Analyse

Pourquoi les progrès de Honda ne seront évidents qu'en 2020

Honda et Red Bull ont uni leurs forces pour la saison 2019, un an après le divorce très médiatisé du motoriste japonais avec McLaren. Il y a eu des victoires, mais les nouveaux associés n'ont pas joué le titre. Voici pourquoi ils ne s'attendaient pas à y parvenir.

Masashi Yamamoto, directeur général de Honda Motorsport

Masashi Yamamoto, directeur général de Honda Motorsport

Andrew Hone / Motorsport Images

Lorsque McLaren a annoncé renouer son partenariat légendaire avec Honda en 2015 afin de retrouver le sommet, il était inconcevable que la marque nippone doive attendre 2019 pour goûter de nouveau à la victoire. Inconcevable également que ce soit avec Red Bull Racing, et non la structure de Woking.

La rédemption de Honda, qui s'est remis sur le bon chemin en 2018 avec Toro Rosso avant de retrouver la plus haute marche du podium l'an passé, est une histoire qui réchauffe le cœur. Le motoriste avait sous-estimé la complexité des unités de puissance V6 turbo hybrides, et ses difficultés vis-à-vis de la concurrence ont été mises en exergue par trois saisons catastrophiques avec McLaren, à tel point qu'il était difficile de ne pas compatir.

Malgré des pannes spectaculaires, un groupe propulseur qualifié de "moteur de GP2" et un divorce public et embarrassant, Honda a demeuré discret, digne et tenace. La victoire poignante au Grand Prix d'Autriche a mis un terme à 13 ans sans succès. Honda a refusé de se laisser abattre et en a ainsi été récompensé. Mais un seul succès ne justifie pas des années et des centaines de millions de dollars d'investissement. Il fallait que les progrès de Honda soient validés autrement.

Max Verstappen, Red Bull Racing, vainqueur

Directeur de Red Bull Racing, Christian Horner a toujours estimé que cela allait être une "année de transition" pour l'équipe, consciente que Honda n'était pas encore prêt à combattre Mercedes et Ferrari. Or, Max Verstappen a remporté deux victoires et signé autant de pole positions lors d'une nouvelle campagne dominée par les Flèches d'Argent ; les deux parties peuvent se satisfaire d'une première saison de collaboration très positive.

La fiabilité est au cœur des progrès de Honda, notamment grâce à l'arrivée de Toyoharu Tanabe au poste de directeur technique en provenance du projet IndyCar de la marque, fin 2017, ainsi qu'au retour du technicien Yasuaki Asaki, qui a pris la tête du département recherche et développement. En effet, Tanabe est particulièrement pointilleux sur la fiabilité. Red Bull n'a pas évité les pénalités sur la grille, mais les unités de puissance supplémentaires avaient une visée stratégique afin d'éviter les pannes et n'étaient donc pas une réaction à de coûteuses explosions.

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Nous n'exagérons rien, c'est une vraie progression. Honda affirme que son produit est suffisamment durable pour faire la saison complète en respectant le quota de moteurs. Verstappen souligne par ailleurs que Red Bull n'a pas connu un seul abandon causé par Honda de toute l'année.

"Ils ont fait un énorme pas en avant", déclare le Néerlandais. "Les changements de moteur étaient avant tout liés aux évolutions pour la performance. Nous savions devoir partir du fond de grille, ou perdre cinq ou dix places, mais tout ça, c'était pour la performance ; cela allait nous aider pour les courses suivantes. Ce n'était pas dû à un moteur simplement usé. C'était donc une bonne chose pour l'an prochain."

L'évolution du MGU-H apportée fin 2018 et le nouveau turbo arrivé pour le Grand Prix de France en juin (où la spécification 3 de l'unité de puissance Honda a fait ses débuts) ont joué un rôle crucial. N'oublions pas que les motoristes ont tendance à ne lancer la deuxième spécification de leur groupe propulseur qu'une ou deux courses plus tôt. La première évolution de Honda, focalisée sur la fiabilité plus que sur la performance, est apparue dès la quatrième épreuve de la saison.

Max Verstappen, Red Bull Racing RB15

Cette Spec 3 était significative, et pas seulement parce qu'elle a rompu la monotonie d'un début de saison légèrement décevant. En dehors d'un podium qui leur a donné confiance pour leur première course ensemble, en Australie, Red Bull et Honda étaient la troisième force du plateau la plupart du temps, même si Verstappen a arraché un nouveau top 3 en Espagne et a combattu Lewis Hamilton pour la victoire à Monaco.

La deuxième spécification arrivée à Bakou n'a pas été une révolution, mais la troisième si, tandis que Red Bull a également mieux adapté son châssis. Résultat : la victoire de Verstappen au bout du suspense en Autriche. "Initialement, gagner me paraissait difficile, surtout tôt dans la saison", reconnaît Tanabe. "En milieu d'année, l'équipe a grandement amélioré le châssis, et notre moteur a progressé également."

