Analyse

Le dernier champ de bataille de la F1 et ses opportunités illimitées

Alors que les efforts de la Formule 1 pour réduire les coûts limitent l'utilisation par les équipes de leurs souffleries de pointe, les progrès de la technologie des simulateurs et ses possibilités illimitées pourraient bientôt être le facteur déterminant du succès d'une équipe.

Stoffel Vandoorne dans le simulateur Mercedes

Photo de: Andrew Ferraro / Motorsport Images

Il fut un temps où la lutte entre les équipes de Formule 1 pour avoir les meilleures installations tournait autour des souffleries. Les rivaux consacraient des ressources considérables à la création de tunnels plus grands et plus performants, dans l'espoir qu'ils permettent de dégager les gains aérodynamiques nécessaires pour obtenir l'avantage sur la piste.

Mais, dans le cadre des efforts déployés par la F1 pour réduire les coûts et empêcher les grosses écuries de se surpasser avec des designs toujours plus coûteux, leur utilisation a été de plus en plus restreinte ces dernières années. Bien sûr, il y a toujours un avantage à disposer de la meilleure installation possible : c'est pourquoi McLaren et Aston Martin construisent tous deux leurs propres tunnels sur mesure en ce moment. Mais ce n'est plus un si grand champ de bataille pour l'innovation.

En fin de compte, les restrictions imposées par le règlement sur les souffleries ont plafonné le type d'avantage qu'une équipe peut obtenir, c'est donc la loi des rendements décroissants qui s'applique aux structures qui y consacrent trop de ressources. De plus, les avantages seront encore plus réduits à partir de 2022, lorsque la nouvelle génération de F1 – qui impose des limites beaucoup plus strictes sur les libertés des équipes pour développer l'aérodynamique – laissera les mains encore plus liées lorsqu'il s'agira de générer des gains au niveau des temps au tour.

Mais, comme cela arrive souvent en F1, lorsqu'un domaine se referme, cela ne fait qu'ouvrir un autre champ de bataille et il semble désormais que la tendance soit à la poursuite de la prochaine grande nouveauté : les simulateurs de troisième génération.

Les simulateurs des écuries de Formule 1 n'ont rien de nouveau, puisqu'ils sont utilisés depuis de très nombreuses années. Mais ce qui s'est passé au cours des deux dernières années, c'est la prise de conscience que la marche effrénée de la puissance intellectuelle et de la technologie informatiques a changé la donne.

Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement d'avoir un simulateur. Il en faut un de troisième génération qui soit le meilleur de sa catégorie si l'on veut vraiment maximiser les retours. L'année dernière, le directeur technique de McLaren, James Key, a déclaré que la dernière génération de simulateurs était devenue une mine d'or pour les ingénieurs en leur permettant de débloquer les performances de la voiture, sans être soumis aux restrictions des essais.

"Le truc avec la voiture, c'est qu'elle est multidimensionnelle", expliquait-il. "Avec une map aérodynamique, il y avait auparavant un ensemble de courbes et c'était une surface, maintenant c'est une multitude de surfaces qui interagissent toutes d'une manière ou d'une autre. C'est la même chose avec les pneus. C'est la même chose avec certains aspects du moteur, et c'est assurément la même chose pour la suspension.

"Et plus la puissance de traitement [de l'ordinateur] est importante, plus vous êtes en mesure de combiner ces effets et de mieux reproduire ce que fait la voiture. Comme cela s'est amélioré au fil des ans, il faut donc juste intégrer plus de maths et obtenir un modèle plus représentatif."

"Au cours des 12 derniers mois, nous avons consacré beaucoup d'efforts à toutes les simulations, non seulement avec le nouveau simulateur que nous espérons pouvoir utiliser d'ici la fin de l'année, mais précisément dans tous nos environnements et outils de simulation" Mattia Binotto

Les simulateurs n'ont plus vraiment pour but d'aider un pilote à trouver les réglages qui lui conviennent. Les simulateurs sont désormais de plus en plus utilisés comme un outil permettant aux équipes et à leurs ingénieurs de mieux comprendre le comportement de la voiture et – plus particulièrement – des pneus. Dans la mesure où la valeur de la mise des pneus dans la bonne fenêtre de fonctionnement est absolument cruciale pour le succès, il paraît évident d'affirmer que l'équipe qui peut le mieux comprendre ce qui est nécessaire et ce qui fonctionne aura un avantage.

Il était fascinant d'entendre le directeur de l'équipe Ferrari, Mattia Binotto, il y a quelques jours, parler de la valeur que la Scuderia accorde à son simulateur et à ses simulations alors qu'elle trace son chemin pour revenir en tête de la grille.

On sent vraiment qu'elle entrevoit une opportunité de maîtriser les nouveaux pneus de 18 pouces de la F1 avant tout le monde, ce qui explique pourquoi elle aide tellement au travail de développement de Pirelli sur la piste, mais aussi pourquoi elle est si agressive avec son propre développement du simulateur en dehors de la piste.

