Loeb sans regrets : "On n'avait aucune chance contre Audi"
Jeudi soir, Sébastien Loeb est arrivé au bivouac par ses propres moyens, lui qui se pensait contraint à l'abandon quelques heures plus tôt. À l'aube de la fin du Dakar 2024 et d'un éventuel podium auquel il accorde peu d'importance, il dresse déjà longuement le bilan, avec une certitude : gagner cette édition "n'était pas possible". Interview.
Sébastien, après une avant-dernière étape comme celle-ci, on imagine que vous êtes en rogne...
En rogne... (il hésite) On savait que de toute façon ce serait compliqué pour la victoire face aux Audi qui roulent ensemble, dans une spéciale aussi compliquée, où tout se joue à la crevaison. C'est juste une histoire de survie : c'est rouler tranquille, essayer de franchir sans crever, et voilà.
On n'a pas eu de chance en début de spéciale, au KM 130, dans une zone trialisante très lente. Je passe au-dessus d'un sommet, comme ça arrive souvent, et dans nos voitures on ne voit jamais ce qu'il y a derrière... En fait je tape une pierre, et ça tord un bras de suspension. On n'avait pas la pièce. On pensait que c'était fini et, par chance, le pilote chinois [Zi Yungang] qui roule avec un Hunter avait la pièce en rechange. Il est arrivé une heure après nous mais on a pu réparer. On est reparti et ensuite ça a été les crevaisons. Il a fallu mettre des roues crevées, et on finit en ayant utilisé toutes nos roues crevées jusqu'à la jante. Mais on finit.
Combien avez-vous subi de crevaisons aujourd'hui ?
Cinq. Et après il fallait réexploiter tous les pneus crevés jusqu'à la jante. Une fois que tu es sur la jante, si tu prends un impact de pierre et que tu la déformes, potentiellement elle ne passe plus au-dessus de l'étrier et tu ne peux plus l'enlever. Donc quand on arrivait vraiment à la jante, on remettait une autre roue qui avait encore un pneu dessus, et ça durait dix bornes jusqu'à ce qu'il se déchiquette. Une fois déchiqueté, on remettait le dernier, mais on roulait à 50 km/h.
Avec ce genre d'étape, on est dans du "vrai" Dakar ?
Ouais... Ce n'est pas amusant non plus. On a des spéciales qui ne sont pas adaptées à nos voitures et à nos pneus, donc on roule à deux à l'heure en espérant que ça se passe bien, et puis à la fin ça crève, ça casse, mais c'est comme ça.
Quel est le sentiment qui prédomine ce jeudi soir ?
Déjà, content d'être arrivé. De toute façon, à la régulière face à trois Audi, vu l'état de la spéciale et les crevaisons, face à eux qui roulent en peloton et qui s'entraident, c'était mort. Ce n'était pas possible. On aurait peut-être pu être deuxième mais bon, pour l'instant on est troisième, il reste une journée et on verra bien.
On sait que notre voiture n'est pas la plus solide, et on doit faire quelque chose.
Quels sont vos espoirs pour la journée de vendredi ?
J'espère finir, que ce soit troisième ou deuxième, ça me va. Il y a Chicherit qui n'est pas loin derrière [6 minutes, ndlr] donc il va attaquer. On verra, même si c'est quatrième, ce n'est pas si grave non plus. Le but, c'était de se battre pour la victoire. Maintenant on en est là, on va continuer à rouler demain et on verra ce que ça donne.
Est-ce un petit miracle d'être encore là ce soir ?
À un moment, j'ai hésité à prendre l'hélico pour rentrer, à attendre le camion, mais on n'allait pas laisser la voiture au milieu du désert. Ils auraient plus galéré qu'autre chose pour la récupérer. Je n'avais rien de prévu aujourd'hui, donc je me suis dit qu'on allait attendre le camion ! Et puis finalement, le pilote chinois est arrivé et c'était nickel. Pour nous, on avait abandonné, on était assis sur un caillou. Et finalement c'est reparti, donc un petit miracle, je ne sais pas... Ce n'est pas forcément ces miracles-là que je préfère !
La fiabilité semble ne pas avoir été autant au rendez-vous que l'année dernière...
On sait que nos triangles sont un peu légers par rapport à ceux des autres. Tant que tu fais la spéciale sans impact, ça va, la voiture est rapide. Aujourd'hui, c'était une grosse pierre que je ne pouvais pas voir et qu'on a heurtée.
Se battre seul contre une équipe au complet comme Audi, c'est difficile.
Une fiabilité à revoir chez Prodrive, futur partenaire de Dacia.
Hier, Nasser Al-Attiyah a décidé de ne pas prendre le départ et d'abandonner. Est-ce que c'était une mauvaise décision ?
Nasser fait ce qu'il veut. On n'a pas pris la décision de le laisser abandonner. Mais il ne fait aucun doute qu'aujourd'hui, on n'avait aucune chance contre les Audi, en se retrouvant tout seul avec toutes ces crevaisons. Aucune chance.
Vous avez le rythme, vous êtes régulièrement le plus rapide, mais c'est un Dakar de plus que vous ne gagnez pas. Est-ce que ça provoque de la frustration ?
Oui et non. On est content de ce que l'on a fait. C'est sûr qu'aujourd'hui, ça n'a pas fonctionné comme on le voulait. Au final, je pense que l'on n'avait aucune chance contre Audi. Ils roulaient ensemble, ils avaient deux voitures qui restaient avec Carlos. Il a eu trois crevaisons hier. Moi je n'avais pas le droit de crever trois fois. Se battre seul contre une équipe au complet comme Audi, c'est difficile.
Que faut-il faire de mieux l'an prochain ? Quels sont vos souhaits ?
Il y a beaucoup de choses que l'on devrait changer. On sait que notre voiture n'est pas la plus solide, et on doit faire quelque chose pour ça. Si on ne tape rien, ça va, mais si tu as une mauvaise surprise quelque part, que tu heurtes quelque chose d'un peu plus gros, ça casse. Il y a quelques pièces que l'on doit renforcer. Pour le reste, on verra...
Propos recueillis par Gerald Dirnbeck
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