Opinion

Neuville a-t-il raison de critiquer le futur réglement ?

Les critiques de Thierry Neuville contre les futures Rally1 (ces voitures qui inaugureront la nouvelle ère hybride du WRC) sortent de l'ordinaire, à une époque où les pilotes sont généralement réticents à exprimer leurs opinions en public. Mais les inquiétudes du Belge concernant la vitesse, la sécurité et le coût sont-elles tout à fait justifiées ?

Hyundai I20 N WRC Rally1

Hyundai I20 N WRC Rally1

WRC.com

Le Championnat du monde des rallyes est prêt pour un nouvel avenir hybride à partir de 2022, mais tout le monde n'est pas fan de la nouvelle réglementation Rally1. Le pilote Hyundai Thierry Neuville l'a clairement fait savoir avant le Rallye de l'Acropole le week-end dernier.

Parmi les figures les plus expérimentées du WRC, dont les 14 victoires le placent au même niveau dans les livres d'histoire que le double champion Walter Rohrl, Neuville a déjà exprimé ouvertement ses préoccupations concernant la nouvelle orientation du WRC. Cependant, la semaine dernière, il est passé à un niveau supérieur en soulignant plusieurs points qui méritent d'être discutés.

"Je ne suis absolument pas d'accord avec tous ces changements qui sont décidés par la FIA et les constructeurs, tout le temps pour déplacer des choses, juste pour rendre la voiture moins excitante, plus dangereuse à conduire, et à la fin, cela pourrait être plus coûteux que tout ce que nous avons vu jusqu'à présent en WRC", a-t-il déclaré.

"Je ne suis pas du tout heureux pour être honnête, et je l'ai dit à plusieurs reprises. Mais évidemment, personne n'a les couilles (sic) de prendre des décisions différentes et d'aller à l'encontre de ce que la FIA décide. C'est dommage, mais cela doit être l'époque que nous vivons. Les pilotes ne sont plus écoutés, et c'est une autre chose qui rend nos vies plus frustrantes."

Avant d'analyser les commentaires du Belge, nous devons d'abord revenir sur ce qui est prévu pour la nouvelle ère du WRC, qui débutera lors du célèbre Rallye de Monte-Carlo en janvier de l'année prochaine.

Le nouveau règlement du Rally1 est sans doute le plus grand changement de réglementation technique que le championnat mondial ait connu. À partir de l'année prochaine, les voitures seront équipées d'un moteur électrique de 100 kW qui sera combiné au moteur à essence 1,6 litre turbocompressé actuel pour créer les premières voitures hybrides.

 

Grâce à la combinaison du moteur électrique et du moteur à combustion interne, les voitures de Rally1 produiront 514 chevaux, soit nettement plus que la génération actuelle de machines qui roule depuis 2017. Mais ce surcroît de puissance ne sera disponible que par courtes rafales et le kit supplémentaire nécessaire alourdira les voitures de 100 kg. Par conséquent, les voitures de Rally1 seront très probablement moins rapides sur une spéciale, en particulier dans les sections plus lentes, sans le coup de pouce hybride.

Il est important de noter que, contrairement au système "push to pass" de l'IndyCar, les pilotes ne pourront pas accéder à la puissance supplémentaire en appuyant sur un bouton. La puissance hybride sera utilisée pendant 10 secondes au début de chaque spéciale, puis sur certains tronçons, via trois cartes logicielles personnalisées préprogrammées et connectées à l'ECU de la voiture. La puissance ne pourra être déployée que si l'unité hybride est suffisamment chargée avec l'énergie régénérée par le freinage.

Le mode tout électrique devrait être utilisé sur les tronçons de route et dans le parc d'assistance. Les voitures fonctionneront également avec un carburant 100% durable et non fossile afin d'améliorer encore l'empreinte du championnat et d'aider le WRC à devenir neutre en carbone d'ici 2030.

Les véhicules seront également beaucoup plus simples, les palettes de changement de vitesse étant remplacées par un levier de vitesse séquentiel. Les composants aérodynamiques seront réduits et le différentiel central supprimé, tandis que le débattement des suspensions sera diminué.

La sécurité a également été placée au centre de la nouvelle réglementation, avec un nouveau châssis à cadre spatial plus résistant, approuvé par la FIA. Selon l'instance dirigeante, les impacts latéraux ont montré une réduction de 51% des intrusions. La section du toit peut absorber jusqu'à 115% d'énergie que ce que faisait une carrosserie WRC actuelle, renforcée par un arceau traditionnel. Un choc frontal contre un obstacle rigide a entraîné une réduction de 70% de l'intrusion dans la zone de la cloison, protégeant ainsi les pieds et les jambes des occupants.

Il est clair qu'il ne s'agit pas de petits changements, mais d'une refonte importante née de multiples discussions impliquant la FIA et les groupes de travail des constructeurs. Le changement est inévitable en sports mécaniques, car la technologie s'améliore et le marché automobile évolue pour répondre aux besoins de ses clients et satisfaire aux exigences environnementales. En fin de compte, le sport automobile sera toujours un outil marketing pour les constructeurs qui doivent invariablement justifier leurs dépenses auprès des dirigeants en démontrant une certaine pertinence par rapport aux tendances du marché.

