Interview

Anthoine Hubert, Champion GP3 sur les traces d'Esteban Ocon

Anthoine Hubert a été titré en GP3 à l'issue d'une campagne qui n'était pas sans rappeler celle d'un autre pilote français sacré dans ce championnat trois ans plus tôt. Cet espoir du sport auto tricolore s'est confié en exclusivité à Motorsport.com.

Anthoine Hubert, ART Grand Prix

Photo de: GP3 Series Media Service

Anthoine, pour votre deuxième saison en GP3, vous avez fait preuve d'une régularité redoutable, avec "seulement" deux victoires mais surtout 11 podiums en 18 courses. On avait quelque peu l'impression qu'il n'y avait jamais de mauvais week-end, à part au Red Bull Ring. Comment l'expliquez-vous ?

C'est vrai qu'hormis le Red Bull Ring où je n'ai marqué aucun point, tous les autres week-ends ont été positifs et très riches en points. Pour viser ce titre, j'ai regardé la saison précédente, j'ai essayé de voir où j'avais à progresser.

Ce n'était pas forcément la constance, mais principalement les qualifications, ainsi que quelques autres détails. Je pense avoir bien travaillé là-dessus. J'ai quand même fait deux pole positions. Il faudrait que je vérifie les statistiques des qualifs pour voir qui était le meilleur performeur sur la saison, en termes de position ou d'écart de chrono, mais je pense que ça doit être moi. [Sa position moyenne sur la grille est de 2,25 si l'on excepte sa 19e place en Autriche, 4,11 autrement ; son retard moyen sur la pole se chiffre à 0"174. Personne ne fait mieux, ndlr.]

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Surtout, je m'étais fixé un objectif de points sur la saison, une moyenne à chaque meeting. J'ai su me satisfaire, par exemple à Barcelone, de faire deux fois deuxième. Évidemment, on veut toujours faire mieux, mais ça m'allait. J'ai parfois su repartir de certains meetings sans victoire, sans pole, mais avec de gros points.

Je préfère être Champion avec tous ces podiums plutôt que gagner cinq ou six courses dans la saison mais ne pas être titré au bout. Rien ne remplace sur un week-end de course la sensation de la victoire, mais l'objectif de la saison était d'être Champion.

Anthoine Hubert, ART Grand Prix

Voilà qui nous rappelle un peu la campagne 2015 d'Esteban Ocon, également chez ART Grand Prix. Il n'avait remporté qu’une victoire sur l'ensemble de la saison, mais avait réalisé un incroyable série de 11 podiums consécutifs.

Tout à fait. Pour fixer mon objectif de points en début d'année, j'ai regardé tous les Champions de GP3 depuis le début, et j'ai fait des statistiques toutes bêtes. Le nombre de poles, de victoires, de podiums, la moyenne de points, etc. Je me suis basé là-dessus.

J'avais vu la saison 2015 de GP3, j'avais revu en début d'année le nombre incroyable de deuxièmes places qu'Esteban avait faites. Effectivement, il n'avait qu'une seule victoire, ce qui est "faible", mais au final, c'est lui qui avait été Champion. Aujourd'hui, on se souvient du Champion. Bref, c'est vrai qu'il y a quelques similitudes avec son titre.

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Dans quelle mesure cela vous-a-t-il aidé d'avoir la continuité avec la même voiture, la Dallara GP3/16, et la même écurie, ART Grand Prix ?

C'est très important. Ce sont des catégories où l'on roule peu. L'an dernier, je n'avais pas atteint mes objectifs. Je m'étais fixé l'objectif du podium, j'ai fini quatrième [derrière ses coéquipiers George Russell, Jack Aitken et Nirei Fukuzumi, qui sont tous partis en F2, ndlr]. J'avais un goût d'inachevé, je voulais terminer le travail avec ART. J'ai utilisé cette première année comme une expérience.

À partir de là, j'ai fait le point en fin d'année dernière pour savoir ce qu'il avait manqué : ce que je pouvais changer, par exemple dans ma relation avec l'équipe ou dans le travail avec l'ingénieur. Tout cela pour aller grappiller ce qui m'avait manqué l'an dernier.

Anthoine Hubert, ART Grand Prix

Quels rivaux vous ont donné le plus de fil à retordre cette saison ? On pense bien sûr à vos coéquipiers Nikita Mazepin ou Callum Ilott, mais pas seulement…

C'est logiquement Mazepin, c'est lui qui termine deuxième. En plus, avec mon abandon en Course 2 à Abu Dhabi, il ne finit pas très loin en termes de points. Il a fait une très belle saison, il a montré de belles choses cette année. Il s'est bien préparé, et ça a payé. Effectivement, ça a été un rival important.

Callum, ça fait un moment que je le connais. On a été coéquipiers en F3 il y a deux ans ; je savais à quel point il a une belle pointe de vitesse et il est talentueux. Je pensais qu'il allait être mon principal rival ; il l'a été jusqu'à Monza. C'est lui qui m'a pris la tête du championnat quand je l'ai perdue au Red Bull Ring.

