Une course de survie ou de gestion ?
La course au programme cet après-midi à Barcelone pourrait s'inscrire dans la lignée des éditions passées, avec une gestion des pneus toutefois plus délicate encore du fait des conditions météo inhabituelles. Mais Pol Espargaró, notamment, met en garde face au risque de chutes.

Avec une météo automnale, beaucoup plus fraîche que celle qui accompagne cette manche du championnat à sa date traditionnelle du mois de juin, le Grand Prix de Catalogne pose cette semaine des problèmes de gestion des pneus à tous les pilotes. Certes, les options tendres sont privilégiées par la plupart d'entre eux, mais ils doivent malgré tout gérer des difficultés à les faire monter en température, puis à maintenir la chaleur atteinte, ainsi qu'une dégradation que tous pressentent très forte pour la seconde moitié de la course. Pour beaucoup, c'est une course de survie qui se profile.
Pour Davide Brivio, dont un des pilotes s'élancera de la troisième ligne, les 24 tours de ce dimanche après-midi pourraient ne pas nécessairement refléter la hiérarchie observée en essais et avant tout faire la part belle à la stratégie. "Cette course sera assez étrange. Cela semble devoir être l'une de ces courses où il faudra faire très attention à la gestion des pneus et on s'attend à des surprises à la fin, peut-être dans les trois, quatre ou cinq derniers tours", pressent le directeur de l'équipe Suzuki auprès du site officiel du MotoGP.
Il n'est pas inhabituel que la course de Barcelone soit ralentie afin de préserver les pneus, seulement que décideront de faire les pilotes qui ont pris l'avantage en qualifications ? "Normalement, c'était une sorte de course de gestion, où les leaders essayaient de ralentir le rythme en vue des derniers tours. Mais ces pilotes partent derrière à présent", rappelle Davide Brivio en évoquant particulièrement Andrea Dovizioso. "Cela dépendra du groupe de tête, s'ils poussent fort dès le début ou bien s'ils sont prudents et gèrent les pneus en vue de la fin de la course. Je pense qu'il y aura beaucoup de stratégie en attendant les derniers tours, car sur cette course on va utiliser tout le pneu."
Lire aussi :
Pour Michelin, le report de trois mois de ce Grand Prix à cause de la pandémie de COVID-19 a changé la donne, car si l'allocation initiale a été maintenue, elle n'est logiquement pas parfaitement adaptée à des conditions aussi fraîches. "Malheureusement, les pneus durs avant et arrière semblent trop durs pour la course", admet Piero Taramasso. "Nous avons dû choisir les pneus il y a longtemps, avant le début de la saison, et au vu des statistiques nous pensions avoir plus de température en piste et dans l'air."
Pour autant, le responsable du manufacturier estime que les pneus ont la capacité de tenir 24 tours et que le degré d'attaque dépendra de la bonne préparation des machines : "Les motos qui auront des réglages optimaux pourrons attaquer du début à la fin, ceux qui n'ont pas le temps d'optimiser les réglages vont devoir gérer les cinq à sept derniers tours. L'usure des pneus est assez forte mais ça ira pour la course."
Ne pas avoir peur de tomber pour gagner
Pol Espargaró juge au contraire la situation particulièrement délicate, au point que selon lui la victoire se jouera au mental, avec un avantage qui reviendra à celui qui s'inquiètera le moins de tomber. "On s'attend à ce que la dégradation du pneu arrière tendre soit énorme", prévient le pilote KTM. "On a essayé d'utiliser le medium en EL4 et ça a été un désastre. Nous n'avons aucune idée de ce qu'il faut faire pour le moment car je pense que la baisse du pneu tendre va se produire pour nous autour du 15e tour, peut-être même un peu avant. Alors, dans les derniers tours de la course, on aura du mal non pas pour faire un temps, mais pour rester sur la moto."
"Peut-être qu'à la fin de la course, il ne s'agira pas de savoir qui pourra être le plus performant ou le plus rapide. Je pense qu'à la fin de la course, il s'agira de savoir qui peut prendre le plus de risques, qui se soucie le moins de tomber. Et alors, peut-être que quelqu'un pourra faire la différence. Mais je ne pense pas qu'à la fin de la course, le pilote le plus rapide sera le plus rapide, pour ainsi dire, parce que le risque de chute sera très élevé. Donc, le gars qui prendra le plus de risques obtiendra un meilleur résultat à la fin… s'il parvient à finir la course."

