Hommage

Beltoise par Beltoise : "Une seule chose comptait, la course auto"

Il y a 85 ans naissait Jean-Pierre Beltoise. Disparu en janvier 2015, celui qui a triomphé à Monaco en 1972 a incarné une page à part de l'histoire française en Formule 1. Pour lui rendre hommage, Motorsport.com vous propose un très long extrait d'une interview qu'il avait accordée au magazine GP Racing en 2011. Qui de mieux que Beltoise pour raconter Beltoise ?

Jean-Pierre Beltoise, BRM P160B

Photo de: Rainer W. Schlegelmilch

Jean-Pierre Beltoise, première question : ça fait quoi d’être une légende ?

Je ris parce que forcément, je ne me prends pas pour une légende. Je suis un autodidacte, destiné à être garçon boucher puisque je ne travaillais pas bien à l’école et mon père était boucher. Et puis, un jour, j’ai entendu parler des courses automobiles par Le Mans, les duels entre Jean Behra et Robert Manzon ou Pierre Levegh – vers 1952, par là.

D’autre part, il se trouvait que nous allions en vacances à La Baule-les-Pins, qu’il y avait le circuit d’Escoublac pas loin et qu’on avait tendance, avec mes frères et un copain, à se lancer des défis pour aller le plus vite possible à vélo, etc. Tout ça a fait qu’à l’âge de 15 ans, je me suis programmé "futur éventuel coureur automobile". Mais j’ai commencé par la moto, car je n’avais pas d’argent du tout...

L’idée, c’était déjà la voiture...

Tout à fait. Mais j’ai été 15 fois Champion de France à moto, avec une seule idée : arriver à faire des courses de voitures. Mon idole était Jean Behra, qui avait couru à moto avant d’aller chez Gordini. Et finalement, quand j’ai quitté la moto pour faire de la voiture, ce fut en quelque sorte une erreur de ma part car c’était l’époque, en 1964, où les constructeurs japonais arrivaient en force.

J’étais déjà bien "coté" pour avoir été pilote officiel chez Bultaco, Kreidler, et les Japonais lorgnaient sur moi. Mais bon... Pour moi, une seule chose comptait : la course automobile. Et je suis rentré chez René Bonnet, une toute petite boîte avec, il faut le dire, des voitures pas top et plutôt dangereuses. Bref, quand vous me parlez de légende, ça me fait sourire car je suis un homme normal, avec sa bande de copains... Je n’y crois pas.

"Pour moi, une seule chose comptait : la course automobile."

C’est donc chez René Bonnet que vous avez débuté sur quatre roues...

C’est assez compliqué. Ma mère – qui, bien entendu, ne voulait pas que je fasse de la course mais a fini par céder devant mon obstination – m’a dit que par un de ses bons amis qui était un grand copain de René Bonnet, elle pourrait me faire entrer chez ce dernier. En fait, je suis rentré comme mécanicien tout en continuant à faire des courses de moto. Mais René Bonnet, lui, n’avait pas du tout compris la démarche. Et au bout de six mois à faire des soudures ou des vidanges, je suis parti. Mais je suis resté très copain avec son neveu, Jo, qui mettait sur son bureau mes résultats à moto.

Chaque lundi, il avait droit à la page de L'Équipe avec mes résultats mis en valeur. Et un jour, il s’est dit : "C’est peut-être le pilote qu’il me faut". En ne se souvenant même pas que j’avais travaillé chez lui et que j’étais parti en pleurant ! Et donc, un jour, Jo me téléphone et me dit : "Il va t’appeler". Il le fait, je me retrouve dans son bureau et là, il me dit : "Tu commences à la Targa Florio !". Voilà comment tout a commencé.

Les premiers résultats sont arrivés très vite, je crois.

La première année, en 1963, j’ai gagné les 24 Heures du Mans à l’indice énergétique avec Claude Bobrowski, qui vient hélas de décéder. Puis j’ai fait le Grand Prix de Pau sur une F2, une voiture qui n’était pas si mal que ça puisque j’étais cinquième avant de m’accrocher avec [Peter] Arundell, je crois, et d’abandonner. Et puis, aux 12 Heures de Reims en 1964, je me suis retrouvé à l’hôpital avec une grave blessure au bras [ndlr : lequel est resté en partie bloqué ensuite], entre autres multiples fractures.

C’est pourtant à ce moment qu’a débuté l’aventure Matra, non ?

