E, assure Frédéric Espinos, directeur sportif du championnat.

Jean-Eric Vergne, DS Techeetah, DS E-Tense FE21, Jake Dennis, Andretti Motorsport, BMW iFE.21 Andre Lotterer, Porsche, Porsche 99X Electric au départ

Photo de: Sam Bloxham / Motorsport Images

Malgré des audiences en baisse, la Formule 1 se porte bien, en témoigne l'affluence record du Grand Prix d'Australie avec 112 000 spectateurs le vendredi, 123 000 pour les qualifications et 129 000 lors de la course. La Formule E, elle ne se rapproche plus de son pic de la campagne 2018-19, avec 411 millions de téléspectateurs cumulés sur l'ensemble des courses ; il y en avait 316 millions la saison dernière. La grande forme de la F1 en est-elle partiellement responsable ?

D'après Frédéric Espinos, directeur sportif de la FE, ce n'est pas le cas : "À mon avis, nous avons besoin d'une Formule 1 forte. Quand on a une Formule 1 forte, on a un sport automobile qui est fort. La Formule 1, c'est le moteur de tout, et je suis convaincu que pour le sport automobile en général – pas seulement pour la Formule E – on a besoin d'une Formule 1 qui est très forte. Ce n'est pas une concurrence ; pour moi au contraire, la Formule 1 est la locomotive."

Jean-Éric Vergne, pour sa part, est relativement impressionné par la notoriété acquise par le championnat tout électrique. "J'étais assez surpris qu'assez tôt, énormément de personnes avaient entendu parler de la Formule E, même des gens qui ne connaissent pas le sport automobile", souligne le Français. "Quand vous êtes en vacances, que vous rencontrez des potes de potes, on me pose la question : 'Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?'. 'Je fais du sport auto, j'ai roulé en Formule 1'. 'Et qu'est-ce que tu fais maintenant ?'. 'Je roule en Formule E'. Étonnamment, presque tout le monde connaît la Formule E, je ne sais pas comment ils ont fait pour arriver à ça, mais j'étais toujours plutôt impressionné que beaucoup de personnes connaissent la FE. Je ne sais pas si tout le monde la regarde, je ne pense pas, mais en revanche, beaucoup connaissent l'existence de championnat monoplace électrique."

Cependant, la Formule E peine effectivement à convertir ce public en véritables passionnés. D'après Vergne, la communication du championnat n'est pas assez bonne ; le pilote DS Techeetah prend l'exemple du documentaire And We Go Green coproduit par Leonardo di Caprio et consacré à la saison 2017-18… dont l'avant-première avait eu lieu en 2019 et la sortie générale en 2020.

"Je pense que c'est à la Formule E de faire un meilleur travail", assure Vergne. "Ils ont fait un film en saison 4 qu'ils ont sorti deux ans après, que personne n'a regardé. Je pense que ce n'était pas normal, c'était très mal géré. Je pense qu'ils peuvent faire plus de ce point de vue-là. J'ai un point de vue assez dur sur cette question, où je pense que ce n'est jamais assez. Je pense qu'il y a toujours trop d'excuses et qu'ils peuvent faire mieux, tout simplement."

"C'est un long travail d'avoir la renommée", nuance Espinos. "Ce qu'il faut réussir à faire, c'est la différence entre les gens qui viennent voir une course et suivre le championnat. Ça se fait au fil du temps, ça se fait par des deals télé. Je pense que nous avons fait un gros progrès au point de vue des diffusions télé et des plateformes qui nous suivent, avec des partenaires télé qui sont de vrais partenaires, qui ne sont pas juste des diffuseurs."

"Le travail de retransmission a bien été amélioré", confirme Vergne à ce sujet. "C'est vrai que je vois beaucoup plus de personnes avec des caméras dans le paddock de la FE, un peu comme en F1. C'est sûr que ça ne va que dans le bon sens."

Le deuxième Jean-Eric Vergne, DS Techeetah, fête sur le podium

Jean-Éric Vergne (DS Techeetah) est monté sur le podium à Rome et mène le championnat

Bien entendu, il est légitime de s'interroger sur l'avenir de la Formule E à la lumière des départs d'Audi, BMW et bientôt Mercedes, même si d'autres marques telles que Nissan, Porsche, Jaguar et DS restent engagées sur le long terme, tandis que Maserati va débarquer l'an prochain en partenariat avec Venturi. Espinos fait peu de cas de ces montagnes russes.

"Nous avons, en huit saisons, réussi à devenir crédibles aux yeux des gens, et c'est pour ça que nous avons su convaincre des partenaires, des équipes et des constructeurs", affirme le directeur sportif. "Après, c'est la vie du sport auto, il y a des constructeurs qui viennent et puis qui partent, peut-être qu'ils reviendront et qu'il y en a d'autres qui vont venir. C'est partout pareil."

"Aujourd'hui, on a un championnat qui est solide, on a des équipes professionnelles, on a des pilotes professionnels. C'est une métaphore que j'utilise : avant, le WEC payait la maison et la Formule E la piscine pour les pilotes, maintenant c'est la Formule E qui paye la maison et le WEC la piscine. Nous avons changé de dimension."

Changer de dimension, c'est ce que va faire la Formule E la saison prochaine avec l'arrivée de la Gen3 et ses 350 kW (environ 470 ch) de puissance, avec un poids nettement réduit et un nouveau manufacturier de pneumatiques : Hankook remplace Michelin. Tous ces facteurs présagent un grand spectacle, d'après Vergne.

"On va avoir une voiture qui est plus légère parce que la batterie est plus petite ; étant donné que l'on peut régénérer plus [d'énergie], on n'a plus besoin d'une aussi grosse batterie, c'est pour ça que l'on gagne en poids", détaille le pilote DS Techeetah. "Aujourd'hui, vous me dites que vous allez rajouter 100 kW, enlever du poids, changer les pneus pour des pneus que je ne connais absolument pas – on connaît les Michelin, ce sont des bons pneus, mais ce que l'on va avoir l'an prochain, je pense qu'il va y avoir encore moins de grip."

"Je pense que l'on va se faire vraiment peur en qualifs. Aujourd'hui, on se fait un peu peur sur certains circuits à 250 kW ; j'avais moins peur dans certains tours qualifs en F1, alors qu'on a presque 1000 ch. Étant donné les circuits sur lesquels on va rouler en Formule E, des circuits extrêmement bosselés, étroits, avec des changements de tarmac dans tous les sens, des plaques d'égout à droite et à gauche, des murs dans tous les sens, je peux vous dire que ça peut vraiment faire peur, parfois. C'est pour ça que je suis pressé de rouler dans la Gen3 mais je ne suis pas pressé de faire la première qualif' dedans !"

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