La folle lutte technologique qui oppose Mercedes à Ferrari
La lutte qui oppose Mercedes AMG à Ferrari cette saison est une des plus intenses de la dernière décennie.
Photo de: Sam Bloxham / Motorsport Images
Les analyses techniques F1 de Giorgio Piola
Éminent expert technique de Formule 1, Giorgio Piola suit les Grands Prix depuis les années 1960. Sur Motorsport.com, ses analyses et illustrations se penchent sur toutes les nouveautés aperçues en F1 au fil des Grands Prix.
Les deux écuries rivales sont terriblement proches en termes de performance générale et l’une est parfois plus à l’aise sur un type de tracé tandis que l’autre prouve sa supériorité sur un autre type de circuit. Il est intéressant de constater que les deux monoplaces réalisent à peu près les mêmes chronos tout en étant issues de deux écoles de pensée très différentes.
Alors que débute le Grand Prix de Belgique sur le circuit de Spa-Francorchamps, ces illustrations de Giorgio Piola démontrent comment les deux voitures ont progressé en cours de saison et quels sont les détails qui pourraient faire une différence à la fin du championnat.
La diva au caractère fort
La Mercedes W08 de l’an dernier était une voiture difficile à comprendre et qui possédait un fort caractère. Toto Wolff avait même parlé d’elle comme d’une diva. Son empattement allongé avait été mis en question à quelques reprises, et certains attribuaient sa complexité à ce facteur, la rendant difficile à piloter sur les circuits sinueux.
Toutefois, le directeur technique de Mercedes AMG, James Allison, a toujours déclaré que l’empattement allongé allait être conservé pour la saison 2018, clamant qu’il y avait plus à perdre qu’à gagner en le modifiant, car cela nécessitait une refonte complète de la voiture.
Les gains aéro de Ferrari
Comparaison de la Ferrari SF71H et de la Mercedes W09
Photo de: Giorgio Piola
Plusieurs experts ont été étonnés de constater que la nouvelle Ferrari 2018 possédait, elle aussi, un empattement allongé. En fait, la distance qui sépare les roues avant et arrière a augmenté de 100 mm depuis l’an dernier.
Mattia Binotto explique cette décision par le fait que Ferrari voulait corriger les défauts de la voiture. "Si l'on regarde ce que nous avons fait l’an dernier, on note que nous avons bien réussi sur les circuits lents tandis que nous avons eu du mal sur les tracés un peu plus rapides", explique-t-il.
Il faut souligner que la Mercedes a souffert de l’interdiction, imposée par la FIA juste avant le début de la saison, d’une suspension très innovante qui lui aurait probablement procuré un avantage.
Cette suspension, héritière du fameux système FRIC hydraulique, permettait à la voiture de conserver une assiette aérodynamique idéale, peu importe les conditions. On croit que Mercedes disposait du système le plus avancé de tous, et que son interdiction lui a causé certains soucis de mise au point.
S’adapter aux changements
Pour 2018, Mercedes a effectué quelques modifications, en déplaçant et en interconnectant les basculeurs de la suspension avant afin qu’ils soient plus précis à ajuster.
À l’arrière, Mercedes a conservé la position surélevée de son triangle supérieur de suspension. Pour ce faire, on note une extension du triangle et un point de connexion élevé.
Grâce à son nouvel empattement allongé, Ferrari a pu apporter certaines modifications aérodynamiques à l’arrière de la monoplace. On note un nouveau canal de fond plat comme vu précédemment sur d'autres monoplaces de la marque, ce qui améliore l’écoulement de l’air autour de la région en forme de bouteille de coca.
Comparaison des dérives de la Ferrari SF71H et de la Ferrari SF70H
Photo de: Giorgio Piola
Ce sont toutefois les flancs de la voiture qui ont vraiment profité de l’empattement allongé. Ainsi, les dérives latérales et les rebords du fond plat ont beaucoup progressé.
Les pontons aux formes totalement inédites ont requis des solutions techniques peu orthodoxes et ont permis un peu plus de liberté pour modifier les flancs de la voiture.
Mercedes a conservé des pontons aux formes plus traditionnelles, même si James Allison clame, dans une vidéo parue en début de saison, que l’équipe Mercedes a effectué de grands pas en avant avec ses pontons revus et corrigés.
Ferrari a commencé la saison avec sa SF71H munie d’un aileron de nouveau style, abandonnant la section archée située aux côtés de la section neutre (indiquée par la flèche) et la remplaçant par des fentes (illustrées en jaune).
La forme du tunnel externe a aussi été revue, car les ingénieurs désiraient modifier la forme du sillage généré par les pneus avant (en comparaison dans l’inséré de gauche).