En effet. Un jour, mon ami Jean-Louis Marnat vient me voir et me dit que Matra vient de racheter René Bonnet. Petit à petit, un autre de mes grands copains, Éric Offenstadt, déjà rentré comme pilote dans l’entreprise, dit à Jean-Luc Lagardère, le président de Matra : "Si vous voulez gagner des courses un jour, il faut prendre Beltoise, c’est le plus rapide d’entre nous". Sympa ! Lagardère a répondu : "Mais c’est un éclopé !". Et finalement, je l’ai convaincu rien qu’en lui parlant et il m’a engagé en F3 puis F2.

Ensuite, ce fut la progression logique jusqu’à la F1...

Exactement. J’avais déjà fait quelques Grands Prix en 1966 et 1967 avec une F2 lestée et en 1968, une aventure fantastique commence avec la Matra V12. À part Ferrari et BRM, également en V12, tout le monde avait le V8 Ford-Cosworth. Le V12 avait encore une image fantastique, très noble. Et Lagardère, fanatique de sport et vrai puriste, avait dit à l’ingénieur Georges Martin, qu’il avait engagé : "Ce qu’il nous faut, c’est un V12".

Jean-Pierre Beltoise au GP des Pays-Bas en 1968, où il termine deuxième.

Jean-Pierre Beltoise au GP des Pays-Bas en 1968, où il termine deuxième.

Dès cette première saison, vous signez une deuxième place à Zandvoort, au Grand Prix des Pays-Bas...

Oui, et c’est un des grands regrets de ma vie. J’aurais dû gagner. C’est de ma faute si je sors de la route. Je m’en sors bien, mais j’aurais dû gagner.

Vous étiez en tête ?

J’étais en tête, et j’ai freiné un peu tard car un pilote, Chris Amon je crois, venait de sortir de la piste. Bêtement, j’ai voulu voir qui c’était. Une seconde d’inattention, et voilà, en sortant large dans l’épingle de Tarzan. J’ai pris du sable dans la crémaillère, je suis revenu au contact sous la pluie, moteur bloqué plein gaz, me suis arrêté au stand, les mécaniciens ont débloqué la crémaillère, et j’ai quand même fini deuxième...

En remontant ou en étant reparti deuxième ?

Ah non, je suis reparti loin et remonté.

Et la sortie, c’était à quel moment de la course ?

Aux deux tiers au moins. J’aurais dû gagner. J’ai fait une bêtise, quoi...

Puis Matra s’associe avec Ken Tyrrell, et en 1969, vous courez aux côtés de Jackie Stewart avec le V8 Ford...

À la fin de l’année 1967, Stewart avait comparé les deux moteurs à Albi et conclu que le V12 n’était pas assez performant. Lagardère était un peu ennuyé, mais il a dit : "Très bien, on fait une année de transition, on confie des châssis à Tyrrell sur lesquels il monte des V8, et après on verra". Et il m’a proposé d’être le second pilote.

Vous-même, quelle conclusion avez-vous tirée de la comparaison à l’époque ?

La même qu’avec le V12 BRM que j’ai eu par la suite : à qualité égale, un V12 est plus agréable car ça ne vibre pas – c’est presque comme un moteur électrique –, ça monte très haut en régime, c’est plus souple, mais on a plus de résistance mécanique et on manque de couple à moyen et bas régime. Avec le V8 Cosworth, on sentait presque comme des coups de marteau, c’était moins agréable, mais il y avait un couple fantastique.

Compte tenu des maigres connaissances qu’on avait en matière d’aérodynamique, de tenue de route et de qualité d’adhérence des pneumatiques à l’époque, il se trouvait que dans une courbe comme la Parabolique à Monza, le V12 donnait une tendance un peu sous-vireuse à l’entrée et qu’on n’arrivait pas à passer sur l’équilibre avant de survirer un peu en sortie. Alors qu’avec le Cosworth, dès qu’on remettait les gaz, on était déjà performant. C’est ça qui faisait la différence.

On allait aussi vite en ligne droite, on était bien en accélération mais on manquait de couple – d’où un gros handicap dans une grande partie des virages.

Jean-Pierre Beltoise (à droite), aux côtés de Jackie Stewart sur le podium du GP d'Espagne 1969.

Jean-Pierre Beltoise (à droite), aux côtés de Jackie Stewart sur le podium du GP d'Espagne 1969.

Cette saison 1969 avec Tyrrell, quel souvenir en gardez-vous ?