Ferrari a récemment achevé la construction d'un tout nouveau simulateur à Maranello, qui est maintenant dans un processus de mise en service qui prendra deux à trois mois. L'entreprise souhaite que l'installation soit prête pour Carlos Sainz et Charles Leclerc d'ici la fin de la saison, afin de pouvoir se consacrer pleinement au projet 2022.

"Nous pensons qu'avoir un bon simulateur est très important", a déclaré Binotto. "Si nous regardons le [problème] d'usure des pneus que nous avons eu en France, il faut gérer, comprendre et réagir à ces problèmes. Si vous avez un bon simulateur, qui est assez bon en termes de réponse ou de corrélation avec la piste, l'exercice sera certainement plus précis."

"C'est pourquoi je pense que l'actuel [l'ancien, ndlr] simulateur que nous avons n'est pas le meilleur de sa catégorie, si nous regardons nos concurrents. C'est la raison pour laquelle, pour nous, il était important de procéder à une mise à niveau. C'est pourquoi nous pensons que le nouveau modèle peut nous mettre dans une bonne position pour l'avenir."

Mais c'est la profondeur de ce qu'un simulateur actuel à la pointe de la technologie peut offrir qui expose vraiment les avantages que les équipes y voient.

"La corrélation entre les modèles que nous utilisons dans le simulateur et le comportement réel en piste est la partie la plus importante, afin de pouvoir ensuite les comprendre et les gérer d'une certaine manière", a expliqué Binotto. "Pour notre part, au cours des 12 derniers mois, nous avons consacré beaucoup d'efforts à toutes les simulations, non seulement avec le nouveau simulateur que nous espérons pouvoir utiliser d'ici la fin de l'année, mais précisément dans tous nos environnements et outils de simulation."

"Cela implique d'essayer de créer des modèles qui reproduisent le comportement physique des pneus, de l'aérodynamique, de la voiture, etc. L'élément clé est que si vous pouvez le modéliser, vous pouvez le comprendre. Et si vous pouvez le modéliser, vous comprenez aussi comment il fonctionne. Nous avançons à grands pas dans cette direction."

"La même chose doit être faite avec le pneu de l'année prochaine. Si vous disposez du bon modèle, vous pouvez plus rapidement comprendre leur comportement. Les modèles sont construits de plusieurs façons, par une bonne définition de la géométrie, de la structure, du composé, des parties chimiques et physiques."

"Il y a beaucoup d'éléments, et l'intelligence artificielle est de plus en plus présente dans ces simulations pour essayer de reproduire les comportements. Même sans avoir un modèle physique, on peut cartographier ce que l'on voit sur la piste et le restituer."

"C'est pourquoi nous travaillons sur les essais des pneus de 18 pouces que Pirelli met à disposition. Nous sommes l'équipe qui en fait le plus, car nous sommes l'équipe qui s'est rendue disponible pour le faire et nous le faisons précisément pour cela. Notre intention n'est pas seulement de participer au développement des nouveaux pneus, mais d'essayer d'accumuler le plus d'informations possible pour avoir des modèles prêts le plus tôt possible, dès l'année prochaine."

Combien de temps faudra-t-il avant que les pilotes soient ramenés par avion après les séances pour transmettre au mieux leurs retours ? Ou combien de temps avant que les équipes puissent créer des installations mobiles qui peuvent être envoyées sur les courses pour que les pilotes et les ingénieurs puissent s'y installer ?

Au-delà des opportunités remarquables que les équipes tirent aujourd'hui des simulateurs de dernière génération, il sera intéressant de voir si la FIA intervient ou non pour tenter de limiter leur utilisation. Lorsque Lewis Hamilton a passé la matinée précédant la première séance d'essais du Grand Prix de Grande-Bretagne sur le simulateur Mercedes à parcourir le programme de la journée, cela a clairement suscité quelques commentaires quant à la possibilité que les choses deviennent hors de contrôle.

Alors que les équipes passent déjà des nuits entières avec des pilotes de simulateur lors des week-ends de Grands Prix pour peaufiner les programmes, combien de temps faudra-t-il avant que les pilotes de course soient ramenés par avion après les séances pour transmettre au mieux leurs retours ? Ou combien de temps avant que les équipes puissent créer des installations mobiles qui peuvent être envoyées par avion sur les courses – même dans un endroit situé en dehors du paddock – pour que les pilotes et les ingénieurs puissent s'y installer ?

Pour l'instant, il semble exagéré de penser qu'à l'ère du plafonnement des coûts, les gains seront à la hauteur des dépenses engagées. Mais dans le monde de la F1, il ne faut jamais dire jamais quand il y a du temps à gagner. Affaire à suivre.

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