Mercedes a modifié les dérives de son aileron avant, adoptant une section drapée à l’arrière, ce qui influence les flux d’air divergents autour des pneus.
Une course au développement
Le rythme de développement et l’introduction de nouveautés sont souvent cruciaux dans les succès d’une écurie de F1. Les images qui suivent illustrent les étapes de développement de la Mercedes et de la Ferrari.
Les deux écuries ont apporté leurs premiers changements aérodynamiques majeurs en Azerbaïdjan, abandonnant leurs ailerons arrière traditionnels en faveur de modèles en forme de cuillère, destinés à réduire la traînée. Lors du retour en Europe pour le Grand Prix d’Espagne, les ailerons traditionnels, à appuis plus élevés, sont réapparus.
Ferrari, cependant, a poussé les choses un peu plus loin en adoptant des rétroviseurs fixés au Halo. Les caissons des rétroviseurs en deux parties avaient déjà pas mal intrigué les experts, au point que Ferrari a dû les modifier à Bakou. Cependant, les nouveaux supports, encore plus controversés, avaient forcé leur interdiction dès la course suivante.
Imitant Sauber, Mercedes a ajouté une ailette sur le triangle supérieur de sa suspension avant. Puis, à Monaco, Ferrari a retiré ses supports de rétroviseurs, jugés un peu trop aérodynamiques, mais ces derniers sont restés fixés sur le Halo, plutôt que sur le châssis.
Plus important encore, Ferrari a introduit un nouveau réglage de la suspension arrière, qui a permis de rendre l'arche verticale plus prononcée afin d’augmenter les performances mécaniques et aérodynamiques.
Pendant ce temps, Mercedes a ajouté une série de générateurs de vortex à la surface supérieure de ses pontons afin de les faire travailler plus fort à basse vitesse dans les rues de Monaco.
Ferrari a innové au Canada en introduisant un ensemble de dérives latérales plus agressif et en modifiant les fentes de l’extension du splitter.
L’écurie italienne a encore innové en France, sur le rapide circuit du Castellet, avec un nouvel aileron avant fendu sur toute la longueur au niveau du plan principal. Cela a modifié la sensibilité de l’aileron à la plongée.
On a aussi noté une section extérieure arquée modifiée et une nouvelle configuration du canard fixé sur la dérive ; des changements qui modifient la façon dont les flux d'air se déplacent sur et autour de la surface avant du pneu.
En comparaison, Mercedes a choisi d'éviter l'introduction de toute pièce de développement aérodynamique majeure, avec seulement une petite modification apportée à l'une des ailettes de l’écope de frein avant.
Cela s'explique en partie par l’introduction de son unité de puissance de deuxième génération, qui avait été initialement prévue pour le Canada, mais qui a été retardée en raison de problèmes de fiabilité.
En Autriche, Mercedes a dévoilé sa plus grande évolution de la saison, modifiant la forme des pontons afin que l'entrée d’air soit repoussée. Cela a contribué à réduire l'incidence que le sillage du pneu avant peut avoir sur le flux d’air autour de cette zone de la monoplace.
Les rétroviseurs et leurs supports ont également été ajustés afin de s'adapter à la nouvelle carrosserie et de profiter des effets aérodynamiques secondaires.
Mercedes a également introduit un nouvel aileron arrière, dont le design de la dérive latérale rappelle celle utilisée par McLaren depuis 2017, ce qui augmente le rendement de l'aileron sur les circuits qui réclament plus d'appui.
Ferrari a réagi à Silverstone en introduisant un nouveau fond plat, muni d’une autre fente pleine longueur sur le bord, qui se mêle aux échancrures destinées à limiter les effets de la dispersion de l’air causée par les pneus arrière.
L'intention était de "sceller" le bord du fond plat, créant une sorte de jupe aérodynamique qui enferme les flux d'air sous le fond plat et le diffuseur. Ferrari a également modifié l’ailette de l’écope de frein arrière, la séparant complètement en trois sections, plutôt que d'avoir seulement des fentes dans la cloison latérale.
On peut constater que les deux écuries rivales ont choisi des rythmes de développement plutôt différents. Mercedes a décidé d’effectuer des modifications majeures en Autriche tandis que Ferrari a procédé à plusieurs évolutions mineures, presque à chaque Grand Prix. Qui disposera d’un avantage en cette fin de saison ? Difficile à dire, car les deux équipes doivent partager le travail des ingénieurs entre le développement de la voiture actuelle et la conception de la monoplace 2019, qui sera fort différente.
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