Un bon souvenir. Un très bon souvenir même. Je n’ai fini que cinquième au championnat, ce qui allait rester mon meilleur classement d’ailleurs, mais la voiture était très bonne. Et puis, Stewart a gagné. C’était quelqu’un de très, très bien. En arrivant à Spa, par exemple, comme je le titillais un peu quand même, il se mettait à ma place, se disait que je ne rêvais que de le battre mais qu’il fallait que je fasse attention à moi.

À Spa, donc, où il avait eu un très grave accident quelques années auparavant, il est venu me voir et m’a dit : "Jean-Pierre, ne sois jamais en survirage sur ce circuit. Fais-toi une voiture neutre. Tu ne peux pas faire autrement, car sinon, tu sors à 300 à l’heure et ici, tout autour, il n’y a que des maisons ou des fossés...".

Après cette saison 1969, et la séparation entre les deux parties, auriez-vous pu rester chez Tyrrell plutôt que de rejoindre l’équipe Matra-Simca avec le V12 ?

Je ne me souviens pas... Mais vous savez, quand je courais à moto, je n’avais qu’une envie qui était d’être Jean Behra sur Gordini. Donc, moi, je n’étais intéressé que par des voitures bleues ! Savez-vous que j’ai été approché par Ferrari ?

Non, mais j’allais vous poser la question un peu plus tard.

C’était très longtemps avant, en 1966 je pense, quand je me battais souvent en tête en F2 avec Jim Clark et les autres. À Albi, [Ludovico] Scarfiotti est venu me voir et m’a dit qu’Enzo Ferrari voulait me rencontrer, qu’il fallait fixer un rendez-vous. Mais j’étais tellement bien dans ma famille Matra, avec tout plein de voitures bleues, que j’ai dit non. Je n’y suis même pas allé ! Il n’y a pas un pilote aujourd’hui qui réagirait ainsi ! J’étais heureux où j’étais. Quatre ans avant, j’étais tout près d’être un voyou et là, j’avais mes voitures bleues... [rires].

"Savez-vous que j'ai été approché par Ferrari ?"

Vous n’avez jamais regretté ?

Non. Un petit regret que je peux avoir, c’est d’être passé chez René Bonnet quand Honda m’a approché pour courir en moto. Mais je voulais faire de la course automobile. Et chez Ferrari, j’aurais eu de suite une bonne voiture mais on sait comment c’était là-bas à l’époque, c’était difficile à vivre.

Et cette aventure Matra-Simca, ne regrettez-vous pas que ça n’ait pas mieux marché ?

Si, mais en même temps, c’était tellement bien ! Ma situation chez Matra évoluait chaque année, je gagnais pas mal d’argent pour l’époque, j’étais très heureux. C’était magnifique.

La marque s’impliquait aussi en Endurance à l’époque, et allait gagner trois fois de suite au Mans. Qu’est-ce qui vous apportait le plus de plaisir, les monoplaces ou les protos ?

Les monoplaces, sans aucun doute. En Endurance, c’est la marque qui est mise en avant. Et en faisant tout pour la marque, on assure, alors dès qu’un jeune va plus vite, on est catalogué. Pour tout dire, je n’aime pas Le Mans. Je déteste courir la nuit. J’ai vu un pilote se tuer devant moi, j’ai failli me tuer moi-même... Mais j’étais payé pour le faire, alors je le faisais.

La Matra-Simca de Jean-Pierre Beltoise aux 24 Heures du Mans 1974.

La Matra-Simca de Jean-Pierre Beltoise aux 24 Heures du Mans 1974.

Comment s’est passée la rupture avec Matra, puisque rupture il y a eu malgré tout ?

Très bien. Impeccable. Avec à peu près tout le monde. Je vous explique la fin de la saison 1971. Lagardère commence à piétiner un peu. Chris Amon, qui n’a jamais gagné mais vient de signer de nombreuses pole positions sur Ferrari, est sur le marché et on le sait très rapide. Lagardère a beau me faire confiance, il se dit qu’on a besoin d’un grand pilote international. Jusque-là, rien à dire. Moi, je demande la garantie d’avoir le même matériel et le même traitement qu’Amon. Et là, on me dit non. J’insiste, et je vais voir Lagardère qui me dit qu’il ne peut aller contre le choix des responsables de l’équipe. Et puis, à la même époque, Louis Stanley de BRM m’appelle en pleine nuit et me dit : "Jean-Pierre, do you want to be World Champion?” [rires].