Les deux derniers rivaux, pas forcément pour le titre mais à plusieurs reprises pour la victoire, ce sont Leonardo Pulcini – qui est très rapide et a fait de belles choses cette année – et David Beckmann qui, une fois arrivé chez Trident, a réussi à remporter deux Courses 1 assez rapidement. Mais moi – je ne dirais pas que je gérais, car on veut toujours gagner, mais je savais que terminer deuxième derrière un pilote qui était déjà quasiment hors course pour le titre, ça restait un bon résultat.

Avez-vous été surpris que Mazepin soit si performant ? En F3 Europe, il était clairement en dessous d'Ilott et vous.

Oui. Je ne vais pas mentir, j'ai été surpris. Rares sont ceux qui n'ont pas été surpris, même au sein de l'équipe. Il n'y a pas grand-monde qui l'attendait là et qui s'attendait à ce qu'il se batte pour le titre, pour la simple et bonne raison qu'il n'avait jamais gagné une course en monoplace [une seule victoire en British F3 en réalité, ndlr], et que l'an dernier en F3, il a fait dixième. Ce n'était pas le favori pour le titre.

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Si l'on reprend les articles du début d'année, dans les favoris, il y avait moi, Callum [Ilott], Jake [Hughes] – et j'étais d'accord avec ces articles. Très honnêtement, pour moi, le plus gros client allait être Callum. Je pensais aussi avoir une bonne concurrence de la part de Jake. Malheureusement pour lui, il a eu quelques difficultés cette année. Cela n'enlève rien à son talent, je pense quand même qu'il reste un très bon pilote.

Le deuxième, Anthoine Hubert, ART Grand Prix, le vainqueur, Nikita Mazepin, ART Grand Prix

Y a-t-il une performance en particulier que vous retiendrez de cette saison ?

Il y a deux week-ends que je retiens. Le premier, dans l'ordre chronologique, c'est Le Castellet, où j'ai été performant. Surtout, j'ai aimé l'ambiance un peu patriote de ce Grand Prix de France, avec la Coupe du Monde en même temps, c'était vraiment sympa. Et super bien organisé, si l'on fait abstraction du problème de trafic.

En termes de performance, le week-end qui est vraiment très important, c'est Silverstone. C'était le quatrième meeting du championnat, après le Red Bull Ring, un week-end à zéro point où je venais de perdre la tête du championnat. Dans ma tête, ce n'était pas simple.

Silverstone est un circuit que j'adore, et j'ai fait ma première pole en GP3. En plus, mon frère a eu le baccalauréat ce jour-là et la France a gagné face à l'Uruguay à la Coupe du Monde. C'était vraiment une super journée, et j'ai enchaîné le lendemain avec la victoire.

Le dimanche, en Course 2, j'ai fait une belle remontée aussi. J'ai repris la tête du championnat. Face à mes concurrents, j'ai montré que certes, j'avais fait un mauvais week-end en Autriche, certes, ça arrive d'avoir des passages à vide, mais qu'il ne fallait pas m'enterrer et que j'étais là. Je pense vraiment que c'était très, très important.

Avec le recul, le week-end du Red Bull Ring aurait pu m'être fatal mathématiquement, mais au final, je suis presque content qu'il ait eu lieu, parce qu'on a directement réussi à reprendre la tête de cette manière-là. C'en est un peu plus beau.

Anthoine Hubert, ART Grand Prix

Concrètement, que représente ce titre pour vous ?

C'est un mélange d'un accomplissement et le début de la suite, en quelque sorte. Un accomplissement parce que cela faisait cinq ans que je n'avais pas gagné de titre. On arrive dans des catégories où c'est très relevé.

J'avais gagné en F4 France en 2013, et depuis, je n'avais pas toujours eu toutes les chances de mon côté pour gagner. Parfois, je n'avais pas les budgets pour bien préparer la saison. Quand j'avais roulé en F3 Europe chez Van Amersfoort par exemple, j'avais fait une demi-journée d'essais pendant l'hiver, mais il y avait des gars qui étaient en troisième année et qui avaient roulé 20 ou 30 jours l'hiver. Forcément, même le meilleur des pilotes, dans ces conditions-là, ne peut pas être Champion. Malgré ça, j'avais réussi à gagner une course, à faire trois podiums, soit une saison plutôt correcte.

Ça a été dur, ça a été long pendant cette période, parce que je n'ai pas de fortune personnelle : on a toujours cravaché pour essayer de passer dans les catégories supérieures. Gagner un titre, c'est encore plus compliqué, mais ça ouvre toujours des portes, surtout au niveau financier.

Vraiment, pour tous les efforts depuis mes débuts, c'est super génial d'arriver à gagner ce titre, non seulement pour moi mais aussi pour ma famille, mes partenaires, dont certains sont très impliqués dans ma carrière. Ensemble, on a réussi à atteindre ça. Je suis heureux, je suis fier de tout ce qu'on fait.

Par contre, la terre ne s'arrête pas de tourner. J'ai fait ça, c'est super, c'est génial. Maintenant, cela m'ouvre des opportunités, il faut les saisir. Cela me motive encore plus pour la suite.

Anthoine Hubert, ART Grand Prix

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