Le nouveau turbo a complété les avancées menées en collaboration avec le département des moteurs à réaction chez Honda ; c'est ainsi que la division F1 est parvenue à construire des turbines fiables et performantes, élément crucial pour les performances du MGU-H et du turbo mais aussi pour l'unité de puissance dans sa globalité.

Honda a été récompensé de son développement agressif par la possibilité de lancer une quatrième spécification après la trêve estivale, soit une évolution supplémentaire par rapport à la concurrence, certes avec le handicap de pénalités sur la grille qui étaient de toute façon inévitables.

L'on ne peut pas dire que Honda a atteint le niveau de Mercedes, mais d'après Verstappen, l'équipe en est "très proche" – plus proche que jamais en qualifications, tandis que le déficit est quasiment négligeable en course.

Max Verstappen, Red Bull Racing RB15

Seul l'énorme pas en avant de Ferrari en qualifications après la trêve estivale, source de nombreux soupçons, a semblé interrompre la lancée sur laquelle se trouvaient Red Bull et Honda, mais seulement en apparence.

"Nous étions également très compétitifs à Monza, ce à quoi l'on ne se serait pas attendu", remarque Verstappen. "Cela n'allait pas si mal. Nous avons dû encaisser des pénalités moteur, et en partant du fond de grille, on ne peut pas faire mieux que cinquième, ce qui n'est pas un résultat exceptionnel en apparence."

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"Nous avons commis une erreur au niveau des réglages à Singapour. Puis Suzuka allait forcément être délicat, car avoir les réglages parfaits ou non fait immédiatement une énorme différence en qualifications. Je n'étais pas très satisfait de nos réglages en qualifs, donc ça n'avait pas l'air exceptionnel. Mais j'ai pris un bon départ et j'étais virtuellement troisième avant de me faire sortir [par Charles Leclerc au premier virage]. Cela aurait été un bon résultat pour nous. Peut-être que l'on parlerait alors différemment de ces dernières courses."

En fin d'année, Verstappen a retrouvé son niveau d'avant la trêve estivale, aidé par des performances solides à haute altitude grâce aux progrès du turbo Honda. Il aurait dû monter sur le podium au Japon, ainsi qu'à Mexico, où Hamilton l'a involontairement tassé hors de la piste. Il était le plus rapide en qualifications au Mexique et au Brésil, et a fini troisième dans des conditions normales aux États-Unis, en jouant la pole à la régulière. Ces résultats l'ont propulsé à la troisième place du championnat, devant les deux pilotes Ferrari.

Était-ce une nouvelle année où Red Bull a dû se contenter des miettes laissées par Mercedes ? L'écurie a remporté un nombre de victoires similaire, a signé autant de poles et s'est battue pour la même troisième place du championnat pilotes que lors de la dernière de ses cinq années sans titre avec Renault. Qu'est-ce qui a changé ? Est-ce un succès à prendre avec des pincettes, ou un échec masqué par des coups d'éclat ?

Max Verstappen, Red Bull Racing RB15

"Il est toujours difficile de juger si [Honda] a dépassé les attentes, mais ce que je trouve très positif, c'est que nous avons eu un objectif tout au long de l’année et nous avons toujours été au niveau ou au-dessus de cet objectif, ce qui n'était jamais arrivé auparavant", souligne Verstappen. "C'est une bonne chose. Ils ont toujours été très honnêtes quant à ce qui allait nous être fourni, et parfois, c'était même un peu mieux. Ils travaillent d'arrache-pied et il y a eu des progrès notables sur les deux derniers moteurs."

"Je suis très content. Auparavant, nous perdions beaucoup de points à cause de problèmes de fiabilité, liés à la fois à la voiture et au moteur, et je pense que nous avons progressé des deux côtés. En fin de compte, si l'on veut jouer le titre mondial, on ne peut pas se permettre de tels abandons."

Voilà les exigences auquel Honda devra se tenir, car il s'agit de l'objectif ultime de Red Bull. Et si la saison du motoriste nippon n'a pas été suffisamment bonne pour jouer le titre, cela n'était pas l'objectif en 2019. Le principal, c'est que Red Bull a considéré Honda comme un meilleur pari à long terme que Renault, et non comme un pas en arrière à court terme.

À en croire les principaux intéressés, la saison 2019 a posé les bases de cet objectif jamais atteint par Red Bull avec Renault depuis le début de l'ère hybride : la victoire au championnat du monde. Peut-être la véritable valeur de cette campagne ne sera-t-elle visible qu'au terme de celle à venir.

Un logo Honda sur le capot moteur de la voiture de Max Verstappen, Red Bull Racing RB15

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