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Kubica : "La F1 ne sera jamais équilibrée"

Observateur attentif de la Formule 1, Robert Kubica estime que les efforts de la discipline pour tenter de rééquilibrer les débats sur les plans financier et sportif se heurteront à la réalité d'un championnat où des différences fondamentales subsisteront malgré tout.

Robert Kubica, Alfa Romeo Racing C39

Photo de: Glenn Dunbar / Motorsport Images

À l'heure où la réduction et le contrôle des coûts pourraient devenir des nécessités vitales plus que de simples orientations politiques et réglementaires en raison de la crise économique liée à la pandémie de COVID-19, Robert Kubica porte un regard assez fataliste sur la Formule 1 et les écarts entre les écuries. Dans un entretien exclusif pour Motorsport.com, le Polonais aux 97 Grands Prix livre sa vision de la discipline reine en s'appuyant sur son expérience passée et sur les différences qu'il a déjà pu constater à l'époque entre les plus grosses et les plus petites structures.

"J'ai connu une F1 très concentrée sur la performance", se souvient-il. "Pour moi, depuis que je suis petit, la Formule 1 représente le plus haut niveau. Pas le plus haut niveau en termes de dépenses, mais pour tout ce que l'on peut avoir. Et les équipes étaient très concentrées là-dessus : il y avait une recherche sur les détails, sur de petites choses. Clairement, ce sont des choses que l'on peut se permettre si on a de l'argent, et c'était donc la caractéristique de la Formule 1. Ceux qui disent qu'aujourd'hui en F1 il y a trop de différence entre les top teams et les petites écuries ont oublié l'époque de Minardi, au début des années 2000. Et pourtant, quand je courais, Minardi était une équipe de F1 : oui, ils avaient du mal mais on savait qu'ils étaient très en avance par rapport à tout ce qui se faisait en sport auto."

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Selon lui, la volonté affichée par certains acteurs de resserrer les budgets, notamment au travers du plafond de dépenses qui sera instauré dès 2021 et dont la valeur est aujourd'hui au centre des débats entre les écuries, est avant tout symbolique et ne fera pas disparaître par magie les écarts importants dans certains compartiments clés de la performance et du fonctionnement des équipes. "Maintenant, à mon avis, la mode est de se donner une bonne image [en voulant] une F1 équilibrée. La F1 ne sera jamais équilibrée et il est clair que ceux qui ont plus d'argent ont plus de facilités. Mais ça ne veut pas dire que si l'on enlève 200 millions à un top team il va se retrouver dernier, parce qu'il y a un facteur qui perdurera : c'est le talent des personnes qui travaillent, ainsi que la manière dont l’équipe est gérée, le groupe, la façon de travailler, le savoir-faire, l'expérience."

"Alors, oui, je pense qu'il est juste d'équilibrer, mais je vais vous dire : lors de ma première année, en 2006, j'ai fait plus de 27'000 km en F1 et pourtant je ne courais pas, je faisais les tests. Mais je roulais en Grand Prix le vendredi, parce que la troisième voiture pouvait rouler en EL1, ensuite j'allais en Espagne, je faisais trois jours d'essais, puis je me rendais à nouveau sur un Grand Prix, et ainsi de suite – ping pong. Et puis il a été décidé de ne plus faire de tests, parce que cela coûtait trop cher, mais au final les budgets sont restés les mêmes : on ne roule plus, mais l'argent est quand même dépensé, et il va dans les simulateurs."

"C'est bien de dire qu'on ne fait plus de tests, parce qu'on économise beaucoup d'argent, mais si ensuite on le dépense sur 30 personnes pour développer un simulateur qui apportera un avantage dans cinq ans et que l'on dépense 25 millions là-dessus, alors mieux vaut faire des essais. Quand j'ai couru en F1, on n'avait pas de simulateurs. La première fois que je suis monté dans un simulateur, ça a été à l'époque où je ne courais plus en F1, après mon accident. J'ai couru chez BMW et Renault, qui n'avaient pas de simulateur. Mais pourquoi ? Parce qu'on passait beaucoup de temps en piste, en roulait sur tous les circuits, c'était une Formule 1 différente. Bien sûr, on parle beaucoup de réduction des coûts et c'est juste, il faut les baisser à mon avis, mais il y a un juste milieu."

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Un juste milieu qui pourrait aussi passer par des procédés qui ont déjà largement cours actuellement, à savoir la fourniture de pièces d'un grand constructeur à une petite écurie, encadrée par le règlement, au moment où d'aucuns évoquent même la possibilité d'aller jusqu'au retour des voitures clientes si jamais la crise mondiale affaiblissait encore les équipes de milieu et fond de grille. Pour autant, Kubica estime que la Formule 1 doit rester "le top du top". "Ces dernières années, il est devenu à la mode d'utiliser des pièces des top teams, ou comme on l'a vu cette année d'avoir une voiture très similaire à celle qu'avait un autre team l'année précédente. Au final, on ne peut pas contrôler cela, si le règlement le permet il est inutile de trop s'énerver. Soit on laisse tout le monde libre, soit on met en place une [formule] monotype, parce qu'il y aura toujours des différences. Ça plaît à certains et pas à d'autres, mais la F1 a toujours été comme ça."

"Il y a eu l'époque de Mercedes, l'époque de Ferrari, l'époque de Renault, même si sa domination a été courte, l'époque de McLaren… Il y a toujours eu deux équipes en bagarre et les autres [distancées]. En tant que passionné ou pilote, [je pense que réutiliser] les pièces d'une F1, si c'est pour réduire les coûts, d'accord, mais si c'est pour équilibrer le championnat... À mon avis, il faut faire un compromis, sinon on prend des F2 et on les repeint. D'ailleurs, en F2 les budgets entre équipes sont plus ou moins les mêmes ou en tout cas il n'y a pas une différence de centaines de millions d'euros, et pourtant ce sont toujours les deux mêmes qui gagnent, alors comment ça se fait ? En 15 ans de GP2 et F2, combien d'équipes ont gagné le championnat ? Trois ? Quatre ? Si on est meilleur, on est meilleur, chapeau, et les autres doivent travailler."

"Il est juste de faire un compromis, mais le contrôler n'est pas simple. Moi, je vis souvent trop la F1 comme un passionné, c'est une qualité mais c'est aussi un défaut parfois. Pour moi, la F1 c'est le top du top et elle doit le rester. Il faut s'adapter, mais elle doit rester le top."

Propos recueillis par Roberto Chinchero 

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