Pourquoi Peugeot ne pouvait risquer un engagement au Mans

Peugeot a fait le choix de ne pas engager sa 9X8 aux 24 Heures du Mans cette année. Les restrictions dans le développement expliquent en partie ce choix mais le Lion a également retenu les leçons du passé.

La Peugeot 9X8

Photo de: Peugeot Sport

Il faudra attendre 2023 pour voir la Peugeot 9X8 aux 24 Heures du Mans. La décision peut attrister mais elle n'a rien de surprenant à la lecture du règlement mis en place par le WEC et l'IMSA, fruit d'une philosophie totalement nouvelle au sommet de l'Endurance. Le LMH et le LMDh sont des catégories au développement plus que limité afin de réduire drastiquement les dépenses des constructeurs engagés.

Un prototype répondant à l'une des ces réglementations doit être homologué avant sa première course et sa spécification est ensuite gelée pour sa durée de vie, avec peu d'évolutions permises. Il s'agit d'une véritable révolution dans la façon d'aborder la compétition.

Peugeot a ainsi retenu les leçons de son glorieux passé au Mans, pas tant lors de son précédent engagement avec la 908, mais plutôt avec la 905 Groupe C, victorieuse dans la classique sarthoise en 1992 et 1993. Un triomphe qui a été le fruit du développement. La première version de la 905 a fait ses débuts lors des deux dernières manches du Championnat du monde des Voitures de sport en 1990 mais six mois plus tard, Peugeot a été confronté à un problème nommé Jaguar WJR-14.

Si le constructeur français a remporté le premier duel à Suzuka, profitant d'un manque de fiabilité de la Jaguar, il a compris qu'il avait du pain sur la planche après avoir échoué à deux secondes et demie en qualifications. De gros changements ont renversé la vapeur et c'est grâce à des essais et un développement illimités que les succès aux 24 Heures du Mans ont été conquis.

La Peugeot 905 Evo 1 pilotée par Keke Rosberg

La Peugeot 905 Evo 1 pilotée par Keke Rosberg

La première participation de Peugeot dans l'épreuve en juin 1991 a tourné au désastre. Les deux prototypes ont vite abandonné, cumulant moins de 100 tours. Deux mois plus tard, la 905 s'est muée en 905 Evo 1 Bis (même si certains de nos confrères emploient à tort la dénomination 905B). Elle n'a pas pu stopper Jaguar au Nürburgring mais n'a été battue que deux fois avant la disparition brutale du championnat, fin 1992, et l'abandon du règlement 3,5 litres.

À l'époque, un constructeur pouvait lancer sa voiture dans le bain de la compétition, identifier ses faiblesses puis revenir sur la planche à dessin pour les corriger et reprendre la piste pour des essais. Ce n'est plus le cas dans l'ère moderne de l'Endurance et Peugeot pouvait difficilement précipiter son arrivée.

Peugeot courrait contre le temps

Pour bien comprendre cette décision, il faut se rappeler de l'annonce de l'engagement de la 9X8 en 2019. Le WEC venait de basculer d'un calendrier annuel à un calendrier débutant à l'été pour se conclure au Mans au mois de juin, et Peugeot visait la saison 2022-2023. Le Covid a changé la donne : la saison 2019-2020 n'a pas pu se conclure avec les 24 Heures du Mans, repoussées au mois de septembre, et elle a finalement été allongée jusqu'au mois de novembre. Le WEC a ainsi renoué avec des calendriers annuels depuis la saison 2021, ce qui a troublé les plans de Peugeot.

Alors que le développement avait débuté pour un lancement en compétition dans environ six mois, la saison 2023 est devenue la nouvelle échéance. Et même si la firme sochalienne n'avait pas exclu une participation anticipée de la 9X8 au Mans, elle n'avait fait aucune promesse. Il ne faut pas oublier que le Covid a également bousculé le développement, tout comme la convergence entre LMH et LMDh, source de nouveaux défis techniques.

La Peugeot 9X8 a fait ses débuts en piste il y a moins de trois mois

La Peugeot 9X8 a fait ses débuts en piste il y a moins de trois mois.

Il faut enfin mettre en perspective la décision de Peugeot avec ce que font ses rivaux. La Porsche répondant au règlement LMDh n'a pris la piste qu'un mois après la 9X8, pour des débuts prévus en 2023. La Ferrari LMH devrait entamer son programme d'essais à l'été, comme la Cadillac LMDh. Ferrari pourra s'appuyer sur sept ou huit mois d'essais avant ses débuts aux 1000 Miles de Sebring en mars 2023, tandis que la Cadillac, plus simple car basée sur une LMP2, aura droit à six mois en piste avant de s'attaquer aux 24 Heures de Daytona en janvier prochain. Quant à la Porsche, elle aura bénéficié d'une année entière de roulage en marge des courses.

Et il ne faut pas oublier qu'afin de pouvoir participer aux 24 Heures du Mans cette année, Peugeot aurait au préalable dû s'engager à Spa au mois de mai pour que la Balance de Performance puisse être définie à temps. La 9X8 aurait donc eu droit à moins de cinq mois d'essais.

Avec seulement quelques jokers de développement pour des besoins de performance après une homologation, la liberté étant plus grande pour les évolutions relatives à la fiabilité, Peugeot a besoin d'une pleine confiance en son modèle avant de le confronter à la concurrence, sachant que l'engagement devrait durer jusqu'à fin 2025. Car si la réglementation permet à un constructeur de construire une nouvelle voiture, cette option sera à proscrire pour éviter les coûts et la longue période de développement que cela implique.

Ce serait donc une erreur de blâmer Peugeot pour sa décision de renoncer aux 24 Heures du Mans et d'attendre l'été, probablement Monza au mois de juillet, pour les grands débuts de la 9X8 en compétition. Le jeu n'en valait pas la chandelle.

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