Suzuki le sait : "La blessure de Rins a changé le visage de la saison"
Sa lourde chute pendant les qualifications du premier Grand Prix de la saison a assurément coûté cher à Álex Rins. Et pourtant, le pilote espagnol reste en lice pour le titre avant les trois dernières manches et Suzuki ne souhaite pas, à ce stade, lui donner la consigne de favoriser Joan Mir.

Depuis qu'Álex Rins a fait son retour sur le podium, au Grand Prix de Catalogne, le championnat multiforme de cette saison 2020 a encore pris une autre tournure. Suzuki a cumulé trois doubles entrées dans le top 3 en quatre courses, du jamais vu dans son Histoire, et a ainsi décuplé ses chances de titre, à tous les niveaux.
La formation d'Hamamatsu s'est notamment propulsée en tête du classement des équipes, en marquant 30 points de plus que Petronas, qui jusqu'alors dominait. Et elle a aussi pris l'avantage sur KTM et en revenant à seulement huit points de Ducati au championnat constructeurs, le seul qu'elle ne mène pas pour le moment.
Le plus gros coup d'éclat est assurément celui qui a été réalisé au classement des pilotes, puisque pour la première fois en 20 ans un représentant de la marque a pris les commandes. Joan Mir a toutefois marqué un peu moins que son coéquipier sur ces quatre courses, Rins affichant la plus grande réussite du plateau depuis qu'il a donné ce nouvel élan à sa saison.
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Pour Davide Brivio, la saison 2020 aurait probablement connu un scénario très différent si Álex Rins ne s'était pas blessé à l'épaule dès le premier Grand Prix. "Álex est le pilote expérimenté de l'équipe et il s'est présenté sur la première course en grande forme. Je l'avais vu transformé et prêt aussi bien psychologiquement que physiquement. Son accident le samedi à Jerez a changé le visage de la saison", admet le directeur de l'équipe Suzuki auprès de GPone.
"Lors des quatre ou cinq épreuves suivantes, il a cherché à guérir tout en courant. Malgré cela, il a fait quatrième à Brno et en Autriche il est tombé alors qu'il était en tête. Et puis sont arrivés le podium de Barcelone et ceux d'Aragón : ce sont les résultats auxquels nous nous attendions en début d'année. Je pense que sans sa blessure, le Álex Rins que nous voyons actuellement aurait pu être celui de toute la saison."
Pas de consignes entre les pilotes, mais du respect
En l'espace de quatre courses, et malgré une chute au Mans, Rins est donc passé de 12e du championnat à sixième. Si son retard sur son coéquipier ne s'est réduit que de quatre points, il reste bel et bien en lice, avec 32 unités de déficit. "Rins aussi est en lutte pour le titre", assure Brivio.
Refusant d'entendre parler de consignes d'équipe tant qu'il conserve une chance mathématique, le Catalan sait bien que sa récente progression complique la vie de son directeur. "C’est difficile. Je sais que ce n’est pas une bonne situation pour Davide [Brivio] et Suzuki, parce qu'ils ont deux pilotes qui se battent pour la couronne", admet-il. "Je sais que Joan est très rapide, il est très régulier et a fait beaucoup de podiums, mais on garde nos chances à trois courses de la fin, donc on va faire de notre mieux."
"C'est un problème que je voudrais avoir tous les ans !" sourit quant à lui un Davide Brivio qui s'avoue étonné d'une telle situation à ce stade : "Je me serais attendu que nous soyons encore en lice, mais être en tête du championnat, franchement, je n'y avais jamais pensé. Je ne m'y attendais pas."

Reste l'épineuse question des consignes, et sur ce point aussi le patron de l'équipe va dans le sens de ses pilotes, qui tous deux ont jusqu'à présent repoussé cette idée. S'il attend du respect en piste et ne veut voir aucune opportunité gâchée par une concurrence interne qui dépasserait les limites de la correction, il souhaite en revanche que chacun joue ses chances jusqu'au bout, "avec ses propres forces".
"Quand les deux pilotes ont la possibilité de se battre pour le titre, cela exclut toute consigne d'équipe", assure Davide Brivio. "La seule stratégie dont nous avons parlé est celle selon laquelle les deux coéquipiers doivent se respecter en piste, être corrects l'un envers l'autre. Suzuki n'aime pas beaucoup les consignes d'équipe, nous avons dit à nos pilotes : que le meilleur gagne."
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"Si nous devions arriver à la dernière course avec l'un d'eux hors-jeu, alors peut-être que nous en reparlerions. C'est peut-être trop romantique, mais c'est beau de voir un championnat être remporté sans aide, chacun se battant avec ses propres forces. Pour le moment, il n'y aura donc pas de consignes."
"Comme tous les coéquipiers, Joan et Álex sont adversaires entre eux et c'est ce que nous souhaitons", poursuit le directeur de l'équipe, qui affichait ouvertement son souhait de voir une émulation positive se mettre en place entre ses pilotes avant le début de cette saison, Mir apparaissant désormais plus menaçant après sa première année.
"Lorsque nous avons pensé mettre Mir et Rins ensemble, nous étions à la recherche deux pilotes qui se stimulent l'un l'autre car cela les fait progresser tous les deux et permet d'améliorer les résultats de l'équipe", souligne-t-il. Et cette approche n'a pas changé : "Nous souhaitons qu'ils cherchent à finir l'un devant l'autre, qu'il y ait une rivalité sportive, mais nous essayons aussi de leur faire comprendre l'importance de l'équipe. Naturellement, il s'agit d'un sport individuel, chacun court pour soi, mais aussi pour l'équipe et pour Suzuki. Il est important d'avoir l'esprit d'équipe."
Il reste à présent trois Grands Prix pour mettre à l'épreuve l'esprit d'équipe régnant entre les deux pilotes espagnols. Si Mir devait maintenir sa régularité et monter sur le podium lors des chacune de ces courses, trois victoires ne suffiraient pas à Rins pour lui chiper la couronne. Reste à voir ce qu'en diront les autres prétendants au titre, avec trois pilotes Yamaha également en concurrence et un Andrea Dovizioso, certes, abattu, mais pas encore vaincu.

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À propos de cet article
Séries | MotoGP |
Pilotes | Álex Rins , Joan Mir |
Équipes | Team Suzuki MotoGP |
Auteur | Léna Buffa |
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