La saga des carburants fait son retour en F1
Une farouche guerre des carburants a fait rage en Formule 1 au cours des années 80. C'est de nouveau le cas avec les unités de puissance turbo hybrides.
Photo de: Mercedes AMG
Dans les années 80, dans le but de tirer plus de 1000 chevaux des moteurs V6 turbo de l’époque, les chimistes des sociétés pétrolières ont concocté des carburants volatiles, boostés avec des additifs comme le toluène. Dans les garages régnait une forte odeur de solvant à peinture, et les mécaniciens devaient manipuler les bidons avec d’extrêmes précautions.
Première interdiction
Cette cuvée de carburants dangereux a depuis été interdite, mais cela n’a pas empêché les pétroliers d’améliorer les essences fournies aux motoristes ; une essence qui répond en tous points à leurs exigences.
Tel qu’on l’a constaté avec le moteur de dernière génération utilisé par Mercedes au Grand Prix d’Italie, l’essence en F1 n’est plus un ordinaire carburant de pompe. Il possède des caractéristiques bien précises.
L’utilisation de ce moteur a permis à Mercedes d’explorer certaines voies pour la saison 2016, dont celle d'un carburant spécialement mélangé pour ses nouveaux organes internes.
En d’autres mots, cette nouvelle essence n’aurait procuré aucune amélioration si elle avait été employée dans l’ancien moteur. L’inverse est aussi vrai, car l’ancien carburant n’aurait rien donné de spécial dans ce nouveau moteur. L'un ne va pas sans l’autre.
“Il fut un temps où un développement technologique du moteur imposait la production d’un nouveau carburant. Maintenant, je dirais que les deux progressent ensemble”, explique Chan Ming Yau, responsable des technologies de carburant chez Petronas. “La nouvelle version du moteur, introduite à Monza, le confirme. Une nouvelle spécification du moteur exige un nouveau carburant. Les deux vont de pair maintenant”.
Une nouvelle relation
La nouvelle motorisation turbo hybride, et surtout sa règle des 100kg de carburant pour un Grand Prix, a braqué les projecteurs sur les pétroliers et sur une plus grande collaboration avec les motoristes.
Optimiser le phénomène de combustion est désormais la clé du succès. Il n’est donc pas étonnant de savoir que les bases de la domination de Mercedes résident beaucoup sur sa collaboration étroite avec Petronas. Pour l’entreprise malaisienne, les défis de produire le carburant actuel sont beaucoup plus complexes que ceux rencontrés dans les années 80, où à peu près tout était permis.
Eric Holthusen, directeur de l’exploitation chez Petronas International, a déclaré à Motorsport.com: “C’est en effet le cas. Les choses sont beaucoup plus limitées aujourd’hui, car on ne peut plus employer de produits chimiques néfastes. Le carburant de F1 est très proche de celui du commerce."
“Il faut utiliser les mêmes constituants et les mélanger de façon perspicace, de façon à produire plus de puissance, de meilleurs accélérations tout en consommant moins. Notre équipe technique et celle de Mercedes travaillent ensemble. Le motoriste ne fabrique pas un moteur pour le confier à son équipe. Désormais, on nous dit ‘voici le moteur, fournissez-nous le carburant optimal’."
“Il existe aujourd’hui une collaboration étroite, du début à la fin, entre les deux équipes, au point que le moteur ne tournera qu’avec le carburant pour lequel il a été conçu. Ainsi, si vous utilisez le carburant de Mercedes dans n’importe quelle autre monoplace dotée d’un moteur différent, alors vous ne constaterez aucune amélioration des performances. La mécanique et le carburant sont développés ensemble. Ils ne font qu’un”.
Mercedes a conçu le meilleur moteur de la F1 en écoutant les requêtes de son partenaire pétrolier.
Toto Wolff, patron de Mercedes Motorsport, affirme : “D’un côté vous avez le châssis, et de l’autre, l’unité de puissance. Mais puisque le moteur est tellement complexe, chaque composante doit fonctionner avec l’autre."
“Petronas ne peut pas produire un carburant qu’on dit extraordinaire, mais qui ne fonctionne que dans des conditions bien précises, pour une certain rendement énergétique ou un déploiement de puissance précis. Il y a donc trois facteurs à considérer : le carburant et les lubrifiants, le développement du moteur et celui du châssis”.
Plus que de l’essence
Petronas peut faire plus que de produire un carburant qui optimise le déploiement de la puissance et la combustion dans les cylindres.
Holthusen croit que plusieurs améliorations peuvent être apportées dans des domaines comme les lubrifiants de boites de vitesses et le liquide de refroidissement de l’ERS, ce qui peut même avoir des effets sur l’aérodynamique de la voiture.
“L’essence est au centre de nos développements technologiques, mais vous trouvez quand même cinq fluides différents dans une voiture de F1 moderne : le carburant, le lubrifiant moteur, le lubrifiant de transmission, le liquide de refroidissement de l’ERS et l’huile du circuit hydraulique."
“Plusieurs gains de performance ont été négligés, car l’attention a surtout été portée sur l’essence et l’huile moteur. Nous avons récemment tenu des réunions avec les membres de l’écurie. Par exemple, nous avons disséqué la boite de vitesses et analysé comment nous pouvions améliorer son fonctionnement avec un nouveau lubrifiant."
“De plus, comment pouvons-nous améliorer l’aérodynamique de la monoplace en refroidissant mieux l’ERS? En ayant un meilleur transfert de chaleur, les ingénieurs du châssis pourront réduire la surface frontale de la voiture, ce qui améliorera son aérodynamique, et donc sa vitesse. La nouvelle génération de moteur V6 est vraiment au point. Ce n’est pas encore le cas en ce qui a trait à l’électronique et aux fluides. Il y a encore des choses à améliorer”.
Encore des gains
La démonstration effectuée par le plus récent moteur Mercedes à Monza, que Christian Horner de Red Bull a qualifié de "terrifiant", prouve qu’il est possible d’effectuer des progrès rapides en respectant les règlements actuels.
Si Mercedes n’a pas commenté la rumeur voulant que cette unité de puissance représente un gain de 40 chevaux, Holthusen admet que des efforts majeurs sont consacrés à trouver des améliorations.
“Cela devient plus ardu, c’est certain”, confirme-t-il. “On a beaucoup progressé à l’époque où il était facile de le faire. L’équipe nous pousse à travailler, et elle profite aussi de nos informations et nos idées. Nous ne verrons plus d’énormes gains comme ceux constatés au début. Mais nous allons poursuivre notre progression tout en surveillant ce que font nos rivaux.
“Mercedes surveille les autres équipes, et nous surveillons les autres pétroliers et tentons de découvrir sur quoi elles travaillent. Des constituants sur lesquels nous avons travaillé l’an dernier deviennent disponibles. Tout se sait. Alors il faut continuer à innover”.
La recherche technologique fait partie de l’ADN de la Formule 1. C’est ce qui lie deux époques grandioses de la F1, même si elles sont complètement différentes.
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