Comment les membres de Suzuki ont trouvé refuge dans le paddock MotoGP
Le départ inattendu de Suzuki, annoncé au printemps 2022, a laissé une équipe tout entière sans poste au-delà de la saison en cours. Une situation humaine complexe que le paddock a finalement réussi à arranger en quelques mois.
Le 2 mai dernier, la saison MotoGP était lancée, le championnat venait d'arriver en Europe et promettait de s'intensifier, lorsqu'une nouvelle inattendue a fait trembler le paddock : Suzuki avait décidé de stopper sa participation et ne serait donc plus sur la grille en 2023, quoi qu'en dise son contrat avec la Dorna. L'information, communiquée à l'équipe elle-même au lendemain du Grand Prix d'Espagne, alors que se concluait une importante journée de test post-course, a fait l'effet d'une bombe, ébranlant la cinquantaine de personnes qui composaient alors la structure MotoGP, puis dans la foulée le paddock tout entier.
Passée la forte émotion qui a étreint les membres de l'équipe au moment de cette annonce, des responsables aux pilotes en passant par les mécaniciens, c'est un état de sidération qui s'est emparé d'eux. Pour chacun s'est alors ouverte une phase d'incertitude, faite de questions sans réponses quant à leur avenir. Tous dans le même bateau, ils avaient alors deux possibilités : s'effondrer ou se montrer plus motivés que jamais pour performer. S'ils ont tenté de suivre la seconde voie, la suite de la saison n'a assurément pas été simple pour ce groupe, logiquement déstabilisé.
Les membres de l'équipe ont beau s'être montrés exemplaires en affichant leur union, portés par des pilotes qui n'ont eu de cesse de témoigner de leur soutien au "petit" personnel, les chutes se sont néanmoins enchaînées et le championnat a pris une mauvaise tournure à partir de cette cassure qu'a représenté le 2 mai. En coulisses, la situation s'avérait tout aussi rude que ce que montraient les performances en piste, tant il paraissait difficile de pouvoir reclasser une cinquantaine de personnes alors qu'une équipe allait disparaitre de la grille en 2023.
Mi-juillet pour l'un et fin août pour l'autre, le sort des deux pilotes était officiellement réglé : Álex Rins et Joan Mir avaient tous deux trouvé refuge chez Honda, l'un recruté pour rejoindre le team LCR et l'autre la structure officielle Repsol. Pour les autres membres de l'équipe, c'était plus difficile. Car bien qu'ils aient tenté d'emmener des techniciens avec eux, les pilotes n'y sont pas parvenus. "On a constitué une très bonne famille ici, chez Suzuki, et j'aimerais prendre certains des gars, mais je me mets aussi à la place de l'autre équipe et je comprends qu'ils ne veuillent pas casser un groupe de travail", admettait le Catalan fin juin, peu avant l'annonce de son arrivée chez LCR.
Ni Joan Mir ni Álex Rins n'ont pu emmener de membres de leur équipe chez Honda
La situation a commencé à se débloquer lorsque Manu Cazeaux, justement le chef mécanicien d'Álex Rins depuis des années, a trouvé une place pour 2023. Face aux tentatives vaines de son pilote pour le garder à ses côtés, l'Argentin a finalement été recruté par Aprilia pour y devenir le nouveau responsable technique de Maverick Viñales. Pour d'autres, les mois ont semblé bien long et l'avenir ne s'est éclairci que lentement, avec des bonnes nouvelles tombées au compte-goutte. Au final, les qualités humaines et professionnelles de ce groupe ont prévalu et pratiquement tous ceux qui formaient l'équipe Suzuki en 2022 seront bel et bien dans le paddock cette année encore.
"Tout au long de ces six années, tous les membres de Suzuki ont été plus que des personnes qui faisaient simplement leur travail", expliquait il y a quelques jours Álex Rins dans le podcast de l'édition espagnole de Motorsport.com. "C'est vrai que pour nous, les pilotes, cela a été, entre guillemets, un peu plus facile de trouver du travail. Mais pour ces cinquante personnes, ça a été compliqué. Il y a néanmoins des gens qui ont choisi de ne pas rester dans le championnat et de faire autre chose, comme Kevin [Loussouarn], le gars qui s'occupait de mes roues et qui est vraiment top ; il a décidé de poursuivre sa vie en dehors du championnat. Mais je suis content car plus ou moins tout le monde a trouvé une place, or ce n'était pas facile."