Carrément...

Oui. Ça m’ennuyait de quitter Matra, où j’étais bien, mais il m’appelait directement, chez moi. J’y ai été sensible. On a eu des pourparlers, j’ai insisté auprès de Matra qui m’a confirmé qu’il y aurait un n°1, Amon, et un n°2, Beltoise. Alors je suis parti. Enfin, je suis resté pilote Matra en prototypes mais suis devenu pilote BRM en F1. Ce que je regrette le plus, c’est de ne pas avoir pu revenir chez Matra en Grand Prix en 1975, comme cela était prévu...

Nous y reviendrons, mais parlons d’abord de cette période chez BRM si vous le voulez bien, et bien sûr de votre victoire sous la pluie à Monaco en 1972...

Ça commence très fort, en effet. La première année, je gagne Monaco puis la Course des Champions hors championnat à Brands Hatch en fin de saison. Le châssis était moins rigide que le Matra, le moteur [BRM, comme le châssis] était bien mais tournait 500 ou 1000 tours en dessous du Matra. Par contre, il était très souple, avec beaucoup de chevaux "en bas" par rapport au Matra.

Nous avions une bonne voiture, vraiment. Et puis, fin 1973, je fais une grosse erreur. Marlboro, qui quitte BRM, veut m’emmener chez McLaren. Et moi, je dis non car je suis bien chez BRM et bêtement, je reste attaché au V12. Une grosse erreur. Je suis trop sentimental, en fait.

Jean-Pierre Beltoise sous la pluie à Monaco en 1972, son unique victoire en F1.

Jean-Pierre Beltoise sous la pluie à Monaco en 1972, son unique victoire en F1.

C’était un peu n’importe quoi chez BRM, non ? Outre leur moteur V16, j’ai vu qu’au début, ils alignaient cinq voitures. Pas trop ambitieux ?

Oui, peut-être. Mais il y avait de bons ingénieurs, comme Tony Southgate. La vie était belle, j’étais bien. J’habitais en France, mais j’allais souvent en Angleterre. En fait, je ne voulais pas signer pour une troisième saison. Mais fin 1973, donc, ils m’appellent, et me disent : "On a trouvé, on tire tant de chevaux en plus". Et moi, comme un idiot, je les crois. Je ne vérifie pas. En fait, le banc avait glissé de 40 chevaux... Je me suis fait avoir ! [rires]

Et cette victoire à Monaco en 1972, alors ? Ça reste le plus beau jour de votre carrière ?

Ce fut une libération. À l’époque, les voitures étaient moins fiables qu’aujourd’hui et j’avais un peu la réputation d’être un casseur, alors que ce n’était pas de ma faute. Et ce jour-là, tout s’est bien passé. C’est vrai que j’étais peut-être un peu handicapé par mon bras bloqué sur le sec, mais beaucoup moins sur le mouillé car la direction était un peu plus légère.

Tout s’est bien passé, j’ai mis la voiture au point exactement comme je le voulais, y compris en faisant des choses anormales. L’ingénieur me disait : "Mais enfin Jean-Pierre, on ne peut pas faire ça, c’est de la folie". Mais je répondais : "Si, on le fait...".

Par exemple, pour sur-braquer et contre-braquer plus facilement, j’ai fait enlever les butées. "Mais Jean-Pierre, on va toucher la coque !". Et moi : "Rien à f... !" [rires]. Et c’est grâce à ça que je n’ai pas fait de tête-à-queue en course. Qu’est-ce que j’ai fait d’autre... Ah oui, j’ai roulé sans barre anti-roulis avant. Vous faites ça aujourd’hui, la voiture ne marche plus.

"J’ai mis la voiture au point exactement comme je le voulais, y compris en faisant des choses anormales."

Comment s’est passée la course ? Vous avez pris très vite la tête, c’est ça ?

J’étais en deuxième ligne et me suis retrouvé tout de suite en tête. Je suis passé à droite, où il y avait moins d’huile déposée par les voitures en stationnement toute l’année à cet endroit. J’ai eu un meilleur grip et j’ai piqué en tête dans Sainte-Dévote. Après, tout s’est bien passé à part avec certains retardataires.

Ça reste un excellent souvenir. Des années plus tard, quand je courais en Production, un de mes amis répondait à ceux qui s’étonnaient que je ne me fasse pas "taper" par tel ou tel pilote : "Eh, Bébel, il a quand même gagné le Grand Prix de Monaco !” [rires]

Jean-Pierre Beltoise sur le podium après sa victoire à Monaco en 1972.