Pour le pilote espagnol, si le risque de chuter vient des pertes de l'avant, le souci se situe bel et bien dans le pneu arrière. "Le problème c'est que chaque fois que le pneu arrière devient usé, on ne peut plus pousser aussi bien sur l'avant et le pneu avant commence donc à perdre en température", explique-t-il. "À la fin de la course, quand le pneu arrière sera très usé, le pneu avant aura une température très basse. C'est pourquoi on pourrait très facilement tomber."
Un manque de visibilité
Comme d'autres concurrents, Pol Espargaró regrette que l'allocation limitée de pneus tendres et medium − alors que les gommes dures ne sont pas utilisées − n'ait pas permis de réaliser les évaluations nécessaires pour anticiper les performances des pneus sur la durée, puisqu'il a fallu réutiliser les mêmes enveloppes d'une séance à l'autre, avec moins de marge de manœuvre que lorsqu'un roulement peut s'effectuer entre les trois gommes.
"Quand on réutilise un pneu, medium ou soft, on sent toujours une grosse baisse. Si on refroidit le pneu et qu'on le fait chauffer à nouveau, c'est encore pire. Le pneu devient très dur et on n'arrive jamais à trouver le rythme qu'il faut pour le réchauffer, on ne fait que patiner", explique le pilote espagnol, qui a rapidement abandonné son pneu arrière medium en EL4, celui-ci ayant déjà parcouru 12 tours au début de la séance. Passé à une gomme soft, il a imprimé un rythme très prometteur en vue de la course.
Lire aussi :
"Le problème dans cette situation, c'est qu'on ne sait pas si le pneu medium a du potentiel, car on ne sait pas si en utilisant un pneu neuf en EL4 on aurait pu le mener à une meilleure situation et s'il aurait bien fonctionné. C'est juste que l'on n'a pas assez de pneus pour cela, donc il nous faut les réutiliser or c'est impossible ici. C'est dangereux. […] On ne peut pas prendre ce risque en course. C'est juste un manque d'informations et il est difficile d'établir une stratégie avec les informations dont on dispose. C'est très risqué de prendre le medium en course."
Si la stratégie semble donc contrainte concernant le pneu arrière, Pol Espargaró concède qu'il a au contraire le choix à l'avant. "On a un avantage", estime-t-il. "On pourrait utiliser le pneu medium [avant]. Je l'ai utilisé en qualifs et personne d'autre. [...] Je peux donc freiner très tard, beaucoup plus tard que les autres. En EL4 j'arrivais assez facilement à rattraper Dovi et Morbidelli rien qu'avec les freins." Les pilotes Yamaha, qui ont dominé toutes les séances jusqu'à présent, ne peuvent pas en dire autant. Le poleman Franco Morbidelli estimait samedi que choisir le pneu tendre à l'avant était pour lui une obligation...

Article précédent
Warm-up - Quartararo au sommet et dans le gravier
Article suivant
Course - Carton plein pour Quartararo !

À propos de cet article
Séries | MotoGP |
Événement | GP de Catalogne |
Lieu | Circuit de Barcelona-Catalunya |
Auteur | Léna Buffa |
Une course de survie ou de gestion ?
Le plus vu en ce moment
Présentation des pilotes et motos Repsol Honda
Présentation Repsol Honda Team 2021
Poncharal : toujours le même feu après l'émotion des premières victoires
Les teams indépendants ont prouvé en 2020 leur capacité à se battre pour la victoire et même pour le titre en MotoGP, et Tech3 a été l'un des acteurs forts de cette saison riche en émotions. Hervé Poncharal s'en remet à peine qu'il repart avidement en quête de nouveaux succès.
Andrea Dovizioso et l'expérience incomparable de 19 ans en Grand Prix
Jamais absent d'un Grand Prix depuis 2002, Andrea Dovizioso referme à présent un chapitre qui représente plus de la moitié de sa vie et qui lui aura apporté des enseignements d'une richesse inégalable.
Comment le duel entre Rainey et Schwantz est entré dans la légende
La rivalité entre Alain Prost et Ayrton Senna est souvent considérée comme la plus forte de l'Histoire des sports mécaniques. Mais celle entre Wayne Rainey et Kevin Schwantz pourrait tout aussi bien prétendre à ce statut. Leur duel a atteint ses sommets en 500cc durant la saison 1991, dont les deux pilotes gardent des souvenirs marquants 30 ans plus tard...
Brad Binder, un destin de leader pour KTM en MotoGP
Sa première saison en MotoGP a vu Brad Binder se hisser extrêmement haut, mais aussi commettre quelques erreurs de débutant. Décidé à ne se trouver aucune excuse, le Sud-Africain affiche par là précisément le trait de caractère qui explique pourquoi KTM voit en lui l'homme de la situation pour prendre les rênes du programme après Pol Espargaró.
Pourquoi Suzuki doit choisir le successeur de Brivio en interne
Le départ de Davide Brivio de Suzuki confronte la marque japonaise à un dilemme : recruter un nouveau directeur d'équipe ou confier le poste à une personne capable de maintenir la philosophie actuelle.
Les dix moments décisifs pour le titre MotoGP 2020
Titré six fois en sept saisons, vainqueur de 43% des courses dont il a pris le départ en MotoGP, Marc Márquez aura été le grand absent de cette saison 2020, ouvrant un boulevard aux prétendants à sa succession dès la première manche. Condensé en quatre mois, le championnat ne s'est toutefois pas arrêté à ce premier coup de théâtre...
L'Autriche 2019, "la dernière grosse émotion" de Dovizioso avec Ducati
Arracher la victoire à Marc Márquez dans une course où il jugeait l'Espagnol favori aura été une émotion incomparable pour Andrea Dovizioso, sans doute son meilleur souvenir avec Ducati.
L'erreur de Márquez qui a véritablement causé sa longue convalescence
Que Marc Márquez décide ou pas de subir une troisième opération pour soigner son bras droit, sa tentative de reprendre la piste à Jerez – quatre jours après la première intervention – restera l'une des pires décisions de l'histoire du MotoGP. Le pilote espagnol pourrait encore en payer les conséquences en 2021.