Six équipes engagées en MotoGP vont accueillir les membres du staff technique qui entourait Rins (Tech3, Aprilia, Pramac et RNF) et Mir (Gresini, VR46, RNF), notamment sous l'impulsion des deux chefs mécaniciens qui ont pu emmener avec eux plusieurs employés à l'heure de rejoindre Aprilia (dans le cas de Manu Cazeaux) et Gresini (Frankie Carchedi). Les ingénieurs qui opéraient des deux côtés du stand vont quant à eux rejoindre KTM ou Yamaha.
Les adieux émouvants de Suzuki, avec la victoire d'Álex Rins à Valence
Parmi tout l'effectif, seul Livio Suppo disposait d'un contrat allant au-delà du 31 décembre 2022, le team manager ayant pris son poste moins de trois mois avant l'annonce du départ à venir. Il va ainsi rester lié au constructeur pour superviser la liquidation de tout le matériel et des contrats avec les fournisseurs, et sera assisté de Roberto Brivio, qui restera dans la structure italienne de Cambiago, jusqu'à la fin de son démantèlement. Quant aux responsables japonais qui portaient le programme, ils continueront pour la plupart à travailler pour Suzuki Motor Corporation à Hamamatsu, dans de nouveaux rôles qui vont à présent les éloigner des Grands Prix. Avec une exception de taille, Ken Kawauchi qui prend en charge le département technique Honda.
D'après nos informations, tous, jusqu'à l'équipe de communication et de marketing, ont désormais trouvé un nouveau poste. La fin de longs mois d'incertitude et de craintes, qui n'efface pas néanmoins le sentiment de gâchis que suscite cette décision brutale de la part de la marque, toujours incomprise par la plupart.
Les nouveaux rôles des membres de l'équipe Suzuki :
Membre de l'équipe | Rôle en 2022 | Nouveau poste |
Shinichi Sahara | Chef de projet Suzuki MotoGP | Suzuki Motor Company |
Ken Kawauchi | Directeur technique | Honda Racing Corporation |
Atsushi Kawasaki | Ingénieur châssis | Suzuki Motor Company |
Yuta Shimabukuro | Ingénieur données (Álex Rins) | Ingénieur GasGas Tech3 |
Masahiro Yamada | Ingénieur performance | Suzuki Motor Company |
Sadayuki Tsujimura | Ingénieur performance | Suzuki Motor Company |
Joan Mir | Pilote | Pilote Repsol Honda |
Alex Rins | Pilote | Pilote LCR Honda |
Mitia Dotta | Coordinateur équipe | Coordinateur équipe Aprilia |
Frankie Carchedi | Chef mécanicien Joan Mir | Chef mécanicien Gresini (Fabio Di Giannantonio) |
Claudio Rainato | Ingénieur données (Joan Mir) | Ingénieur VR46 |
Jacques Roca | Mécanicien (Joan Mir) | Mécanicien VR46 (Luca Marini) |
Marco Rosa Gastaldo | Mécanicien (Joan Mir) | Mécanicien Gresini |
Tsutomu Matsugano | Mécanicien (Joan Mir) | Mécanicien Team America (Moto2) |
Fernando Mendez | Mécanicien (Joan Mir) | Mécanicien Aprilia RNF (Raúl Fernández) |
Manuel Cazeaux | Chef mécanicien Álex Rins | Chef mécanicien Aprilia (Maverick Viñales) |
Davide Manfredi | Mécanicien (Álex Rins) | Mécanicien Aprilia (Maverick Viñales) |
Tiziano Verniani | Mécanicien (Álex Rins) | Mécanicien Pramac (Johann Zarco) |
Paco Nogueira | Mécanicien (Álex Rins) | Mécanicien Aprilia RNF (Raúl Fernández) |
Jordi Melendo | Coordinateur pièces détachées | Coordinateur pièces détachées GasGas Tech3 |
Francesco Munzone | Ingénieur performance | Ingénieur de piste MV Agusta |
Nicolas Piantoni | Ingénieur performance | Ingénieur KTM |
Matteo Gaio | Ingénieur performance | Ingénieur KTM |
Giorgio Ripoli | Ingénieur performance | Ingénieur KTM |
Tom O'Kane | Ingénieur performance | Ingénieur Yamaha |
Mattia Bonfanti | Chef hospitality | Cuisinier Aprilia RNF |
Dario Decio | Coordinateur hospitality | Coordinateur hospitality VR46 |
Alessio Armigeri | Cuisinier hospitality | Cuisinier Yamaha |
Akira Yamajuku | Mécanicien | Suzuki Motor Company |
Livio Suppo | Team manager | Sous contrat jusque fin 2023 |
Roberto Brivio | Coordinateur | Assistance pour la liquidation |
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