Jean-Pierre Beltoise sur le podium après sa victoire à Monaco en 1972.

Cela n’a-t-il pas été trop dur, fin 1973, de voir vos deux équipiers chez BRM, Niki Lauda et Clay Regazzoni, passer chez Ferrari ?

Un peu... Je me demande, avec le recul, si le fait de ne pas avoir accepté la proposition d’Enzo Ferrari d’aller le voir quelques années plus tôt n’a pas joué... Peut-être pas, peut-être que je rêve, mais je me demande. Surtout qu’en 1973, j’étais devant Lauda et Regazzoni la plupart du temps.

Et donc, après votre troisième saison chez BRM, vous auriez pu retourner chez Matra...

Fin décembre 1974, dans une conférence de presse, Lagardère annonce une réduction de budget et l’engagement d’une seule voiture en 1975, pour moi. Mais ce programme était dépendant de l’arrivée de nouveaux sponsors et Lagardère a dit qu’il confirmerait tout ça début janvier. Et là, il annonce : "Nous arrêtons la F1". C’était dommage, car nous avions trouvé pourquoi le V12 ne fonctionnait pas. Il a bien progressé ensuite et quand il a fini dans la Ligier en 1976, il était très bon.

La version assez répandue, concernant Ligier qui a repris le programme Matra, est que vous aviez amené le budget Gitanes à l’équipe, qui vous a ensuite préféré Jacques Laffite... C’est bien ça ?

Moi, et Henri Pescarolo. Nous devions tous deux piloter. Son cas a été réglé très tôt, six mois avant le mien. On me l’a vite fait comprendre. Puis, en ce qui me concerne, j’ai travaillé, me suis investi dans ce projet. J’ai fait les premiers essais, et ne suis plus jamais remonté dans la voiture...

Je vais me faire l’avocat du diable, mais ne peut-on pas considérer qu’en effet, Jacques Laffite était plus rapide qu’un Pescarolo ou un Beltoise à ce stade de leur carrière à tous les trois ?

Moi, je pense sincèrement que si on m’avait pris, nous aurions pu être champions du monde...

La Formule 1 s’est arrêtée à ce moment-là pour vous...

En fait, ça s’était arrêté au Grand Prix des États-Unis, où la voiture m’avait échappé aux essais, pour une raison que je ne me suis jamais expliquée. J’ai eu la cheville cassée et je n’ai pas couru. Le lendemain, un jeune pilote s’est tué exactement au même endroit... J’avais vu tellement de gens se tuer et les risques étaient encore plus grands pour les pilotes du fond de grille. Or, Matra se retirant et toutes les bonnes places étant prises...

Jean-Pierre Beltoise au volant de la BRM P160D en 1973.

Jean-Pierre Beltoise au volant de la BRM P160D en 1973.

Je vous coupe, mais il me semble que vous aviez été impliqué dans le fameux carambolage de Silverstone en 1973, non ?

En effet. J’étais parti en septième ligne et n’avais rien vu venir. Ce jour-là, j’ai d’abord cru que ma voiture serait en état de repartir. Mais en la voyant...

Ah ben non !

[Rires] Voilà. En fait, non. Et plus tard, j’ai découvert en voyant des photos que j’avais décollé deux mètres en l’air au-dessus du peloton...

Donc, vous hésitez alors à continuer ?

Voilà. Et après l’épisode Ligier, je me retrouve dans la même situation. Williams voulait m’engager, mais Williams, à cette époque, c’était le fond de grille, pas beaucoup d’argent, etc. Et un jour, j’apprends par Bob Wollek qu’un championnat de type NASCAR va être lancé en France, avec la catégorie Production, promotionné par Claude Ballot-Léna, et je dis banco. J’y ai passé quelques belles saisons [sur BMW puis Peugeot].

À partir de ce moment, plus de contacts avec la F1, les protos ?

La F1, non. Les protos, j’ai continué un petit peu avec Rondeau puis j’ai eu la sensation qu’avec ce type de voitures – comme les Porsche très évoluées aérodynamiquement que j’ai conduites plus tard – et aux vitesses atteintes, le pilote ne pouvait plus rien contrôler en cas de pépin. Alors j’ai dit : j’arrête.

Jean-Pierre Beltoise au Grand Prix du Mexique 1970.

Jean-Pierre Beltoise au Grand Prix du Mexique 1970.

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