 

Par conséquent, le passage du WRC à l'hybride ou l'intégration d'un plus grand degré de durabilité devait forcément arriver à un moment donné. Le Rally1 permet effectivement aux marques existantes de poursuivre leurs programmes WRC tout en attirant peut-être de nouveaux acteurs, ce qui ne peut être que bénéfique pour la compétition à l'avenir.

Sans les changements de règlement, il est très probable que le WRC aurait perdu M-Sport, étant donné la dépendance de l'équipe de Cumbria au financement de Ford. Le maintien de l'ovale bleu en WRC dépendait donc de la nouvelle réglementation, et même les discussions visant à retarder d'une saison la réglementation du Rally1 n'étaient pas vraiment une option pour M-Sport. Désormais, Toyota, Hyundai et Ford se sont engagés dans le championnat pour les trois prochaines années, Ford augmentant son engagement et ses ressources dans le développement de la nouvelle Puma de l'équipe britannique.

"Nous avons connu une période difficile, mais nous avons eu la chance que Ford s'engage à s'impliquer dans la voiture de 2022 juste avant le Covid", a déclaré le patron de M-Sport, Malcolm Wilson. "De notre point de vue, cette période a été vraiment passionnante et nous avons bénéficié d'un soutien technique plus important que jamais de la part de Ford."

Il est tout à fait naturel de réagir au changement, mais Neuville a soulevé quelques points importants dans sa colère, largement axée sur les performances des nouvelles voitures. Les voitures de Rally1 2022 seront très probablement plus lentes et plus basiques sans le différentiel central, avec moins d'aéro et un débattement de suspension réduit. Il a également raison de dire que cette nouvelle technologie et ce développement auront un coût financier plus élevé pour les constructeurs et les équipes. Cette technologie n'est pas simple à comprendre ou à développer.

Dans une certaine mesure, Elfyn Evans, pilote Toyota partage ces inquiétudes quant aux performances des voitures. "Effectivement, nous allons avoir plus de puissance que ce que nous avons maintenant, mais il y a beaucoup d'autres zones de la voiture qui seront limitées", a déclaré Evans dans l'émission This Week with Will Buxton de Motorsport TV Live.

 

"D'après ce que j'ai compris, sur les transmissions, nous n'aurons qu'une seule rampe de différentiel disponible pour l'asphalte et la terre, et nous perdrons une partie de la possibilité de réglage de la précharge. Une grande partie de l'aéro nous est enlevée, et bien sûr l'unité de batterie est lourde, ce qui fait que nous avons un poids supplémentaire de 100 kg. Bien que nous ayons plus de puissance, il est très possible que les voitures soient plus lentes, surtout lorsque les spéciales seront plus techniques et sinueuses."

"Dans de nombreux endroits, les voitures ont été dépouillées et, pour être honnête, ce n'est pas toujours pour le mieux. Nous devrons attendre de les piloter réellement pour nous faire une idée complète, je pense."

La question de savoir si les voitures seront plus dangereuses reste à prouver dans des conditions de course normales. L'ajout d'un composant électrique aux véhicules suscite toujours des inquiétudes, mais le directeur technique de la FIA, Xavier Mestelan-Pinon, a déclaré que l'unité hybride pouvait résister à un impact de 70 g, et les conclusions de la FIA laissent entendre que le châssis sera beaucoup plus sûr.

Adrien Fourmaux, pilote M-Sport, est sans doute celui qui a parcouru le plus de kilomètres au volant d'une Rally1, car il a été très impliqué dans le développement de la nouvelle Puma. Le Français accueille favorablement l'introduction de la puissance hybride et est conscient des critiques de Neuville, mais il est convaincu que les voitures seront au moins agréables à piloter.

"Je suis sûr que la FIA et toutes les équipes travaillent ensemble pour trouver une bonne voie pour l'avenir du sport et maintenant, pour moi, il semble que nous devions avoir une approche plus écologique pour le rallye, et c'est une bonne direction à emprunter", a-t-il déclaré. "Je sais que Thierry se plaint de certaines spécificités des voitures, mais de toute façon, je pense que mon travail consiste simplement à piloter, à piloter aussi vite que possible et à trouver un moyen d'être le meilleur avec ce que nous avons. Nous verrons bien. Je suis sûr que l'année prochaine sera très intéressante et la voiture est déjà très agréable à conduire, donc c'est toujours bon."

Les commentaires de Neuville ont mis en évidence le manque d'implication des pilotes dans les décisions clés du WRC. Dans un monde idéal, les pilotes devraient peut-être être consultés et avoir plus d'influence, mais les constructeurs et la FIA auront toujours le dernier mot.

 

À bien des égards, la vérité sur le règlement du Rally1 et la liste complète de ses avantages et inconvénients ne sera pas vraiment connue avant le début de la saison prochaine. Neuville a passé cette semaine à tester la nouvelle voiture Rally1 de Hyundai, et il sera intéressant de savoir si son verdict a changé.

Pour l'instant, le point de vue de Jari-Matti Latvala, le patron de Toyota WRC, est peut-être le plus rassurant pour toutes les parties concernées. "La situation et la raison pour laquelle les critiques se font savoir maintenant est que vous pouvez comparer la voiture actuelle et la nouvelle voiture, mais quand tout le monde est dans les nouvelles voitures, c'est la même situation", a-t-il déclaré. "Quand elles commenceront à se développer et à s'améliorer et qu'elles redeviendront plus rapides, dans six mois, je pense que les pilotes ne critiqueront plus."

 

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